Ultimes instants de la campagne : Kamala Harris, l’atout de Joe Biden pour triompher en novembre prochain ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Kamala Harris Joe Biden élection présidentielle américaine
Kamala Harris Joe Biden élection présidentielle américaine
©MANDEL NGAN / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Eric Branaa publie "Joe Biden, biographie" chez Nouveau Monde éditions. Jamais dans l’histoire américaine, un candidat n’a passé plus de temps que lui en politique. Le parcours de Joe Biden est tellement ancré dans le rêve américain, fait de dépassement de soi, de résistance à la difficulté, que les Américains ont vu en lui un exemple. Extrait 2/2.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Pendant son isolement forcé, Joe Biden enregistra une poussée importante de son avance sur Donald Trump dans les sondages nationaux, ainsi que dans de nombreux sondages centrés sur les États-clés, principalement en raison des critiques qui furent formulées à l’encontre du président Trump sur sa gestion de la pandémie. Le ralentissement économique atteignit très vite celui de la Grande Dépression, privant le candidat républicain de son argument principal pour soutenir sa campagne de réélection, alors que les chiffres étaient encore si bons en janvier!

Le 11 août, Biden annonça donc que la sénatrice californienne Kamala Harris serait sa colistière, faisant d’elle la première Afro-Américaine et Sud-Asiatique à être nommée vice-présidente d’un grand parti aux États-Unis. Ils furent tous les deux officiellement confirmés lors de la convention qui eut lieu fin août, à Milwaukee, même si celle-ci fut en réalité totalement virtuelle. «À l’époque où Kamala était procureure générale, elle travaillait en étroite collaboration avec Beau. Je les ai vus s’attaquer aux grandes banques, défendre les travailleurs et protéger les femmes et les enfants contre les abus dont ils étaient victimes. J’étais fier à l’époque, et je suis fier aujourd’hui de l’avoir comme partenaire dans cette campagne.»

En cette année de bouleversements dans la vie et la politique américaines, Joe Biden a ainsi ajouté un autre événement historique à l’horizon 2020 : la première femme noire et d’origine indienne à être choisie comme candidate à la vice-présidence avec de réelles chances d’accéder à un tel poste. Le choix de Kamala Harris n’a pas été une surprise pour les observateurs : dans sa carrière encore courte, elle était devenue rapidement « la sénatrice à suivre » lorsqu’elle avait été élue au Sénat en 2016. Et au milieu d’une série d’événements douloureux et tragiques auxquels le pays est confronté en 2020, Harris est apparue comme le meilleur choix naturel pour aider Joe Biden à apporter le message de guérison et d’unité qu’il veut envoyer. En tant que femme noire, Harris pourrait changer la perspective qui a déclenché les troubles civils liés au «racisme systémique », selon l’appellation donnée par le candidat démocrate luimême. Elle pourrait également personnifier le programme de Joe Biden dans le domaine de l’immigration, celui d’une main tendue et d’un chemin vers l’intégration, basé sur l’histoire et la tradition américaines, et grâce auxquelles les parents de la colistière auraient peut-être donné à ce pays leur prochaine vice-présidente. Loin des propositions de construction d’un mur entre l’Amérique et ses voisins, Joe Biden veut poursuivre et renforcer la politique d’accueil du pays et cela commence par le maintien de la protection des résidents sans papiers amenés dans ce pays au cours de leur enfance : la situation des dreamers devrait être définitivement réglée et il faudrait trouver pour eux une voie vers la citoyenneté. Biden veut aussi mettre fin à la politique dite de «rester au Mexique » de Donald Trump, qui oblige les demandeurs d’asile aux États-Unis à attendre au Mexique la décision les concernant. Biden reste donc ferme sur ses positions dans ce domaine. Les années précédentes, il avait qualifié cette politique de «dangereuse et inhumaine ».

Kamala Harris s’était montrée également très impliquée au Capitole dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Et, surtout, pour les Afro-Américaines, elle s’éleverait comme une nouvelle incarnation du rêve américain, celui qui permettrait désormais à toutes les petites filles du pays, quelle que soit leur couleur, de pouvoir à leur tour dire cette phrase toute simple : «Un jour, je serai présidente des États-Unis.» Présidente, Kamala Harris ne l’est certes pas encore. Elle n’est même pas vice-présidente. Mais le choix de Joe Biden ouvre en grand la porte des possibles pour elle, et donc pour toutes, et tous. Il l’a beaucoup répété pendant sa campagne, depuis son lancement en avril 2019 : Joe Biden veut être un pont entre l’Amérique d’avant et celle de demain, entre celle de son enfance, à Scranton, puis à Wilmington, souvent blanche, privilégiée et ségréguée, et une Amérique qui sera bouleversée au plus profond d’elle-même d’ici 2050, alors que plus aucun groupe ne constituera à lui seul la majorité. Ce changement profond, comme il en est souvent des bouleversements, se fait dans une douleur intense et il réalise qu’il lui est donné à lui, Joe Biden, d’aider à cet accouchement. «Nous ne sommes pas en temps normal. Pour la première fois de notre histoire, nous sommes confrontés à trois crises historiques, qui surviennent toutes en même temps. Nous sommes confrontés à la pire pandémie depuis cent ans, la pire crise économique depuis la Grande Dépression, le plus puissant des appels à la justice raciale depuis une génération. Et nous avons un président qui a à la fois échoué dans sa lutte contre le virus – qui a coûté des vies et décimé notre économie – et qui a attisé les flammes de la haine et de la division», a résumé Joe Biden dans un email envoyé à ses partisans. «J’ai besoin de quelqu’un qui travaille à mes côtés, qui soit intelligent, dur et prêt à diriger. Kamala est cette personne. J’ai besoin de quelqu’un qui comprenne la douleur que subissent tant de gens dans notre nation… J’ai besoin de quelqu’un qui comprenne que nous nous battons pour l’âme de cette nation. Et que si nous voulons traverser ces crises, nous devons nous rassembler et nous unir pour une Amérique meilleure. Kamala comprend cela », a-t-il conclu.

À 55 ans, Kamala Harris est beaucoup plus jeune que Joe Biden, et chacun a eu immédiatement en tête que sa désignation pourrait signifier beaucoup plus à la fois pour elle et pour le pays : en cas de problème important que pourrait rencontrer Joe Biden et qui l’obligerait à quitter le pouvoir, même brièvement, même pour un temps, c’est elle qui prendrait les rênes de la nation. Il y a aussi cette rumeur persistante, mais jamais confirmée, que Joe Biden ne souhaiterait effectuer qu’un seul mandat. Joe Biden aurait donc construit une rampe de lancement extraordinaire pour la carrière de Kamala Harris, qui se retrouverait idéalement placée pour briguer le poste suprême en 2024.

Le 18 août 2020, Joe Biden a officiellement été désigné lors de la convention nationale démocrate de 2020 comme le candidat du Parti démocrate à la présidence pour l’élection de 2020. Deux jours plus tard, soixante-dix anciens hauts responsables républicains de la sécurité nationale ont annoncé qu’ils voteraient pour Biden, déclarant que Trump était «inapte à diriger en période de crise nationale». Ils ont ajouté leurs noms à une liste déjà très longue de transfuges du Parti républicain qui avaient déjà annoncé qu’ils feraient ce même choix. Ils répondaient aussi sans nul doute à l’appel de Joe Biden qui a fait une promesse au pays : «Le président actuel a plongé l’Amérique dans l’obscurité pendant trop longtemps. Il y a trop de colère. Trop de peur. Trop de divisions. Ici et maintenant, je vous donne ma parole: si vous me confiez la présidence, je m’appuierai sur ce que nous avons de meilleur et non de pire. Je serai un allié de la lumière, et non des ténèbres.»

Il lui reste à écrire le prochain chapitre et à découvrir si, lorsque Jill, Joe, leurs enfants et leurs petits-enfants fêteront tous ensemble la prochaine Thanksgiving, à Nantucket, ils s’y rendront à bord d’Air Force One, ou s’entasseront à bord d’une voiture de location. Joe Biden a tenu sa promesse faite à Beau, quelques mois avant qu’il ne les quitte, et s’est lancé dans la plus belle des campagnes. Il reste à savoir s’il va pouvoir tenir cette autre promesse faite à Neilia, le jour de leur rencontre, en 1963, à Nassau, celle pour laquelle sa sœur Valerie et toute sa famille se sont tant battus pendant si longtemps, celle qui lui permettrait de donner une cohérence et serait l’aboutissement ultime de tous ces combats menés pendant une vie bien remplie: devenir le 46e président des États-Unis.

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Extrait du livre de Jean-Eric Branaa, "Joe Biden, biographie", publié chez Nouveau Monde éditions.

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