Dans la tête du président
Corinne Lhaïk : "Emmanuel Macron aime les crises : elles lui permettent, pense-t-il, de faire valoir ses qualités d’audace et de courage"
Dans "Président cambrioleur", Corinne Lhaïk dresse le portrait d'un président exalté, adepte de la mise en scène, qui n'est jamais aussi efficace que lors des crises.
Atlantico : Le livre que vous publiez chez Fayard sur Emmanuel Macron, "Président cambrioleur", est unanimement salué par la critique comme l'un des meilleurs écrits sur le Président, qu'avez-vous découvert dans cette enquête dont vous n'auriez pas déjà eu l'idée ou l'intuition avant de l'entamer ?
Corinne Lhaïk : Le plus frappant me paraît sa difficulté à faire, alors que la transformation du pays est le moteur de son quinquennat. Il ne mène pas à bien la réforme de l’Etat (décentralisation, déconcentration, réformes de l’hôpital, du logement, politique des banlieues, etc). Il ne parvient pas à réformer la haute fonction publique et se plaint régulièrement de son inertie. Lui-même se fait le procureur de son action : dans ses prises de parole, lors de la crise des gilets jaunes puis de celle de la Covid-19, il dresse l’inventaire de tout ce qu’il faut faire. Et qu’il n’a pas fait.
Le président cambrioleur est celui qui a su "voler" un destin qui paraissait promis à d'autres pour le faire sien. Il faut une sacrée dose de narcissisme pour devenir président -et Emmanuel Macron s'inscrit de ce point de vue dans la lignée de beaucoup de responsables politiques de premier plan- mais vous soulignez une tendance à l'exaltation qui lui est peut-être plus spécifique. Diriez-vous qu'en plus d'être narcissique, il souffre aussi d'une certaine immaturité, propre à son âge comme probablement à la société française dans son ensemble ?
Je n’emploierais pas ce terme concernant Emmanuel Macron. On prend pour de l’immaturité ce qui relève de son âge, encore jeune, cumulé à son manque d’expérience politique. Sa propension à l’exaltation, que vous pointez, me semble relever d’un besoin de story telling, de mise en scène pour parler français. C’est une caractéristique de la politique d’aujourd’hui et probablement une nécessité, mais dans le cas d’Emmanuel Macron, elle est particulièrement exacerbée car elle rencontre un tempérament qui a le goût du théâtre.
Le président a aussi de grands moments de doute et une difficulté récurrente à trancher sur les dossiers difficiles. Entre les moments d'exaltation et les moments de doute voire de quasi découragement, quels sont les moments où Emmanuel Macron est apparu à son meilleur ?
Je parle de doute et d’exaltation, mais pas de découragement : au contraire, Macron a un tempérament optimiste. C’est pour cela que, paradoxalement, il aime les crises : elles lui permettent, pense-t-il, de faire valoir ses qualités d’audace et de courage. Cela fonctionne pendant le mouvement des gilets jaunes : il parvient à remettre sur pied son quinquennat. Moins dans la crise sanitaire où il promet des lendemains qui chantent trop tôt et de manière trop lyrique. Depuis, il a corrigé cette expression, l’a rendue plus sobre.
A lire aussi, deux extraits de l'ouvrage :
La haine anti-Macron : cette donnée politique inédite
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