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Vincent Peillon et la semaine de cinq jours : conjuguer concertation et intérêt général est-il vraiment toujours possible ?
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Tout doux !

A peine installé dans son poste de ministre de l'Education Nationale, Vincent Peillon affirme déjà sa volonté d'imposer le projet de la semaine de cinq jours dans les écoles primaires, passant outre la concertation tant voulue par François Hollande. Vite repris par Jean-Marc Ayrault, cette déclaration souligne-t-elle la preuve que la méthode socialiste promise sera difficile à maintenir ?

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico : Durant toute sa campagne François Hollande a déclaré que le gouvernement aurait à cœur de consulter les partenaires sociaux avant de prendre des décisions cruciales. Or hier, après le Conseil des ministres, Vincent Peillon nouvellement en charge de l'éducation a proposé de mettre en place la semaine de cinq jours pour les écoles primaires, sans même en discuter avec les associations de parents. Cet évènement annonce-t-il que la maîtrise des ministres sera plus compliquée que prévue ?

Olivier Rouquan : Je n'en suis pas sûr car c'est une toute nouvelle équipe qui s'installe et il y a toujours chez les nouveaux gouvernants des hésitations. Ceci dit, il ne faut pas confondre concertation et indécision. Il y a dans les engagements du Parti Socialiste des mesures assez vaillantes et le gouvernement nommé est là pour les mettre en place avant les législatives. Il peut, bien entendu, y avoir des ajustements et il est certain que ce projet de la semaine de cinq jours sera à nouveau soumis à discussion. C'est finalement le mode de fonctionnement d'un gouvernement sous l'arbitrage du Premier ministre même si je pense qu'il y a sans doute eu un peu de précipitation de la part de Vincent Peillon.

Des politiques publiques ont été annoncées et ne vont pas disparaître au nom de la concertation. Les axes forts seront maintenus et dans, ou en dehors du débat de la semaine de cinq jours, les temps scolaires seront de toute façon modifiés. C'est incontournable.

Cependant la méthode de concertation voulue par François Hollande est-elle la meilleure façon d'agir, est-ce un modèle tenable à long terme ?

Nous sommes entrés dans l'heure de la gouvernance ce qui signifie qu'à la fois au niveau des institutions nationales ou des collectivités locales, le décideur public doit être moins unilatéral, autoritaire et doit tenter de réunir le plus d'avis possible et de bien légitimer en amont sa décision. Ce sont des processus qui sont utilisés partout désormais et l'Etat central est quelque part obligé de s'y conformer.

En revanche, réunir, dialoguer ne signifie pas qu'on ne puisse pas décider, trancher et prendre les décisions les plus opportunes possibles. C'est une méthode de gouvernement qui, à la fois dans le style présidentiel ou mais aussi dans le fond, est amené à mieux s'adapter à nos sociétés contemporaines et aux cultures telles qu'elles ont évolué. 

Vis-à-vis des corps intermédiaires, motivée peut-être par les urgences de la crise, cette concertation ne va-t-elle pas virer à la décision cosmétique puisque les décisions seront prises rapidement et en amont ? 

C'est aussi une question de bonne gouvernance quand on est au sommet de l'Etat. La concertation ne fonctionne que si on en défini clairement les sujets et si on prévient à l'avance les partenaires sociaux des points qui ne sont pas négociables. C'est de la responsabilité du décideur public : il faut identifier des engagements politiques clairs non négociables car ils font la personnalité de François Hollande et de son gouvernement. 

Ce sont les premiers jours de ce gouvernement de gauche après près d'une vingtaine d'années de gouvernement de droite, comment parvenir à maîtriser l'euphorie des ministres et à conserver l'unité le plus longtemps possible ?

C'est un phénomène notable quel que soit les gouvernants : on se souvient de l'épisode des Jupettes. Ce sont des hésitations sur la forme et le fond avec des décalages du temps de Nicolas Sarkozy entre les gouvernements Fillon 1 et 2. Donc c'est normal. Pour la gauche et son arrivée au pouvoir, n'oublions pas qu'elle gère les exécutifs d'une collectivité locale, et, trente ans après la délocalisation, c'est une responsabilité très importante. Il y a une habitude, une culture de la prise de décision que maîtrisent des personnalités qui aujourd'hui sont à la tête de ministères. Et diriger une grande collectivité et un ministère c'est à peu près la même chose certaines sont mêmes plus compliquées à gérer. 

En revanche sur le plan de l'organisation du travail gouvernemental, des périmètres de ministères ont été modifiés et cela va demander une période de calage et pas simplement politique mais aussi administrative. 

Tout cela doit s'organiser et c'est vieux comme le gouvernement, cela prend un peu de temps. Avant les législatives, la priorité pour les ministres et les gouvernants sera d'éviter les annonces précipitées, les gaffes et tout cela relève plus de la communication politique que du sérieux du travail politico-administratif.

D'ailleurs dès vendredi matin, Jean-Marc Ayrault a remis Vincent Peillon dans le rang. Cependant, la sortie de Vincent Peillon pouvait aussi être comprise comme une stratégie de communication qui consiste dans un premier temps à imposer une idée pour ensuite après quelques temps, temporiser sa position première. Il faut éviter d'analyser trop vite une simple maladresse de communication.

Il faut bien comprendre que le fonctionnement des institutions est le même au-delà de la simple alternance, il repose sur un Premier ministre avec un directeur de cabinet solide, et l'Elysée avec un secrétaire général qui est un haut-fonctionnaire important, permettent de maintenir une cohérence d'équipe et la coordination des Ministères. Et enfin, il faut aussi garder à l’œil le service d'information du gouvernement et la personnalité qui sera à sa tête. 

Propos recueillis par Priscilla Romain

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