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Le vote blanc peut-il créer la surprise aux législatives ?
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Bleu blanc nul

L'abstention et le niveau de votes blancs et nuls était l'un des enjeux de l'élection présidentielle. Les votes blancs avaient en effet atteint un niveau particulièrement élevé, frôlant les 6% lors du second tour. Les élections législatives ont une logique bien différente de la présidentielle, cet électorat pourrait donc bien choisir un candidat.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : L’abstention aux deux tours de l’élection présidentielle était élevée (autour de 20 %), et le pourcentage de votant ayant glissé un bulletin blanc ou nul dans l’urne au second tour a lui atteint un niveau rarement vu : 5,82 %. A-t-on, pour les élections législatives, des estimations d’abstention et de vote blanc ?

Yves-Marie Cann : Il n’y a pas d’estimations ou de mesures de la participation ou du vote blanc et nul pour les prochaines législatives. La raison, c’est que les personnes qui répondent à nos sondages sont celles qui ont tendance à participer d’avantage aux scrutins électoraux que le reste de la population. Donc, autant la mesure des rapports de force politiques est fiable, autant l’évaluation du potentiel d’abstention et de votes blancs et nuls est elle beaucoup plus aléatoire. Par sécurité, il n’y a donc pas de publications à ce niveau là.

N’a-t-on pas néanmoins une idée de ces taux ? Traditionnellement, comment évoluent-ils entre l’élection présidentielle et les législatives ?

On sait grâce aux élections passées – et aussi grâce à la configuration particulière actuelle, où les élections législatives suivent la présidentielle – qu’on a systématiquement un taux d’abstention aux législatives sensiblement supérieur à celui enregistré lors de la présidentielle. Il y a d’une élection à l’autre une démobilisation de l’électorat. En 2007, le niveau d’abstention était très bas à la présidentielle (16,2% au premier tour), mais il était record lors des législatives (39,5% au premier tour).

Que devraient faire les électeurs qui, faisant l’effort de se déplacer au bureau de vote, ont voté blanc ou nul lors de la présidentielle ?

Souvent, les électeurs qui votent blanc ou nul ont un sens aiguisé de leur devoir citoyen, mais ne se retrouvent pas dans l’offre électorale qui leur est proposée au premier et au second tour de la présidentielle. C’est pour cela que le taux de votes blancs et nuls est logiquement plus élevé au second tour qu’au premier, car l’offre politique large du premier tour facilite le choix. Au second tour, entre le simple choix gauche/droite, des électeurs –notamment ceux de Marine Le Pen et de François Bayrou – ne se retrouvent pas dans le choix proposé et votent blanc.

Il est délicat de savoir comment ces électeurs vont se comporter. On peut émettre l’hypothèse qu’ils vont quand même avoir tendance à aller voter au premier tour des législatives, mais risquent de réagir de la même manière –voter blanc- au second tour, dans l’hypothèse où leurs candidats ne se qualifieraient pas. Il est par exemple plus que probable qu’une proportion élevée des électeurs de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, qui s’étaient abstenus au second, votera Front national au premier tour des législatives. Et si leur candidat ne se maintient pas, soit ils n’iront pas voter, soit ils voteront blanc.

Mais il faut garder à l’esprit, dans les élections législatives, l’effet d’ancrage local ou de notabilité qui joue dans le vote. Des électeurs qui ont voté Marine Le Pen peuvent très bien voter pour leur député sortant, s’ils en ont une bonne image, s’ils le considèrent honnête, proche des électeurs et présent au niveau local. Cet effet peut perturber les logiques de vote que l’on trouve dans les élections nationales.

Ces électeurs, dont vous dites qu’ils ont « un sens aiguisé de leur devoir » seraient donc plus enclins à voter sur les compétences que sur des logiques partisanes ?

C’est quelque chose qui peut effectivement entrer en compte au moment de voter. C’est pour cela qu’il faut avoir à l’esprit que chaque élection a sa propre logique. On sait que l’étiquette politique tombe, mais n’est pas le seul argument dans une élection législative : l’ancrage local est également très important.

Ces électeurs qui ne se retrouvent pas dans l’offre politique d’une élection présidentielle peuvent-ils se reporter sur des partis nouveaux, comme le Parti pirate qui présente une centaine de candidats, ou des partis régionaux ?

C’est difficile à dire a priori, mais on ne peut pas l’exclure. Mais il faut voir aussi le niveau de mobilisation et la campagne que mènent ces candidats là. Les candidats qui émergent de ces formations, le Parti pirate, les partis régionalistes ou les formations d’extrême droite qui présentent des candidats, doivent réussir à se faire connaitre et entendre de ces électeurs là.

A partir des enquêtes par sondage, il est très difficile de répondre à ce type de questions, car les élections se passant dans chacune des 577 circonscriptions et ces forces politiques n’étant pas présentes partout, on ne peut pas avoir une vision de leur poids à l’échelle nationale.

Pourquoi les partis politiques n’incitent-ils pas plus les électeurs à venir voter, contrairement à l’élection présidentielle ?

On peut émettre l’hypothèse que les partis politiques ont intégré le fait que le taux de participation sera dans tous les cas moins fort aux législatives qu’à la présidentielle. Ils peuvent donc être réticents à engager des moyens importants pour inciter les gens à voter. De plus, comme les législatives suivent la présidentielle, il y a aussi un problème de moyens. Les candidats et les partis ont mis énormément d'argent et de force dans la campagne présidentielle ; ils n’en ont sans doute pas autant pour les élections législatives.

Enfin, il faut se souvenir que jusqu’à présent, les législatives qui suivent une présidentielle ont toujours été une confirmation du vote de cette dernière. Cela peut jouer, notamment à droite. On pourrait penser que cela les inciterait à aller voter, mais le résultat de l’élection présidentielle induit une démobilisation dans le camp du perdant. Une partie des électeurs de droite peuvent se dire qu’une cohabitation n’est pas la configuration institutionnelle idéale pour une bonne gouvernance de la France.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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