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L‘épargne des Français va nous sauver de la ruine et financer l’argent magique de la relance : démonstration
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Phénoménale dette

« Quoi qu‘il en coûte, il faut se battre ». OK ! mais qui va payer ? Le moral des Français est désormais au plus bas : le stress du Covid et la peur du terrorisme ont déjà fait beaucoup de dégâts. Voilà maintenant que l’opinion s’inquiète du spectre de la ruine financière liée à l’excès de l’endettement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le fameux « quoi qu’il en coûte, il faudra se battre ... ». La réassurance engagée par Emmanuel Macron, dès le début de la crise, avait permis de passer la période de confinement sans trop de dégâts mais au prix de 450 milliards, si on compte le coût de l’assurance chômage, du manque à gagner fiscal et des garanties de prêt (PGE). Le plan de soutien est venu alourdir le déficit budgétaire 2020 à plus de 13 %. Dans la mesure où la Commission (et l’Allemagne) ont autorisé le dépassement des normes de Maastricht, la France n’a eu aucun problème à faire souscrire ses emprunts à des taux zéro et négatif par les marchés étrangers.

Après le confinement, l’activité économique a retrouvé un peu de couleur, Bercy a préparé un plan de relance fondé exclusivement sur l’investissement en industrie, en relocalisation, en digital et en transition écologique. Une relance étalée sur deux ans pour entrer le système français dans l’après-Covid. Les 100 milliards devraient être financés par un emprunt européen pour 40 milliards et pour 60 milliards par la France.

Le problème aujourd’hui, c’est que l’aggravation de la pandémie appelle de nouvelles mesures de restrictions, de protection et de financement. Ce n’est plus 100 milliards que la France va devoir engager mais beaucoup plus. Sur le front social, il faudra évidemment financer l'allongement de l’assurance chômage. Sur le front des mutations structurelles, il faudra très certainement mettre sous perfusion les grands secteurs qui sont en risque grave : le transport aérien, la construction aéronautique (Airbus), le tourisme, l’évènementiel et l’hôtellerie...

Il faudra proroger le « quoi qu‘il en coûte » si on veut préserver la paix sociale sans savoir au juste combien de temps ça va durer.

D’où une montagne de questions qui s’accumulent avec la montagne de dettes que l’on contracte tous les jours.

Et cette perspective commence à paniquer les secteurs financiers (mais pas la bourse) et surtout inquiéter l‘opinion dont la qualité première en matière d’argent est faite de bons sens. Et le bon sens en économie appelle la nécessité de payer ses dettes.

Face à cette réalité ressentie, on a deux solutions :

1ère solution : on s’inquiète, on panique et on ajoute du stress au stress, ce qui ne fait que renforcer la difficulté pour sortir de la crise. La crise n’est grave que parce qu’on n’a pas voulu comprendre que la peur du virus coûtait plus cher que le virus lui-même. Il n’empêche que le seul remède dans ces conditions sera de tuer ce virus alors que nous n’avons ni vaccin, ni traitement. Si on continue de s’inquiéter, on se condamne.

2e solution : on cherche à comprendre par quelle magie un État comme la France peut trouver autant d’argent pour gérer son court terme, sans pour autant insulter l’avenir et organiser la ruine.

La magie en question repose sur deux phénomènes techniques : la croissance et l’épargne. Il faut reprendre les auteurs classiques ; Aristote, le premier économiste et philosophe y avait fait allusion, mais il faut surtout s’appuyer sur Marx et la théorie de la valeur, sur Ricardo, Keynes et Schumpeter pour ce qui est du fonctionnement des logiciels de croissance et de son financement.

Coté croissance, nos énarques de Bercy font le pari que la masse d’argent distribuée permettra de faire repartir la machine à fabriquer de la richesse et de la valeur. C’est presque un copié-collé du plan Marshall, à la différence près qu‘il n’y a pas eu de destruction des actifs (pas de bombardements). A la différence près que la demande existe et qu‘elle est solvable grâce à l’argent distribué. La seule magie dans cette mécanique est qu‘il faut que la politique crée les conditions de la confiance et la confiance dépend malheureusement du virus.

Mais normalement, les économies devraient rebondir et dégager de quoi amortir les emprunts. En deux ou trois ans.

Coté épargne, nos mêmes énarques de Bercy font le pari que l’épargne va sortir et arroser le système pour accroitre les financements.

L’épargne est la grande chance du système actuel. Elle est considérable, gigantesque, historique et par certains aspects, indécente.

Cette montagne de dette s’est jouée en 3 actes :

1er acte. Au début de la crise, avec le confinement, on a vu un gonflement des comptes d’épargne. Epargne populaire, caisse d’épargne, l’écureuil... La raison en est simple. Les revenus ont été protégés pour la plupart grâce au chômage partiel et tout était fermé. Donc on ne dépensait rien. La plus grosse dépense c’était l’alimentation et l’abonnement à Netflix. Le reste allait sur le livret A de la Caisse d’épargne. L’écureuil a eu de quoi repeindre sa chambre.

2e acte, à la fin du confinement, mai, juin, juillet, les Français vont attraper la fièvre acheteuse. Voiture, vêtements et vacances en France. On va assister à un petit boom de consommation, rattrapage et fiesta.

Alors qui va consommer ? Un peu tout le monde, les riches comme les classes moyennes. Les cartes bleues vont chauffer. Mais là, on va observer un phénomène très particulier. Les classes moyennes et pauvres vont effectivement puiser dans leurs revenus et leurs épargnes.

Les riches, eux, ne vont pas prendre dans leur épargne, ils vont emprunter pour consommer. Ils vont changer de voiture, refaire la déco des appartements. Racheter des ordinateurs portables. Un vrai boom. Ils empruntent parce que le crédit n’est pas cher et facile.

3e acte. Ce mouvement-là continue d’exister. Avec d’un coté, la France qui emprunte mais qui ne touche pas à son épargne. Et puis de l‘autre coté, une France qui va puiser dans son épargne pour consommer, y compris en cash parce que la crise a permis aussi de mettre beaucoup de cash en circulation. Les « Ben Laden » ( les billets de 500 euros ) sont ressortis .

Donc on s’est aperçu que les plus riches, entre 10 et 20% des Français, ont gardé leur épargne alors que les autres en ont désormais un peu moins. Sur les livrets A de la Caisse d’épargne par exemple, on a eu jusqu'à 120 milliards d’épargne. Aujourd’hui, ces réserves sont tombées à 80 milliards selon les derniers chiffres de la Caisse des dépôts qui centralise tout, mais 80 % de cette épargne liquide et disponible est détenue par 20 % maximum des Français.

Pour les plus modestes, c’est une épargne de précaution parce qu’ils ont peur de perdre leur job, donc on se met à l’abri d’un livret A avec le petit écureuil.

Pour les Français les plus aisés, c’est une épargne qui est en attente d’investissements. Elle est importante dans les livrets A, en compte courant, assurance-vie en euros, c’est de l’épargne liquide qu’ils ne veulent pas utiliser puisqu’ils peuvent emprunter pas cher... Si on ajoute toutes les formes d’épargne, on dépasse les 1000 milliards. Cet argent est enfermé, disponible, mais inutile. Pour les économistes libéraux, c’est rageant parce que si cet argent était dans l’économie, on n’aurait plus de problème.

Pour les économistes marxistes (il en reste ), c’est très énervant parce que cet argent pourrait revenir dans le giron de l’Etat.

Le b.a.-ba de l’économie, c’est qu‘il faudrait engager cette épargne qui pour l’instant n’est ni consommée, ni investie. Le grand paradoxe de cette crise est qu’elle a creusé les inégalités, que les riches sont aujourd’hui plus riches mais avec de l’argent qui ne sert à rien.

Alors inutile de le répéter, mais tout le monde cogite sur la façon de récupérer cet argent. Il y a au minimum quatre méthodes.

1ère méthode, on pourrait créer un impôt. Ça fait longtemps que beaucoup y pensent mais créer un impôt nouveau dans un pays où les prélèvements obligatoires approchent déjà les 45% conduirait directement à l’asphyxie des initiatives ou à l’adoption d’un modèle proche de celui de Corée du Nord.

2e méthode : créer un emprunt obligatoire perçu sur les comptes d’épargne des riches (plus de 100 000 euros). Ça n’est pas nouveau. Ça reviendrait à réinventer un impôt sur la fortune ou alors à faire fuir cette épargne à l’étranger. Avec les taux de rendements dérisoires actuels, l’épargnant a tout intérêt à s’enfuir. Passons sur l’effet désastreux que produirait cette obligation vis-à-vis des investisseurs étrangers qui détiennent plus déjà plus de 50% des entreprises du CAC 40.

3e méthode : Bercy pourrait préparer un projet de produits financiers qui capteraient cette épargne pour la flécher dans les PME. Du côté de la Caisse des dépôts, on parle déjà d’attirer plus de 20 milliards qui serviraient à alimenter les PME en fonds propres. Ou en prêts participatifs. Ces produits financiers n’existent pas pour l’instant. Ce qui explique « la pauvreté des PME en haut de bilan". Mais pour que ça marche, encore faut-il découvrir la formule incitatrice la plus efficace. Pourquoi investir dans des fonds dédiés aux PME, si les taux de rendements sont faibles, et les risques grands ?

4e méthode : attendre que le virus disparaisse parce que ce jour-là, la confiance revient et si la confiance revient, les acteurs refont des projets, prennent des risques ; ils consomment, voyagent et investissent... Mais a priori, le virus a l’air de se plaire avec nous.

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