Les banalités subversives de Maïwenn <!-- --> | Atlantico.fr
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Maïwenn cinéma polémique femmes féminisme Roman Polanski
Maïwenn cinéma polémique femmes féminisme Roman Polanski
©LOIC VENANCE / AFP

Septième art

Dans une interview accordée à Paris Match, la réalisatrice et actrice Maïwenn s'est retrouvée au coeur d'une polémique liée à Roman Polanski et sur certaines idées émanant des groupes féministes. Invitée lundi 26 octobre sur TV5 Monde, Maïwenn est revenue sur la polémique.

Julie Graziani

Julie Graziani

Julie Graziani est éditorialiste et essayiste. Elle analyse l'actualité politique pour BFM TV et l'émission 28 Minutes sur Arte. Elle a publié "Tout le monde peut s'en sortir" aux Editions de l'Observatoire, un essai consacré à la mobilité sociale. 

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« Si j’accepte de me rendre dans la chambre d’un homme à 1h du matin, je me doute bien que ce n’est pas pour parler d’un rôle » s’est exclamé l’actrice et réalisatrice Maïwenn dans une interview donnée à Paris Match le 22 octobre. Ben oui, ai-je eu envie d’opiner, en pensant à toutes les fois où j’ai dû décliner ce genre de proposition et ses variantes (« Tu ne veux pas m’accompagner aux Chandelles ? Non, mais en tout bien tout honneur, hein, c’est juste parce que je vais faire un documentaire dessus »). C’était avant d’apprendre que les internautes étaient choqués et de réaliser en lisant Vanity Fair, les Inrocks et autres caisses de résonnance de la mauvaise humeur des réseaux sociaux qu’il s’agissait d’un « trait d’esprit douteux » qui « laisse sans voix ». S’ensuivent les habituelles épithètes caractéristiques du champ sémantique du dégoût : « nauséabonds », « à vomir » etc…

Pourquoi ? Parce que cette déclaration renverrait aux victimes d’atteintes sexuelles la responsabilité de leur agression, sur l’air du « elle s’est fait violer mais sa jupe était trop courte ». Or, c’est tout le contraire puisqu’il s’agit justement de distinguer les véritables victimes de celles qui ont seulement fait l’objet d’avances, dans un contexte empruntant au registre de la séduction, avec son langage codé vieux comme le monde («Tu montes boire un dernier verre ? »). L’agression est une atteinte faite par « violence, contrainte, menace ou surprise », étant rappelé que la contrainte peut être de nature morale, en cas de subordination hiérarchique par exemple. Mais une actrice qui convoite un rôle n’est pas dans la même situation de vulnérabilité et de dépendance qu’une ouvrière face à son chef d’atelier, surtout dans un milieu historiquement très permissif qui a toujours valorisé le désir et ses manifestations. Les propos de Maïwenn ne visaient donc qu’à dénoncer cette confusion malsaine que les militantes féministes persistent à entretenir entre la drague et l’agression sexuelle en faisant de la première la preuve quasi irréfutable de la seconde. Ne leur en déplaise, il y a eu ces dernières années, d’Eric Brion à Philippe Caubère, assez d’hommes cloués au pilori par d’implacables accusatrices pour qu’il soit nécessaire de rappeler qu’une proposition, même inconvenante, même vulgaire, ne constitue pas à elle seule une agression.

Surtout, l’exclamation spontanée de Maïwenn fait bien plus pour protéger les femmes que tous les appels à la délation des militantes féministes. Parce qu’elle nous met la réalité crue sous le nez : oui, un homme qui propose à une femme de monter le rejoindre à une heure tardive a vraisemblablement des arrières pensées. Mieux vaut en avoir conscience pour poser un choix libre que se retrouver, sans l’avoir voulu, dans une situation au mieux embarrassante, au pire franchement dangereuse. En faisant croire aux femmes qu’il n’est pas nécessaire d’être prudentes parce que les hommes devraient se comporter tous en gentlemen et recueillir notre accord avant d’oser un geste de rapprochement physique, on nous prive des plaisirs de la séduction, tout en nous exposant aux risques de la prédation. Le monde rêvé des féministes est aussi morne que dangereux. Le désir réciproque que les hommes et les femmes s’inspirent, avec ses impatiences, ses hésitations et ses ambiguïtés, ses regrets parfois, l’a déserté. Le consentement ne s’y devine plus dans le prélude du marivaudage ou dans l’abandon au baiser, il doit être explicite et réitéré autant de fois que nécessaire. Ignorantes des jeux de l’amour et du hasard, manquant de l’expérience qui s’acquiert en situation, les femmes seront dans un tel univers des proies rêvées pour de véritables agresseurs. Avec sa remarque de bon sens, Maïwenn, subversive amazone qui ne s’effarouche pas du désir masculin, devient le porte étendard des femmes qui ne s’en laissent pas conter.

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