Les défis à relever face au lourd impact psychologique de la crise du coronavirus<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
coronavirus covid-19 personnel soignant
coronavirus covid-19 personnel soignant
©DAMIEN MEYER / AFP

Bonnes feuilles

Le professeur Nicolas Franck a publié "Covid-19 et détresse psychologique - 2020, l'odyssée du confinement" aux éditions Odile Jacob. Quels sont les effets psychologiques et psychiatriques du confinement sur notre santé ? Et quelles sont les attitudes permettant de faire face aux conséquences de ce stress ? Extrait 2/2.

Nicolas Franck

Nicolas Franck

Le professeur Nicolas Franck, médecin psychiatre, est chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier et responsable d’enseignement à l’université Claude-Bernard à Lyon. Il a publié des livres chez Odile Jacob dont La Schizophrénie en 2006 et Entraînez et préservez votre cerveau en 2013, ainsi que de nombreux articles et ouvrages scientifiques destinés aux professionnels de la santé mentale.

Voir la bio »

En pratique, l’adaptation à cette période de confinement a été très diverse d’une personne à l’autre et parfois surprenante, à l’instar d’un homme jeune ayant aménagé son studio en terrain pour cascadeur ou de ces concerts donnés par le biais des réseaux sociaux, soit par un DJ seul, tel Bob Sinclar réunissant plusieurs millions de fans chaque jour, soit par ces musiciens d’orchestre jouant chacun sa part d’une partition symphonique face à une webcam.

Les projets de sortie de confinement étaient également très variés. Telle personne s’est trouvée renforcée dans ses choix citoyens, bénissant la désertion temporaire des rues par les voitures et jurant de ne plus reprendre la sienne. Telle autre ne rêvait que de pouvoir reprendre ses promenades en forêt. Telle autre a eu pour principal projet de partir en vacances avec une amie d’enfance frivole. Telle autre, peu investie jusque-là dans le sport, de s’inscrire sans délai à des compétitions. J’ai intentionnellement eu recours au mot « personne » plutôt qu’à « homme » ou « femme », afin d’éviter d’être taxé de misogynie en faisant état de souhaits pouvant correspondre par hasard à des stéréotypes. Je me prémunis d’une telle critique après en avoir été l’objet il y a peu lorsque j’ai communiqué sur les premiers résultats de l’enquête sur la santé mentale en période de confinement, alors que je faisais seulement état de ce que les participants avaient répondu, en l’occurrence un score de bien-être mental inférieur chez les femmes (ce qui avait déjà été observé auparavant).

L’entraide spontanée a dans l’ensemble bien fonctionné. Des chefs ont fourni des repas gastronomiques aux hôpitaux. Les citoyens qui avaient la chance de disposer de masques, dans une période où cet article était encore rare et précieux, les ont partagés avec ceux qui n’en avaient pas. Les plus fragiles ont pu s’appuyer sur les nombreuses plateformes téléphoniques de soutien qui ont alors fleuri en France.

Cette pandémie aura-t‑elle des conséquences proches de celles qui ont fait suite à l’épidémie de peste noire au XIVe  siècle ? En taux de mortalité certainement pas, puisque cette dernière a décimé la population européenne. En revanche la comparaison pourrait s’avérer plus plausible en termes de bouleversements sociaux attendus. La pénurie de main-d’œuvre qui a fait suite à l’épidémie de peste est réputée avoir favorisé l’apparition de rémunérations fixes et de droits pour les travailleurs, favorisant la sortie du système féodal en vigueur au Moyen Âge et la transition vers la Renaissance. Yuval Noah Harari prédit que la pandémie de Covid-19 aura des répercussions considérables, en termes de liens entre le travail et les revenus, de modalités d’enseignement que de recours plus systématique à l’intelligence artificielle. Pour lui l’issue favorable de cette crise, à l’instar des solutions que l’on devrait élaborer face aux enjeux environnementaux, réside dans l’intelligence collective, la coopération internationale et la solidarité globale. Des problèmes globaux ne peuvent en effet relever que de solutions globales.

À la période de confinement est venue succéder celle du déconfinement, avec son lot de bouleversements. Quelles seront ses conséquences ? Il ne s’agit certes pas d’un simple retour à la situation de 2019. Dans la mesure où tout changement majeur est une source aspécifique de stress, le déconfinement a procuré un nouveau stress à la population. Des facteurs spécifiques sont venus s’ajouter à la reprise progressive de l’activité économique et culturelle et à la modification du quotidien de chacun.

Certains n’ont pas pu prendre le poste qui leur avait été proposé avant le confinement, des recrutements ayant été suspendus dans une période d’incertitude économique, d’autres ont perdu leur travail. Les étudiants ont poursuivi leurs études et passé leurs examens sur écran, les universités ayant prolongé leur fermeture jusqu’en septembre. Le retour dans les rues et dans les transports en commun s’est fait avec un masque.

Ne plus voir le visage de l’autre, à part ses yeux, rend plus périlleux la compréhension de ce qu’il ressent et exprime. Une touche de mystère facial s’est répandue dans notre société. Être en mesure de maintenir les passagers à dis‑ tance les uns des autres dans des métros ou des tramways qui étaient bondés avant le confinement a rendu délicate la gestion des accès à bord des rames par les régies de transport. Idem en ce qui concerne l’accès aux commerces, créant de très longues files d’attente barrant les trottoirs et créant une attente supplémentaire. La nécessité de tout planifier en tenant compte des nouvelles contraintes de temps et de se montrer patient s’est alors imposée. La spontanéité a été réduite d’autant, ainsi que les échanges sociaux spontanés, qui étaient de toute façon proscrits puisque l’usage était mainte‑ nant de plus s’approcher d’autrui. La prévention du risque de contamination était devenue la règle. Elle avait déjà changé nos repères préconfinement et avait réduit drastiquement nos possibilités. La sensation qui en découlait était proche de celle qu’on aurait pu ressentir en entrant dans une période postapocalyptique.

Reconvertir une partie des rues de nos villes en pistes cyclables fut un casse-tête pour les élus municipaux. Le commerce de vêtements sans la possibilité –  en théorie du moins, et cela dans un premier temps  – de les toucher et de les essayer avait perdu de sa saveur. Ne plus réunir des groupes de plus de dix personnes pendant plusieurs mois a imposé une complète réorganisation du travail et des loisirs.

La forme électronique a dû être privilégiée pour de nombreuses réunions, au détriment des échanges non verbaux ou informels, mais peut-être au bénéfice d’une plus grande efficacité puisqu’il était devenu inévitable d’aller à l’essentiel. De nombreux logiciels permettant de réunir des groupes plus ou moins grands s’étaient rapidement répandus pendant le confinement. Skype avait continué a certes continué à être utilisé largement, mais Zoom, LifeSize, Google Meet et d’autres ont pris une place importante, car ils se prêtent bien à la tenue de réunions allant jusqu’à plusieurs dizaines de personnes.

A lire aussi : Effets secondaires de la crise du Covid-19 : les principales conséquences psychologiques du confinement

Extrait du livre du professeur Nicolas Franck, "Covid-19 et détresse psychologique - 2020, l'odyssée du confinement", publié aux éditions Odile Jacob.

Lien vers la boutique : ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !