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Et la définition la plus recherchée sur Google en 2020 est...
©Alastair Pike / AFP

Enseignements

Les informations autour du coronavirus, des élections américaines et de la PS5 ont été particulièrement recherchés par les internautes cette année.

Danielle Rapoport

Danielle Rapoport

Danielle Rapoport est psychosociologue et dirige le Cabinet d’études DRC, spécialisé dans l’évolution des modes de vie et de la consommation, via une approche ethno-qualitative, auprès des consommateurs et d’équipes managériales en entreprises.

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Atlantico : Les mots les plus recherchés sur Google en France viennent de sortir. Toutes tendances confondues, trois sujets ont la primeur : le coronavirus, les élections américaines et la PS5, est-ce un bon résumé de l’année qui vient de s’écouler ?

Danielle Rapoport : C’est plutôt un bref résumé mais on peut en tirer quelques enseignements. Cette année, marquée par la pandémie, dans un premier temps prise « à la légère » par les politiques même si elle affectait des personnels soignants et des malades mal protégés, s’est installée dans nos vies par une succession de phases : obligation du confinement/déconfinement, masques, gel, attestations, chiffrages quotidiens anxiogènes, injonctions gouvernementales, avec leurs conséquences sur l’état de santé et psychologique des français. L’invisibilité, les inconnues autour du virus, ont provoqué stupeur, peurs pour soi et les autres, dépression et besoin de résilience, tous registres confondus. Les élections US ont participé de ce besoin de « distraction » dû aussi au « phénomène Trump », comme une addiction à des épisodes d’une série et une manière d’échapper au malaise français. Le registre addictif concerne aussi les jeux vidéo, dont la PS5, une échappée face à un réel pas toujours facile à vivre.

Malgré une année particulièrement marquée par la pandémie, la définition la plus recherchée est « procrastination », devant pandémie, confinement récession et cluster. Un terme qui était déjà en tête de tendances en 2018 et 2019,  comment expliquer cette tendance de fond ? Et que nous dit l'important de vouloir définir les mots de la pandémie ?

Cette question est importante, elle suscite plusieurs réponses. Ce mot était en effet peu connu, difficilement prononçable. Soudain fréquemment évoqué par les médias, il a éveillé la curiosité et un des facteurs explicatifs de nos attitudes de confinés : nous avions besoin de comprendre, entre autre, pourquoi nous reportions à plus tard telle ou telle action. Était-ce de la paresse ? Non, de la procrastination, plus noble et partagée par un grand nombre. Le confinement a eu aussi pour conséquence d’étirer le temps et de devoir en inventer d’autres repères, dont procrastiner, hiérarchiser, trouver un rapport à l’urgence plus proche de nos besoins.

Nommer, c’est identifier, c’est donner corps, et dans ce besoin de savoir, se rassurer face à l’inconnu, présent et futur, de cette crise sanitaire. La confusion ressentie lors des interventions scandées des politiques et des « experts » de santé, ont participé au besoin de clarification et de cohérence, qui subsiste encore aujourd’hui.

Benjamin Griveaux est la personnalité politique la plus recherchée en France sur Google. Pourtant, il est très peu présent dans la vie médiatique depuis son retrait de la campagne des municipales, comment expliquer que le pic de février ait été aussi important ?

Le pic de février a été dû à l’annonce de l'ancien ministre de renoncer à la mairie de Paris. On constate ici cet alliage entre voyeurisme de la vie politique, renforcement de la défiance vis-à-vis des gouvernants, et pourquoi pas, envie ambiguë de voir la vidéo compromettante. Tout cela a participé de ce besoin de diversion déjà cité, et a renforcé les attitudes déjà présentes de défiance face à la crédibilité des institutions politiques. Ce (encore) jeune politique qui voit sa carrière brisée par ses pulsions le rend à la fois plus humain et plus stupide, dans la façon qu’il a eu de les exposer sur les réseaux sociaux sans en voir les conséquences. Une sorte de « suicide politique inconscient », qui met en avant la personne sans se soucier de ses responsabilités. La sidération, l’absurdité de la situation, ont été des motivations de recherche sur l’identité « réelle » du personnage et le pourquoi de ce geste.

On constate un fort nombre de recherches liées à des activités à la maison, au fait maison, notamment dans le domaine de la cuisine, est-ce la preuve que les pratiques des français ont été profondément changées pendant cette année ?

Plusieurs facteurs explicatifs. A l’orée du confinement, les rayons de produits essentiels ont été dévalisés, symptôme d’un réflexe archaïque de survie, pour la farine faire son pain comme nourriture de comblement et de partage, pour le papier de toilette, une énigme, mais un sérieux besoin de rassurance ! La peur de fréquenter des lieux d’achat potentiellement dangereux, leur restriction, a favorisé le faire chez soi et par soi-même, plus rassurant par la maîtrise de sa fabrication et ses gestuelles ancestrales. Comme s’il fallait se rattacher au « monde d’avant-avant » la crise par une essentialité qui touche au sens et aux sens. La cuisine a été un des centres de la vie, pour soi et les autres, une façon aussi de marquer de nouveaux repères spatio-temporels, les marqueurs habituels ayant éclaté par le télé-travail, les libertés réduites de déplacement, les restaurants fermés etc. S’ajoute le besoin de trouver ses rythmes et d’éviter d’être débordés par les multi-tâches quotidiennes, dont l’éducation des enfants qui a pris une place importante. Les tutos ont de plus développé nouvelles compétences, comme les coupes de cheveux !

Au sortir de la crise, il faudra observer si ces pratiques subsistent, et leur exigence de qualité alimentaire… sachant que les inégalités, déjà présentes, se sont amplifiées dans le vécu du confinement, loin d’avoir été le même pour tous. Une mission importante pour les acteurs du secteur alimentaire, dont la qualité de l’offre est un des facteurs préconisés de prévention sanitaire.

Sur le plan musical, la chanson Bande Organisée de JUL, Djomb de Bosh, les rappeurs Sadek et Freeze Corleone et la chanteuse Wejdene occupent le sommet des recherches. Cette présence du rap plus importante qu’à l’accoutumée marque-t-elle un changement profond des goûts des Français ou est-ce plus conjoncturel ?

Il faudrait faire ici une segmentation générationnelle, et voir ici le signe d’une évolution des plus jeunes vers un besoin d’expression transgressive, y compris avec violence. Comme s’il fallait marquer et faire remarquer sa différence, avec ses souffrances et ses espoirs, via un émotionnel parfois défoulatoire marqué par les rythmes spécifique du rap.

D’un autre côté, on voit aussi on voit apparaître « Les mots bleus », chanson d’amour associée à la mort de Christophe en plein confinement. Cette chanson a fait l’objet d’un ralliement collectif, il fallait en connaître les paroles pour les partager avec d’autres.

Là encore la crise sanitaire a ses effets d’amplification. Quant à l’avenir de cette tendance, elle s’alliera peut-être à d’autres créations, les nombreuses vidéos échangées sur les réseaux l’ont bien démontré.

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