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Même combat : Jean-Luc Mélenchon et Alexis Tsipras sauront-ils accoucher d’un front de gauche européen ?
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Âmes soeurs

Jean-Luc Mélenchon et Alexis Tsipras, le leader de l'extrême-gauche grecque, ont tenu une conférence de presse commune lundi à l'Assemblée nationale. Les deux hommes politiques ont exposé une vision commune des solutions à apporter à la crise européenne. Mais leurs projets sont-ils vraiment les mêmes ?

Stéphane Courtois

Stéphane Courtois

Stéphane Courtois est un historien et universitaire.

Il est directeur de recherche au CNRS (Université de Paris X), professeur à l'Institut Catholique d'Études Supérieures (ICES) de La Roche-sur-Yon, spécialiste de l'histoire des mouvances et des régimes communistes.

On lui doit notamment Le bolchevisme à la française (Fayard - 2010).

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Atlantico : Jean-Luc Mélenchon et Alexis Tsipras ont tenu une conférence de presse commune lundi à l'Assemblée nationale. Les deux leaders politiques semblent se rejoindre sur le constat du tragique du destin grec, le dilemme ne portant pas sur une sortie de l'euro, mais sur l'abandon ou non d'un "mémorandum inhumain" (plan d'austérité). Peut-on parler d'un front uni entre ces deux partis ?

Stéphane Courtois : Il est clair que Jean-Luc Mélenchon et Alexis Tsipras sont sur la même position radicalement anti-néolibérale, c’est-à-dire, en bon français, anticapitaliste.

Cela n’a rien d’étonnant puisqu’ils ont connu la même formation idéologique dans des organisations communistes – trotskiste pour l’un, orthodoxe pour l’autre. Il est d’ailleurs à noter que, lors d’une interview, M. Tsipras a refusé de répondre à Mme Chabot qui lui demandait s’il était révolutionnaire. Il a aussi nié appartenir à un parti d’extrême gauche.

En réalité, comme le PCF, et comme Die Linke – l’ex-PC est-allemand –, le Synaspismos, dont M. Tsipras a été le président et le chef du groupe parlementaire, est membre du Parti de la gauche européenne qui regroupe, au sein du Parlement européen, la plupart des partis communistes, qu’ils demeurent marxistes-léninistes ou qu’ils aient été relookés en partis rouges-verts – écolo-révolutionnaires.

Jean-Luc Mélenchon a souligné que les menaces proférées à l'encontre de la Grèce n'étaient que contre-performantes. Pour Alexis Tsipras, "ce qui est appliqué en Grèce (...) est une expérimentation néolibérale qui s'apparente à un traitement de choc. C'est une crise humanitaire". Mais tous deux voient aujourd'hui en Europe l'émergence d'un vent politique nouveau. Existe-t-il aujourd'hui en Europe une véritable émergence des différents partis d'extrême-gauche ?

SC : Non. Simplement, ces partis communistes et d’extrême gauche essaient de profiter d’une situation économique et sociale difficile pour déployer leur habituelle démagogie. Mais M. Mélenchon a vu ses espoirs sondagiers réduits à la portion congrue lors de l’élection présidentielle.

Quant à la Grèce, dont la situation est pourtant infiniment plus catastrophique que celle de la France, la coalition électorale de M. Tsipras n’y a obtenu que 16,8% des voix. Après l’effondrement du communisme en 1989-1991, cela reflète la présence constante en Europe, à un niveau modeste voire marginal, d’un courant populiste de gauche, reliquat de l’énorme vague communiste de l’après-guerre.

Les deux hommes politiques s'en sont également prisà la chancelière Angela Merkel,déclarant qu'il ne lui appartenait pas de décider seule ou non d'un référendum sur l'euro en Grèce, "pays souverain". Le couple franco-allemand a toujours été moteur en Europe, et assoit en ces temps de crise sa position de leadership. L'extrême gauche européenne a-t-elle insufflé un vent de révolte politique en Europe ?

SC : Je crois que le résultat assez modeste de M. Mélenchon à l’élection présidentielle, le relativement bon score de M. Sarkozy au 2e tour et le faible enthousiasme provoqué par l’élection de M. Hollande montrent que les Français sont très conscients que la crise n’est pas derrière nous, que les dettes et les déficits publics sont toujours là et qu’une révolte qui ne propose aucune solution sérieuse ne mènera nulle part.

Alexis Tsipras, qui n'a pas été reçu par des membres du gouvernement Hollande, n'a pas hésité à emprunter aux éléments de langage de Jean-Luc Mélenchon, rappelant que "François Hollande ne pourra renier facilement ses promesses sinon il deviendra Hollandreou". L'extrême-gauche européenne est-elle en mesure de mettre des bâtons dans les roues de la politique européenne de François Hollande ?

SC : Comment des ministres d’un gouvernement désigné par M. Hollande pouvaient-ils recevoir M. Tsipras qui, en qualifiant le président d’ « Hollandreou » – au cas où il ne se démarquerait pas de Mme Merkel –, a rappelé que Papandréou avait en 2009 promis à la Grèce « le socialisme ou la barbarie », et qu’elle avait eu « la barbarie » ?

On est là dans l’habituelle propagande communiste, bien connue depuis 1917. En outre, M. Tsipras a expliqué que les socialistes français avaient un sentiment « de culpabilité » par rapport à la Grèce. Rappelons que les Grecs se sont mis eux-mêmes dans la situation catastrophique où ils se trouvent.

Le parti d'Alexis Tsipras caracole en tête des intentions de vote des législatives grecques du 17 juin, et pourrait donc devenir Premier ministre. Est-il une source d'inspiration pour la stratégie politique adoptée par Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche ?

SC : D’abord, rien ne dit que les sondages 
grecs d’aujourd’hui seront les résultats électoraux du 17 juin. Quant à M. Mélenchon, il rêve de devenir Premier ministre, puisqu’il a déclaré sans ambages qu’il ne serait ministre que dans un gouvernement qu’il dirigerait. Mais pour l’instant tout cela relève de la fantasmagorie ou de l’agit-prop en vue des élections législatives.

Propos recueillis par Franck Michel

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