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Syrie : les dessous de l’incompréhension Russie/Occident
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Conflits d'intérêts

Ce vendredi, quelques jours après le massacre de Houla, François Hollande reçoit Vladimir Poutine. Certains y verront l’opportunité de rapprocher les positions sur la situation en Syrie mais la perspective d’un grand marché russo-occidental demeure très improbable.

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier

Jean-Sylvestre Mongrenier est docteur en géopolitique, professeur agrégé d'Histoire-Géographie, et chercheur à l'Institut français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).

Il est membre de l'Institut Thomas More.

Jean-Sylvestre Mongrenier a co-écrit, avec Françoise Thom, Géopolitique de la Russie (Puf, 2016). 

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La Syrie bascule dans la guerre civile, le pouvoir de Bachar Al-Assad réprime dans le sang mais c’est avec constance que Vladimir Poutine maintient son appui et exclut une action de force. Ce faisant, il révéle l’importance de l’alliance russe avec l’appareil baathiste et son chef.

Les causes de cette alliance héritée de l’ex-URSS sont connues : effets de rémanences, contrats énergétiques et militaro-industriels, ouverture de la base navale de Tartous aux bâtiments russes. Au vrai, la Syrie demeure le seul point d’appui de la Russie en Méditerranée et au Proche-Orient. Toutefois, il serait fallacieux de réduire cette politique à la défense de positions acquises, voire à des réflexes « tchékistes ». Quant à l’argument de l’islamisme, il traduit surtout les craintes du Kremlin pour la stabilité du Nord-Caucase, cet « étranger intérieur » à la Russie.

Derrière le clan Assad, il y a l’Iran avec qui la Russie entretient d’étroits rapports. De fait, il existe entre Moscou et Téhéran une alliance s’exprimant à travers des coopérations énergétiques multiples, nucléaire civil compris, et d’abondantes livraisons d’armes à l’Iran. Enfin, l’attitude de Moscou est plus qu’ambivalente vis-à-vis des ambitions balistico-nucléaires du régime. Aussi, la bataille diplomatique autour de la Syrie, entre la Russie et l’Occident, ne peut être appréhendée sans son arrière-plan iranien.

La volonté opiniâtre dont Moscou fait montre et le souci de conserver des prises au Proche et Moyen-Orient ne signifient pourtant pas le retour en force de la Russie ou une quelconque résurgence de la « stratégie des mers chaudes ». Si l’on prend comme point de référence les années 2000, les événements en cours bousculent la diplomatie russe et les percées antérieures se révèlent être des mouvements tactiques de faible portée.

A rebours de la thèse de la « sainte Russie », rempart contre l’islamisme et conservatoire de l’Orthodoxie, Poutine avait alors fait prévaloir certains thèmes eurasistes pour mieux avancer ses pions. Arguant du passé tatar et de l’ancienne présence de l’Islam sur des terres autrefois assujetties par la Horde d’Or, la Russie était présentée comme un grand pays musulman. Ainsi s’était-il assuré le soutien de l’Iran et de l’Arabie Saoudite pour obtenir le statut d’observateur au sein de l’OCI (Organisation de la Conférence islamique).

En parallèle, Poutine cherchait à mettre sur pied avec le Qatar et l’Iran une « OPEP du gaz », d’autre pays producteurs étant approchés. Les dirigeants russes participaient aussi à la ruée vers le marché libyen et ils entendaient développer leurs exportations d’armes jusque dans le golfe Arabo-Persique où ils courtisaient Riyad et quelques autres. La manœuvre consistait à jouer sur la détérioration des relations américano-saoudiennes, suite aux attentats du 11 septembre 2001, et à instrumentaliser les inquiétudes suscitées par les difficultés de la guerre en Irak. Les monarchies du Golfe étaient alors en quête de réassurances stratégiques.

Depuis, les révoltes et séditions d’une partie du monde arabe - avec en toile de fond les rivalités entre Sunnites et Chiites -, ont mis en effervescence le Grand Moyen-Orient. Face à l’Iran, l’Occident et les monarchies du Golfe resserrent leurs liens. Plus largement, une grande alliance sunnite s’esquisse et la diplomatie russe est conduite à se replier sur les régimes iranien et syrien, ce qui met à mal ses positions dans l’ensemble de la région.

Au total, les projets russes dans la région se sont révélés être des mirages et la marge de manœuvre du Kremlin est rétrécie. Pourtant, le scénario d’un grand marché diplomatique avec les puissances occidentales demeure improbable. La « Russie-Eurasie » se veut une puissance tierce, tournée vers le monde des « émergents », et ses dirigeants misent sur le déclin de l’Occident.

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