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Dette française : deux fois 
plus chère que l’allemande ?
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Ca bouge sur les marchés

Les obligations allemandes à dix ans atteignent 1,46 % contre à 2,81 % pour la France. Oui, nous payons, nous Français, notre dette deux fois plus cher que les Allemands. Avoir une politique de croissance, c’est avant toute chose avoir une politique anti-déflationniste, qui l’annonce et s’en donne les moyens. Au bénéfice de tous...

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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De fait, nous y sommes presque. Le taux de rendement sur l’emprunt à dix ans allemand s’inscrit actuellement à 1,46 % et le dix ans français à 2,81 %. Bien sûr, on peut toujours dire que les marchés financiers ont une étrange façon de fêter l'entrée en fonction du président de la république française, mais ce n’est pas le vrai problème. En effet, ces marchés ne sont, au fond, pas particulièrement inquiets du nouveau Président français, M. Hollande, mais bien davantage de la zone euro en général, la Grèce en particulier, avec ses effets sur l’Espagne, en attendant l’Italie. Tellement inquiets que leur refuge préféré est l’Allemagne.

Car les rendements des placements publics allemands sont effectivement… inquiétants.  Non seulement ils signalent à notre nouveau président les économies budgétaires à faire ici, mais plus encore ils snobent les rendements de bien plus liquide et de bien plus gros qu’eux, les Etats-Unis. Les voilà devenus irrationnels… A moins qu’ils n’annoncent le pire. En effet, si l’on tient compte des derniers indicateurs d’inflation structurelle, le taux réel américain s’établit à 0,5 %, le français à 2 %, et l’allemand à 0,2%. Les investisseurs, sans doute en majorité européens, ont-ils donc si peur d’eux et de leurs voisins qu’ils entendent alimenter la bulle obligataire allemande, au moment même où l’Allemagne se prête à accepter plus d’inflation ? Sont-ils à ce point effrayés qu’ils prennent le risque aujourd’hui d’un placement négatif en termes réels, et qui a toute chance demain de leur offrir une importante moins-value ?

Evidemment ceci ne peut durer, et on se demande ce qu’après demain nous réserve. Le pire est la déflation mondiale, l’idée que la conjoncture sera pire encore, avec des taux qui baissent pour les pays et les placements les plus sûrs et qui montent pour les autres, creusant les écarts. Jusqu’à la cassure. Les Etats-Unis ont bien compris ce danger, eux qui se sont présentés comme « le » pays non déflationniste. Excellent calcul. On sait ainsi qu’ils ont décidé d’importer de l’inflation en faisant baisser le dollar, organisant ainsi leur rebond par la baisse de la valeur réelle de leurs dettes, interne et externe. Mais graduellement. Et tant pis pour la Chine !

Et nous ? Allons-nous garder seulement un ancrage nominal (moins de 2%) quand le risque déflationniste monte ? On voit que la monnaie (au sens large) progresse de 3,2% sur douze mois en zone euro, mais avec un crédit au secteur privé qui augmente de 0,5% contre plus de 7% au secteur public. Le canal du crédit est en panne, la banque centrale finance les banques qui financent les états pour éviter le pire, ce qui est bien, en attendant la relève, ce qui est bien long. Et cette relève qui ne vient pas alimente des comportements déflationnistes en zone euro. La liquidité inquiète se rue vers les bonds allemands, creusant les écarts entre pays, ou vers les dépôts à terme. Pourquoi ne pas dire que la zone euro, non plus, ne veut pas de déflation et se prépare à tout faire pour l’éviter ? Pourquoi ne pas dire que cela explique ce que fait la BCE (par exemple les LTRO), afin de ne pas alimenter de comportements de crainte ? Pourquoi ne parler de project bonds, seule façon de faire partir l’activité quand le crédit privé est en panne, avec de bons projets s’entend ? Pourquoi ne pas parler du « canal du change », en disant que l’euro peut baisser sans risque, lui dont le taux de change effectif réel dépasse de 10 % son niveau de 2000, tandis qu’il a baissé de 20 % pour le dollar américain ?

Oui, nous payons, nous Français, notre dette deux fois plus cher que les allemands, et nous devons nous en soucier. Mais ce résultat n’est bon pour personne, autrement dit pour les allemands aussi. Avoir une politique de croissance, c’est avant toute chose avoir une politique anti-déflationniste, qui l’annonce et s’en donne les moyens. Au bénéfice de tous.

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