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Covid-19 et Santé : apprendre du présent ou préparer l’avenir ?
©TIZIANA FABI / AFP

Monde d'après

Si la crise sanitaire actuelle pose la question de la prévention des infections et du traitement des formes sévères (détresse respiratoire aiguë), les mesures mises en œuvre pour contenir la propagation de la covid-19, bien que nécessaires, interpellent sur les conséquences économiques et sociales mais également sur leur impact sur la santé mentale des individus.

Olivier Meier

Olivier Meier

Olivier Meier est Professeur des Universités , Directeur de recherche au laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique-Hannah Arendt. Il préside l'Observatoire ASAP - Action sociétale et Action Publique, en lien avec la Chaire ENA - ENSCI - Sciences Po. Membre du comité d'orientation de l'Ecole Internationale d'Etudes Politiques, il enseigne la stratégie internationale et le management à l'Université Paris Est, Paris Dauphine et Sciences Po Paris. Il est par ailleurs directeur de la Revue Management et Stratégie ( peer-reviewed Journal) et responsable de Collections aux Editions Management et Société (EMS).

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En effet, depuis mars, la population, comme de nombreux pays, est soumise à une distanciation sociale et à un isolement, sources de stress et de souffrance psychologique, qui peuvent à moyen terme conduire à des risques de dépression ou à d’autres formes de mortalité ou de maladies (suicide, solitude structurelle, sentiment d’abandon, détresse psychologique…).

La situation de « guerre » contre un ennemi invisible et mouvant, la covid-19, oblige chacun de nous à respecter l’ensemble des mesures sanitaires (masques, gel hydroalcoolique, distanciation, télétravail…) susceptibles d’endiguer la propagation du virus et de protéger les personnes vulnérables de cette maladie vicieuse et contagieuse. La question n’est pas ici de nier la dangerosité du virus et ses conséquences nuisibles pour nos « anciens » (personnes âgées) et certaines parties de la population, particulièrement sensibles à ce type de virus (patients diabétiques, atteints d’obésité, personnes asthmatiques…). On ne peut également contester l’extrême difficulté des pouvoirs publics et de la science face à un virus inconnu, dont les formes chez l’individu diffèrent en termes de gravité, d’effet sur l’organisme (symptômes divers et variés) et de durabilité dans le temps, avec par exemple l’apparition possible de séquelles, plusieurs mois après la maladie, comme des troubles respiratoires ou mentaux).

Mais la question de la santé des individus va bien au-delà de la mortalité liée à la covid-19. Par exemple, les limites imposées aux déplacements quotidiens durant le confinement (puis le couvre-feu) ont fortement réduit et la durée des activités physiques habituelles. De même, ces restrictions, bien que légitimes, ont eu un impact sur d’autres malades, qui étaient suivis médicalement ou qui avaient prévu certaines opérations. 

De même, lorsqu’on parle de personnes vulnérables, ne se limite -t-on pas trop rapidement à la question des malades ou des personnes ? N’y a-t-il pas aussi le risque de voir avec le temps se développer d’autres formes de maladies, ayant cette fois comme caractéristique de concerner les personnes qualifiées de « fortes » durant la première vague, à savoir les « jeunes » (étudiants, lycéens, collégiens) et les « actifs » comme les entrepreneurs, les indépendants, les commerçants ou les artisans.

Comment qualifier deux années d’études « hors les murs » pour des étudiants et des élèves de milieux éducatifs et socio-culturels divers, n’ayant pas forcément les installations, les équipements et l’accompagnement humain pour gérer matériellement (gestion des horaires, aménagement de l’espace domestique) et cognitivement (gestion de la concentration) leurs études ? Quelle valeur objective aura leur formation, sans la contribution effective de l’institution ?Comment apprécier la qualité d’une formation universitaire, au sein des Grandes Ecoles ou dans les lycées, lorsqu’elle est organisée totalement à distance par rapport à l’usage de vidéos, moocs, livres ou autres données directement présentes sur des sites spécialisés ? Comment concrètement apprécier la valeur ajoutée de l’enseignant, sa valeur intrinsèque, ses qualités pédagogiques et d’animation ? De quelle façon s’assurer qu’il puisse proposer à tous le même suivi personnalisé ?

Enfin, quels arguments sécuritaires peut-on réellement donner à des personnes qui risquent sur une période longue et incertaine, de perdre tout ce qu’ils ont et de déplacer l’état de mort, de son caractère sanitaire à une dimension aussi périlleuse qui est l’incapacité structurelle à pouvoir vivre économiquement et socialement de son activité ? Qui peut froidement demander à une personne qui s’est endettée pendant dix ans et qui doit financer les études de ses enfants, de décider au nom de la raison de tout perdre (son activité, ses ressources, son image, sa réputation) pour espérer préserver sa vie organique ? Comment raisonnablement peut-on entendre individuellement et personnellement un tel discours ? Est-ce raisonnable de lui dire que l’Etat s’occupera indéfiniment des conséquences destructrices qu’il a lui-même engendrées ?

La question ici n’est nullement de contester des mesures difficiles et courageuses d’un gouvernement qui cherche, tant bien que mal, à concilier des injonctions paradoxales, entre compétitivité et sécurité. Mais nos dirigeants ont-ils pris réellement conscience qu’au nom de la sécurité et de la santé, on allait aussi plonger toute une partie de la population dans le désarroi, l’inquiétude et l’absence potentielle de perspectives ? Comment réagirons-nous collectivement, une fois le virus maîtrisé, lorsqu’on devra faire face à un chômage de masse, des jeunes totalement déstructurés et désemparés et à une vague potentielle de suicides et à l’apparition de formes maladies ?

Nos gouvernants ne peuvent se limiter à l’unique question de la santé liée à la covid-19, en se limitant à la question pourtant centrale de l’hôpital. Ils doivent repenser l’ensemble du système médial public et privé, en intégrant la question des EHPADs, des cliniques, des cabinets et cliniques vétérinaires dans un tout cohérent et ordonné. De même, les nouvelles crises à venir demandent une meilleure valorisation et coordination desprofessions médicales et pharmaceutiques (médecins, pharmaciens, chirurgiens, aides-soignantes), desauxiliairesmédicaux (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes…). Enfin, il faut aussi s’occuper de la santé économique et sociale de l’ensemble de la population, et continuer malgré l’adversité, à préparer l’avenir. On ne peut se résoudre à simplement apprendre du présent à coup d’études et de statistiques, en recensant quotidiennement les malades et les morts. Il faut aussi et surtout investir pour l’avenir. Expérimenter, innover, créer, c’est aussi ce qu’on attend de nos dirigeants. Les jeunes et les actifs comptent sur eux, car on oublie parfois que l’avenir, c’est aussi (un peu) eux….

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