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Trump banni de Twitter : « Nous, Français, ne pouvons accepter ce qui se joue en ce moment pour la liberté du monde »
©Olivier Douliery / AFP

Censure

La décision d’un certain nombre de géants du Web de lancer cette nuit une offensive coordonnée contre le président Donald Trump et ses partisans ne menace pas seulement la liberté américaine. Elle nous menace frontalement.

Gilles Platret

Gilles Platret

Gilles Platret est un homme politique. Il est maire de Chalon-sur-Saône, Vice-Président national des Républicains, Président des Républicains de Saône-et-Loire, CoPrésident du groupe Laïcité de l'Association des maires de France (AMF).

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Dans un monde globalisé, ce qui secoue une grande nation ne peut manquer d’ébranler toutes les autres. A fortiori lorsque des technologies de dimension planétaire, dont l’existence, certes guidée par la recherche du profit financier, n’en constitue pas moins un moyen d’expression entre tous les habitants de la planète, décident de se faire gendarmes de la pensée.

Les événements de cette nuit, en Amérique et dans le monde entier, au moment où les Gafa ont décidé de lancer l’offensive contre le 45e président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump, et nombre de ses soutiens, ne peuvent par conséquent nous laisser indifférents.

On peut aimer ou détester Donald Trump.

On peut considérer que les milliers de témoignages qui tendent à prouver une fraude électorale organisée en novembre dernier dans un grand nombre d’Etats américains n’ont aucun fondement, quoi qu’ils aient été produits sous serment et donc avec le risque accepté de peines de prison en cas de mensonge avéré de leurs auteurs.

On peut estimer que ce provocateur-né qu’est Trump a sous-estimé, en la rassemblant au pied du Capitole, la force inépuisable d’une foule en colère dès lors qu’elle pense avoir le droit pour elle, quoique l’envahissement du Capitole ne pouvait rationnellement aboutir à rien d’effectif politiquement.

On peut détester les méthodes de Trump, rejeter sa politique, vomir son entourage.

On peut même contester le fait qu’il a conduit une politique de pacification partout dans le monde et qu’il a utilement refusé, contrairement à son adversaire démocrate, de mettre un genou à terre comme le lui enjoignait le délirant et liberticide mouvement Black live Master.

Mais on n’a pas le droit de refuser de voir à quel point la décision arbitraire de fermer hier soir son compte Twitter, qui constituait son principal moyen d’expression -lequel se trouve bien souvent être également le nôtre- et l’offensive coordonnée d’autres Gafa cette nuit sur tout ce qui est trumpiste, compromettent notre liberté elle-même.

Nous, Français, sommes les héritiers de Descartes et de Voltaire, qui ont eu l’audace de poser les principes révolutionnaires de l’autonomie de la pensée et du droit d’en user pour exprimer ses idées en acceptant toujours que son adversaire exprime pareillement les siennes.

Nous, Français, sommes les héritiers de Montesquieu et de Constant, qui ont trouvé, dans l’équilibre des pouvoirs, le plus sûr moyen de garantir la liberté du peuple en prévenant ce dernier des risques de la dictature.

Nous, Français, sommes les héritiers de ce peuple de Paris qui, pour sa protection et contre l’arbitraire, a pris d’assaut la Bastille le 14 juillet 1789. Ah ! je n’ose imaginer ce qu’un système médiatique tel que celui de l’Amérique de 2021 aurait pensé alors de cet événement fondateur ! Que n’aurait-on crié aux émeutiers, aux complotistes, aux factieux ! Et pourtant, ce sont ces émeutiers, ces complotistes, ces factieux qui ont renversé l’équilibre séculaire de la monarchie de droit divin, briser les fers qui entravaient le peuple français et fonder sa liberté.

Nous, Français, sommes les héritiers de ces Poilus de 14 qui ont offert leur corps épuisé en rempart contre l’offensive ennemie visant à nous asservir et à faire triompher l’impérialisme prussien en Europe et ailleurs.

Nous, Français, sommes les héritiers de ces résistants anonymes qui, dès l’été 1940, ont risqué leur vie et celle des leurs pour combattre l’occupant nazi et faire cesser l’intolérable occupation du sol de la Patrie.

Si nous avons encore cela au cœur, si tous ces morts, si tous ces sacrifiés, qu’ils aient coiffé le bonnet phrygien en 89, le képi garance en 14 ou le béret maquisard en 44, ne sont pas partis pour rien, alors nous ne pouvons accepter qu’un ordre de pensée planétaire, reposant sur des moyens technologiques contrôlés par une oligarchie idéologisée, puisse nous dicter ce que nous avons le droit de dire ou de ne pas dire et nous faire taire si cela lui déplaît.

Que personne ne s’y trompe, la liberté qu’on retire à notre voisin, que cela nous indiffère ou, pire, nous réjouisse, c’est le prélude au retrait de la nôtre.

Tout se tient dans ce monde, tout se tient pour la cause de la Liberté.

Ne croyons pas que les événements terribles de cette nuit se cantonnent à la rive occidentale de l’Atlantique. Ils sont les nôtres. Et demain, avec la même violence, les Gafa nous interdiront de dire ce que nous voulons dire.

Dans notre pays même, sur cette glorieuse terre de France encore imbibée du sang de ses défenseurs, nous laissons trop faire ceux qui cherchent à nous faire taire.

Il n’est pas un Français ami de la Liberté, quelles que soient ses opinions politiques, quelle que soit sa vision du monde, qui puisse accepter sans mot dire cette terrible évolution. Nous serons, face à l’Histoire, face à nos enfants qui nous jugeront, tenus pour responsables de l’attitude qui sera précisément la nôtre dans cette période où la menace sur nos libertés publiques devient une réalité.

Pour ma part, face au soleil qui monte en ce matin du 9 janvier, tenant la cause de la liberté d’expression comme sacrée, je crois de mon devoir de citoyen de coucher ces mots sur le papier, pour prendre date et réveiller immodestement quelques consciences afin que la nuit ne retombe pas trop vite sur notre pays.

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