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Une équipe multidisciplinaire découvre les secrets du sommeil des enfants de 3 ans
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L’âge terrible

Une équipe multidisciplinaire de chercheurs a identifié une période de la petite enfance durant laquelle les enfants subissent une baisse importante du sommeil paradoxal. Les résultats de leurs recherches ont été publiés dans la revue Science Advances. Le sommeil évoluerait, chez les enfants de 2 et 3 ans.

Atlantico : Comment expliquer cette évolution du cycle du sommeil chez les enfants à cet âge-là ? Que nous révèle cette étude sur le secret du sommeil des enfants en bas âge ? Comment expliquer cette phase de transition ?

Dr. Raïssa Brulé-Pépin : On a longtemps parlé de plasticité cérébrale. On le sait depuis longtemps. On l’a observé. On l’a étudié. On sait qu’il y a une neuroplasticité chez les enfants. On s’est appuyé sur des études qui concernaient les enfants qui avaient été cérébraux lésés, des enfants qui avaient subi des traumatismes crâniens  ou des enfants qui font des AVC dès la naissance ou qui ont des hypoxies sévères chez qui on avait des IRM pathologiques. On sait qu’il peut y avoir des phénomènes oxydatifs  qui peuvent se produire bien après les liaisons initiales. C’est la raison pour laquelle on ne fait pratiquement plus d’IRM chez les tous petits, chez les prématurés par exemple pour essayer de savoir le pronostic. Des surprises ont été constatées. Des IRM étaient très pathologiques avec des enfants qui finalement avaient un développement plutôt rassurant. Et à l’inverse, on avait des IRM qui étaient relativement rassurantes au départ avec des enfants qui n’évoluaient pas bien. On sait donc depuis longtemps qu’il y a des choses qui nous échappent. On a mis ça sur le compte de processus oxydatifs qui font que l’évolution neuronale est un peu inconnue. On attend le plus souvent deux ou trois ans pour faire l’imagerie et conclure.

Pour faire un parallèle avec le sommeil, il y a l’organisation du sommeil qui est particulière chez les petits.  Ils ont des phases de sommeil très importantes. On sait que ce sont des phases qui permettent la reconstruction, la régénération. On a étudié ça chez les prématurés. C’est eux qui avaient le sommeil le plus perturbé. Un prématuré qui passe les premiers mois de sa vie en couveuse ou en réanimation, avant que l’on développe certaines techniques qui permettaient de diminuer toutes les nuisances sonores et lumineuses qui pouvaient perturber le sommeil, avant de faire cela, on avait des enfants qui dormaient pratiquement jamais. Ils étaient en couveuse, ils étaient en respiration artificielle. Comme ils avaient des soins qui se multipliaient au cours de la journée, on ne respectait jamais leur phase de sommeil. Ces enfants-là ont eu un développement très perturbé par la suite. C’est assez compliqué car c’est multifactoriel. Un enfant surstimulé ne va pas régénérer au niveau cérébral de la même façon qu’un enfant pour lequel les phases de sommeil vont être respectées. C’est assez compliqué parce qu’il y avait plusieurs facteurs : les facteurs familiaux, les facteurs environnementaux, les facteurs infectieux… Tout cela rentrait en ligne de compte, On a eu du mal à faire la part des choses. On sait que le sommeil est important. On essaye de respecter maintenant le sommeil des prématurés.

Par rapport à la vie anténatale, on sait que le fœtus dort. Les phases de sommeil commencent à se dessiner dès 24 – 25 semaines (cinq à cinq mois et demi de grossesse).

Ce qui est intéressant dans cette étude-là, c’est qu’en fait ils vont plus loin que la plasticité cérébrale. Ils essaient de définir en quoi le sommeil paradoxal peut être bénéfique et peut entrer en ligne de compte. L’idée est que le sommeil non paradoxal serait peut-être plus important pour le maintien de l’activité cérébrale et la construction cérébrale que finalement la neuroplasticité.

Cela sous-entend qu’au-delà de la plasticité cérébrale en tant que telle, le respect des phases de sommeil, le respect du sommeil non paradoxal serait peut-être plus important chez les enfants en particulier après trois ans. Cela permettrait de consolider ce qui a été créé avant.

Des échanges métaboliques ont été mesurés au niveau du cortex cérébral. Il y a encore des choses à explorer.  

Atlantico : Quels sont les principaux bienfaits du sommeil pour les jeunes enfants, autour de l'âge de trois ans ? Les résultats de cette étude pourraient-ils mieux nous faire comprendre l'importance du sommeil pour les enfants en bas âge ? Les parents peuvent-ils tirer des enseignements de cette étude pour aider les tous petits à bien dormir ?

Dr. Raïssa Brulé-Pépin : On a toujours le vieil adage populaire qui dit « qui dort dîne ». C’est extrêmement vrai chez l’enfant. Pourquoi  ? C’est pendant le sommeil que le taux d’hormone de croissance est le plus élevé. C’est pendant les phases de sommeil que cette hormone de croissance est sécrétée. Un enfant qui serait privé de sommeil ou qui aurait un sommeil très perturbé pourrait avoir des soucis de croissance.

On discute actuellement autour des stimulations des enfants, du non-respect des phases de calme et tout ce qui tourne autour des écrans. « Pas d’écran avant trois ans » car cela altère fortement le fonctionnement neuronal. 

Le conseil que l’on peut donner aux parents serait de respecter au maximum le sommeil des enfants et les cycles de sommeil. Les parents ont tendance à coucher les enfants un peu trop tard. 

Le sommeil fonctionne vraiment par cycles chez les enfants. Une fois qu’ils ratent leur phase d’endormissement, ils sont obligés d’attendre une heure, deux heures, deux heures et demie pour retrouver un nouveau cycle de sommeil et pour retrouver une phase d’endormissement pour accéder au sommeil profond. C’est ainsi que certains enfants, s’ils ne sont pas couchés à 19h30 peuvent rester éveillés jusqu’à 23 heures, minuit car ils ne retrouvent pas le sommeil. On a beaucoup de troubles du sommeil chez l’enfant. Peut-être un peu plus qu’avant. Des travaux sont en cours également autour de la mélatonine. On parle beaucoup de la mélatonine, c’est l’hormone de l’endormissement. Il s’agit de l’hormone que l’on sécrète quand le jour tombe, quand la nuit arrive et qui nous permet de nous endormir. C’est pour cela que lorsqu’on vit un décalage horaire, c’est compliqué. Le jour et la nuit sont importants dans l’endormissement après trois ans. Chez les plus petits, ce n’est pas vrai.  Les recherches ont débuté, sur les enfants cérébro lésés, les enfants qui ont une encéphalopathie, une atteinte cérébrale dûe à une hypoxie à la naissance, une maladie génétique, une maladie neurologique, ce sont généralement des enfants qui ne dorment pas, qui n’arrivent pas à s’endormir. On les traite par mélatonine. Ce phénomène a été étendu également chez les enfants qui à priori n’ont pas de dommages cérébraux mais qui ont probablement un trouble de la sécrétion de la mélatonine. On commence à le prescrire un peu plus qu’avant à des enfants qui ont des gros troubles d’endormissement. 

Pour en revenir aux phases de sommeil, par rapport au jour et à la nuit, il faut bien respecter l’alternance jour/ nuit après trois ans. 

Cependant, il faut bien comprendre que le sommeil d’un bébé n’est pas du tout le même qu’un enfant de trois ans. Un bébé va avoir un rythme que l’on appelle ultradien alors qu’un enfant va avoir un rythme comme nous, circadien, c’est-à-dire jour / nuit. Le rythme ultradien du bébé consiste à dormir deux heures, à se réveiller, à dormir deux heures à nouveau puis il se réveille encore. C’est ce qui explique que les bébés, que vous fassiez le jour ou la nuit, vont crier de 20h à minuit.. C’est les cris du soir du bébé. C’est pour cela que l’on dit qu’ils ne "font pas leurs nuits avant trois mois". En fait, physiologiquement, ils n’ont pas de rythme circadien avant trois mois.

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