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Devant une Amérique fracturée, les politiques ne savent pas comment réunifier le pays
©JOSEPH PREZIOSO / AFP

ATLANTICO BUSINESS

Un risque de Chaos. Jamais une élection américaine n’aura donné lieu à autant de violence, de brutalité et de clivage entre les pro-Trump et les pro-Biden. Et pourtant, les responsables économiques croient en la résilience d’un système ébranlé et préparent la réconciliation sur des bases inattendues jusqu’alors dans la culture américaine.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Washington a donc été obligé de se barricader comme une forteresse pour se protéger des manifestations violentes que tout le monde politique appréhende. Les observateurs pensent que le clivage de la société américaine est tel qu‘aucun des deux camps ne pourra sereinement reconnaître les résultats qui ne lui seraient pas favorables. 

Il faut dire que Donald Trump a un talent fou pour mettre à vif les nerfs de toutes les chancelleries du monde, mais surtout toutes les strates de la société américaine. Ses discours radicaux, ses tweets transgressifs et tranchants, ses positions, ses répliques ont toujours enchanté ses partisans et scandalisé ses détracteurs. 

Ajoutons à cela qu’il a tellement annoncé que s’il ne gagnait pas, il contesterait les résultats qui auraient été frauduleusement obtenus, qu’il a finalement coupé l’Amérique en deux camps qui usent chacun d’arguments les plus radicaux. 

Donald Trump continue de croire qu‘il est soutenu par les plus pauvres et les plus laissés-pour-compte de l'économie moderne mais finalement n’a pas fait grand-chose de concret pour améliorer leur sort. La baisse d’impôts, dont il s’est fait le champion, a surtout bénéficié aux financiers de New-York et à tous ceux qui vivent dans l’orbite des fonds de pension, c’est à dire les retraités modestes. 

Du côté démocrate, les positions ne sont pas plus claires et visibles. Entre le retour sur le devant de la scène des affrontements raciaux et l’effervescence destructrice des réseaux sociaux, entre l’activisme de certains et le radicalisme de quelques autres, la société américaine paraît disloquée. 

En fait, les deux Amériques s’opposent principalement sur les attitudes. En s’identifiant au cow-boy mal dégrossi d’un côté, à l’homme d’affaire plus stylé de l’autre, à celui qui se méfie du progrès scientifique et ne croit pas à la dangerosité du Covid-19 et à celui qui pense que la crise doit rendre intelligent et plus vaillant. 

Tout cela s’est traduit pendant le mandat de Donald Trump par une remontée en flèche des arguments très droitistes chez les républicains : moins d’impôts, moins de régulation et par la recherche d’un New Deal très green à l’aile gauche des démocrates. 

Pour les analystes politiques, l’Amérique va donc sortir de ces élections considérablement éclatée et fragilisée, à l’image de ce qu’il se passe dans les rues de Washington. 

Beaucoup d’acteurs de la société civile et de responsables de l’économie ne sont pas de cet avis. Il y a en effet, beaucoup d’intellectuels, professeurs de fac, écrivains qui rejoignent le camp des grands industriels de la Silicon Valley et des syndicats pour croire qu’il existe dans la société américaine, des courants réformistes et responsables capables de rassembler les Américains et retrouver sinon une force, du moins un commencement de réconciliation. Alors, il y a peu de grandes voix publiques, peu de presse, peu de manifestations, mais les choses se passent sur les campus universitaires comme souvent aux Etats-Unis ou sur les campus et dans les services de recherche des grandes entreprises. Alors ces courants naissent dans les GAFAM bien sûr, chez Google, Facebook, Amazon, Apple ou Microsoft dont on a pu croire que le moteur était exclusivement l’argent, mais qui montrent désormais des appétits et des réflexions qui dépassent la sphère financière. Idem dans les grands fonds d’investissement. Aussi curieux que ça puisse paraître, les facteurs de réconciliation ont été absents de la campagne présidentielle. 

Cette renaissance véhicule du renouveau principalement dans trois domaines.

Le premier facteur de réconciliation pourrait être l’idée de protéger la démocratie et le système capitaliste qui va avec. Le renouveau de la démocratie que décrit Renaud Lassus n’est ni un mythe, ni un fantasme. Pas même chez les dirigeants des GAFAM qui sont accusés, par les républicains comme les démocrates, de jouer sur leur position de monopole. L’industrie digitale a évidemment acquis des positions qui dépassent en puissance celle de beaucoup d’Etats, ils reconnaissent tous qu’ils sont en risque de position monopolistique, mais tous défendent aussi l’idée que leur activité défend les valeurs fondamentales de la démocratie et de l’Amérique. Qui pourrait soutenir aujourd’hui que la révolution digitale n’a pas profité au plus grand nombre ? A l’image de l’électricité au début du 20E siècle ou même de la révolution industrielle au 19 e siècle. 

Les dirigeants de Google, de Amazon, de Tesla ou de Microsoft ne sont pas opposés à l’idée qu’il faille que le capitalisme américain puisse retrouver de la souplesse et de l’inventivité. Parce que l‘adversaire premier de l’Amérique, c’est pour tous la Chine dont le projet est politique et ce projet n’est pas compatible avec les valeurs de liberté de la société occidentale. 

Le deuxième facteur de réconciliation pourrait porter sur la santé. La pandémie et sa gravité ont montré que l’Amérique, première puissance du monde, pouvait être mise en échec par un simple virus. Alors Donald Trump a beau répéter que ça n’est pas plus grave qu’une petite grippe, les Américains, comme les Européens d’ailleurs, ont du mal à accepter le spectacle des morts qu'on enterre tous les jours. Si le système de la recherche est dans les mains du privé et personne ne songe à changer cela, parce qu’il est efficace, il n’empêche que beaucoup songent à revenir sur l’organisation du financement du système de santé. La protection de la vie humaine vaut bien les efforts en organisation que l’on consent pour protéger les valeurs traditionnelles de la démocratie. La liberté de vivre, au même titre que la liberté de penser ou de s’enrichir. Tous les présidents des Gafam sont sur le pied de guerre. En considérant que si le digital n’est pas capable de contribuer à l’amélioration des conditions de santé, le digital n’aura pas l’avenir qu’on lui prête. 

Le troisième facteur de réconciliation sera sans doute de prendre en compte la protection de l’environnement et la détérioration du climat.  L’ensemble de la société américaine a toujours été très réservé dès qu’il s’est agi d’introduire des régulations à des fins d’écologie. Donald Trump a beaucoup exploité ce filon en considérant qu’il fallait surtout protéger l’efficacité du système en termes économiques et financiers. D’où son retrait très spectaculaire de l’accord de Paris et son refus d’engager des programmes de développement d’énergie alternative. C’est la raison pour laquelle il a autorisé la réouverture des exploitations de gaz de schiste et d’une façon générale, il a donné la priorité  aux énergies fossiles. 

Cela dit, les Américains ont pris conscience que la gravité des incendies de forêt en Californie et la fréquence des cyclones devait bien avoir un rapport avec l’action des hommes sur la planète. Le réchauffement climatique est évidemment dû à l‘émission des CO2.

Il y a donc des responsables républicains et démocrates qui travaillent ensemble pour réfléchir à une taxe carbone, à une méthode qui permettrait de fixer un prix du carbone, seule solution pour que le marché soit l’arbitre des émissions et à toute autre solution qui diminuerait les émissions de gaz à effet de serre. La plupart de ces initiatives sortiront publiquement après les élections. 

Alors ce qui est intéressant dans ce mouvement, c’est que la plupart des entrepreneurs, les chefs syndicaux, les autorités religieuses et des grands fonds d’investissements sont aussi sur ce triptyque : démocratie, santé et environnement.   Pour des questions de marché évidemment (ne soyons pas naïf), mais aussi pour des questions de puissance à long terme. L’Amérique ne peut pas espérer conserver son influence internationale que si elle se polarise uniquement sur l’optimisation de ses résultats financiers, la force de son armée et celle du Dow Jones. Elle doit à nouveau reprendre la défense de ses valeurs d’humanité si elle veut résister à ses adversaires sur le long terme qui, eux, ont des projets beaucoup plus politiques. Et ses adversaires, Chinois ou islamistes, tant  les uns comme les autres comparent les valeurs occidentales qui leur paraissent incompatibles avec leur propre ADN culturelle ou religieuse.

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