COVID-19 : mais pourquoi le gouvernement est-il incapable de communiquer sur le véritable indicateur de gravité de l’épidémie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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coronavirus covid-19 malades patients symptômes
coronavirus covid-19 malades patients symptômes
©Lara Balais / AFP

Evolution de la pandémie

Selon une étude du London King’s College lancée sur des patients atteints de la Covid-19, une personne atteinte sur dix sera toujours atteinte de symptômes après trois semaines. Quelles sont nos connaissances sur la gravité de la maladie sur le long terme ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Benjamin Davido

Benjamin Davido

Benjamin Davido est Infectiologue et directeur de la médecine de crise pour l’épidémie de covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches.

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Atlantico.fr : Une étude lancée par le London King’s College sur des patients atteints de la Covid-19 suggère qu’une personne atteinte sur 10 sera toujours atteinte de symptômes après 3 semaines. Une autre étude de la British Médical Association montre qu’un tiers des médecins a traité des patients atteints de symptômes de la Covid-19 sur le long terme. Que savons-nous actuellement de la gravité de la maladie sur le long terme chez les malades qui ne passent pas à l’hôpital et en réanimation ? 

Benjamin Davido : Pour le London Kings College, cela concerne 10 % des malades, de notre côté il s’agit d’à peu près 5%. Lorsque l’on parle de pourcentage de malades c’est toujours compliqué car on les a vu arriver après le déconfinement au mois de mai. Nous avons un pourcentage de gens estimé mais nous n'avons pas de dénominateur. Aujourd’hui, avec le nombre de tests, on peut voir qu’il y a beaucoup plus de cas que ce que l’on pensait, si on avait testé en mars les asymptotiques et les paucisymptomatiques on aurait eu des chiffres explosifs. 

On voit que les individus atteints de syndromes chroniques et persistants sont jeunes, plutôt des femmes entre 20 et 40 ans. Ils présentent des symptômes importants mais on ne sait pas dans quelle mesure ils sont causés par le Covid-19. On a vu une vague de patients alors que d’habitude sur le reste de l’année ça s’échelonne avec les autres maladies. 

La Covid-19 atteint le système nerveux autonome, du système de régulation de votre fréquence cardiaque et respiratoire. Une fois atteint, il est possible que ce dernier n’arrive pas à se synchroniser à nouveau. Cela explique que de nombreuses personnes se plaignent de maladies et de symptômes longue durée alors qu’elles sont guéries de la Covid-19. Cela touche les jeunes, en bonne santé, plus ou moins sportifs qui ont l’habitude d’avoir une fréquence cardiaque plutôt basse. 

Avec ce dépistage massif, on va savoir ce que la Covid-19 représente réellement. Si on a une grande partie des jeunes positifs, on sera capable de dire le pourcentage de jeunes qui ont des symptômes persistants. Avant, nous n’avions pas de dénominateur. 

Stéphane Gayet : Il faut distinguer les formes sévères des formes graves. Une forme grave signifie qu’une ou plusieurs fonctions vitales (respiration, circulation sanguine, fonction hépatique, fonction rénale, système nerveux central) menacent de défaillir. Des symptômes (ce que l’on ressent intérieurement) et des signes (ce qui se constate, extérieurement surtout) qui font craindre ou qui annoncent déjà une forme grave impliquent une hospitalisation dans un court délai.

La CoVid-19 diffère des maladies infectieuses respiratoires virales que l’on connaissait jusqu’alors : ces maladies, dont la grippe et les infections virales paragrippales sont les principaux représentants, provoquent essentiellement des formes aiguës, parfois sévères, qui guérissent assez rapidement et généralement sans séquelles.

Il faut bien distinguer les séquelles qui sont des atteintes plus ou moins fixées, n’évoluant plus beaucoup, des atteintes prolongées, durables ou encore persistantes, qui sont susceptibles de guérison au moins partielle. Dans le schéma ci-dessous, ces dernières se situent dans la phase de convalescence ou « analepsie ».

Que dit l’étude menée par le London King’s college ? Elle constate que 10 % des malades atteints de CoVid-19 sont toujours convalescents après trois semaines d’évolution, c’est-à-dire qu’ils sont considérés comme « guéris médicalement », mais pas symptomatiquement ni fonctionnellement. Médicalement, les examens biologiques révèlent qu’il n’y a plus d’infection aiguë et que l’inflammation s’est calmée. Cependant, ces patients « convalescents » se sentent toujours malades et quoi qu’il en soit, incapables le plus souvent de retravailler ou de reprendre leurs études selon le cas.

L’étude de la British medical association confirme la fréquence des symptômes persistants après une CoVid-19.

Actuellement, on considère que 5 % des malades atteints d’une forme symptomatique de CoVid-19 présentent des signes de gravité nécessitant une hospitalisation ; un petit nombre d’entre eux devront être plus ou moins rapidement admis en réanimation pour une ventilation mécanique assistée par respirateur électrique. On sait que les soins de réanimation avec ventilation invasive (intubation trachéale) laissent des séquelles, quelle que soit la pathologie en cause.

En ce qui concerne les malades CoVid-19 non admis en réanimation, la persistance de symptômes et de signes pendant plusieurs semaines est en effet fréquente. Elle est généralement fonction de la sévérité de la maladie lors de sa phase d’état, mais ce n’est pas systématique : il arrive que des personnes présentant une forme initialement peu sévère, évoluent difficilement et péniblement, pendant plusieurs semaines ; on parle de « long CoVid » ou de « CoVid persistant ».

Le pourcentage de malades qui gardent des séquelles graves et qui continue à souffrir de symptômes sur le long terme est-il important ? Ces personnes atteintes sont-elles devenues plus importantes que le nombre de morts ou de personnes hospitalisées ? 

Benjamin Davido : Aujourd’hui, sans confinement, ces malades peuvent être vus et rassurés par les médecins généralistes et par le fait que l’on a avancé dans la science (avant on leur disait restez chez vous, vous n’avez rien). Il y a beaucoup moins de demandes localement. Cela s’est calmé car les personnes atteintes ne se sont pas retrouvées confinées et désaptatées à l’effort. Chez les soignants qui ont contracté la Covid-19, ils ont peu développé de forme chronique. Il y a une part de cette désadaptation et de désynchronisation qui a été accentuée par le confinement. 

Stéphane Gayet : Cette population de malades est hétérogène. On constate que, chez les personnes ayant fait une forme très symptomatique de la maladie (mal de gorge, fièvre, mal de tête ou céphalée, toux sèche, asthénie ou fatigue, douleurs musculaires et articulaires, perte du goût et de l'odorat, gêne respiratoire, confusion mentale légère, amaigrissement…), la récupération est en réalité très lente (au minimum quinze jours et souvent un mois, voire plus…) ; l'amaigrissement peut persister quelque temps, s'accompagnant d'une diminution de la force musculaire et des capacités physiques. Certains patients conservent une gêne respiratoire, d'autres des troubles digestifs, d'autres des difficultés de mémoire, d'autres un état dépressif, d'autres des anomalies cardiaques, etc. On sait à présent que la CoVid-19 est une maladie systémique qui peut toucher pratiquement tous les organes du corps.

Cet état de « long CoVid » ou de « CoVid persistant » comporte constamment une asthénie (fatigue) marquée et invalidante. C’est du reste l’une des principales doléances de ces malades.

En effet, le pourcentage de personnes souffrant d’une forme persistante de CoVid est important. Il se situe entre 5 % et 10 % environ. Ce nombre est effectivement devenu largement plus important que le nombre de décès attribuables à la CoVid-19 et même que le nombre de malades hospitalisés pour CoVid-19.

Pourquoi n’avons-nous pas d’indicateur public fiable sur ces enjeux ? Le gouvernement a-t-il les moyens d’établir un indicateur ? 

Benjamin Davido : Les autorités sanitaires en ont parlé seulement deux-trois fois à la télévision. Ce n’est pas un scoop, c’est extrêmement compliqué de gérer tous les problèmes liés à la Covid-19 mais on a considéré que les malades qu’il n’y avait pas d’urgence pour les personnes qui n’étaient pas hospitalisées. La réalité, c’est que s’il y a une « seconde vague », avec une discrète mutation du virus sur sa contagiosité, il y aura donc plus de Covid-19 persistant. Le gouvernement a déjà du mal à gérer ce qu’il se passe actuellement avec la deuxième vague qui rebondit à l’hôpital que cette entité qu’on commence à décrire n’est pas dans les priorités. Leur vraie priorité c’est les places en réanimation, le nombre de morts et les places en réanimation conventionnelle. Ils catégorisent par sévérité de la maladie, ce qui n’est pas aberrant. 

Celui qui voudrait écrire un protocole demain, on doit écrémer beaucoup de malades car peu de personnes rentrent dans ces cases. Le temps d’écrire un protocole il va se passer six mois et il faut espérer qu’en trois mois les jeunes vont être guéris. 

Il va y avoir un vrai challenge pour la seconde vague. Si on rassemble l’ensemble des théories actuelles comme quoi le virus est inoffensif, c’est complètement faux car 50 % des places en réanimation de Bouches-du-Rhône sont occupées. La réalité est que le virus est tout aussi virulent mais plus contagieux et voir des chroniques persistantes chez les sujets jeunes. 

Stéphane Gayet : Nous sommes toujours en période instable et même un peu critique. Car le nombre quotidien de nouvelles hospitalisations et celui de nouvelles admissions en réanimation continuent présentement à augmenter progressivement (et non pas de façon exponentielle, comme cela a été dit par erreur). En revanche, le nombre quotidien de nouveaux décès attribuables à la CoVid-19 reste faible.

Le gouvernement et particulièrement le ministère chargé de la santé ont bien des difficultés à gérer l’épidémie de CoVid-19 en France. On nous assène tous les jours des valeurs d’indicateurs qui manquent souvent de pertinence.

Le nombre quotidien de tests RT-PCR positifs manque de pertinence, quand on ne précise pas les indications de réalisation de ces tests et que l’on ne dispose pas d’un test antérieur chez chaque personne testée. Il en est de même du taux de positivité des tests effectués. On peut en dire autant du nombre de personnes en cours d’hospitalisation pour CoVid-19 et du nombre de personnes en cours de réanimation pour CoVid-19, comme du nombre cumulé de décès attribuables à la CoVid-19.

Le nombre quotidien de nouvelles hospitalisations pour CoVid-19, celui de nouvelles admissions en réanimation pour CoVid-19 et le nombre quotidien de nouveaux décès attribuables à la CoVid-19 sont assez pertinents et reflètent bien l’évolution de l’épidémie (graphe ci-dessus). Leur inconvénient principal est leur retard par rapport aux nouvelles contaminations.

Quant aux formes prolongées de CoVid-19, elles ne sont pas actuellement la préoccupation du ministère chargé de la santé. Il connaît la situation, mais ce phénomène est perçu comme moins inquiétant que l’évolution de l’épidémie. De plus, il n’y a pas à ce jour de recueil à l’échelle nationale de ces données. Cela se fera plus tard. Présentement, nous ne disposons que d’études ou d’enquêtes ponctuelles, en France ou à l’étranger. Il faudra pourtant vraiment s’y intéresser, en raison des conséquences médicales, psychologiques et économiques de ce préoccupant phénomène de « CoVid long ».

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