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Voir le pire : l'altérité chez Bret Easton Ellis, remède à l’épidémie de supériorité morale
©JOEL SAGET / AFP

Témoin d'une société

À deux mois de l’élection américaine dans un pays divisé comme rarement dans son histoire entre blancs et noirs, entre hommes et femmes, entre générations… dont la fragmentation a des répercussions en France comme dans toutes les sociétés occidentales, il faut relire le plaidoyer en faveur de l’altérité qu’est l’œuvre romanesque de l’écrivain Bret Easton Ellis.

Olivier Amiel

Olivier Amiel

Olivier Amiel est avocat, docteur en droit de la faculté d’Aix-en-Provence. Sa thèse « Le financement public du cinéma dans l’Union européenne » est publiée à la LGDJIl a enseigné en France et à l’université internationale Senghor d’Alexandrie. Il est l’auteur de l’essai « Voir le pire. L’altérité dans l’œuvre de Bret Easton Ellis» et du roman « Les petites souris», publiés aux éditions Les Presses Littéraires en 2021.

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À deux mois de l’élection du Président des États-Unis dans un pays divisé comme rarement dans son histoire entre blancs et noirs, entre hommes et femmes, entre générations… dont la fragmentation a des répercussions en France comme dans toutes les sociétés occidentales, il faut relire le plaidoyer en faveur de l’altérité qu’est l’œuvre romanesque entière de l’écrivain américain Bret Easton Ellis. 

Ce qui est Autre a longtemps été considéré négativement comme une source de rejet et d’affrontement, avant que l’altérité devienne un processus d’acceptation des différences de l’alter ego : cet autre moi-même. 

Si le sens de l’histoire a permis à l’altérité de se redéfinir sur la tolérance et le dialogue avec l’Autre, c’est pourtant au nom de ce même principe mais orienté politiquement que se définit aujourd’hui un discours unique de prétendue supériorité morale qui exclut. 

C’est le cas par exemple avec l’hystérie de la dénonciation publique autour de la Cancel culture, ce prétexte pour de nouveaux censeurs de faire rejaillir une altérité comme un affrontement avec l’Autre, c’est à dire celui qui ne pense pas où ne voit pas les choses comme Soi.  

Victime précoce de ce mouvement avec l’appel au boycott de son roman « American Psycho » en 1991, Bret Easton Ellis n’a eu de cesse de défendre l’altérité à travers ses écrits.

Qu’elle provienne de la fameuse ironie postmoderne ou d’un marqueur d’une génération X déchue, vampirisée par les baby-boomers qui s’efface désormais devant l’intransigeance des milléniaux, c’est cette altérité comme empathie et mise en danger de Soi pour mieux comprendre l’Autre qui fait tant défaut dans une époque actuelle dominée par ce qu’il appelle une « épidémie de supériorité morale ». 

Personne, et certainement pas Bret Easton Ellis, ne remet en cause le combat passé pour lutter contre les discriminations raciales, de genre, ou sexuelle. Mais cela ne peut pas être dévoyé et conduire aujourd’hui à une nouvelle discrimination contre ceux qui ne pensent pas exactement comme l’idéologie dominante à grands coups d’outrances, de boycotts, de trolling sur les réseaux sociaux, de campagnes de dénigrement, de Cancel culture, de mépris. 

Il s’agit d’une coupable régression passant de l’altérité comme dialogue et acceptation à une altérité comme stigmatisation et rejet. 

C’est parce qu’il n’a jamais oublié que l’altérité demeure « le concept le plus antipathique au ‘’bon sens’’ » pour citer Roland Barthes que relire l’ensemble de l’œuvre de BEE est nécessaire dans le trouble actuel. Les snuff films visionnés par Clay dans « Moins que zéro » et « Suite(s) impériale(s) », le courant de conscience des étudiants de Camden dans « Les Lois de l’attraction », les fantasmes meurtriers de Patrick Bateman dans « American Psycho », la paranoïa et l’illusion que la vie est un plateau de cinéma par Victor Ward dans « Glamorama », les mises en abyme du personnage père de famille Bret Easton Ellis dans l’autofiction « Lunar Park »,  offrent des clés inattendues pour se rappeler de l’utilité vitale de savoir se mettre en danger, en dehors de sa zone de confort, à la place de l’Autre pour mieux le comprendre et pour mieux se comprendre Soi. 

Le défi est de taille dans une Amérique et une société occidentale où la possibilité du dialogue avec l’Autre se restreint davantage chaque jour face à l’imposition d’une altérité sélective, dans un seul sens, qui dérive de manière contradictoire vers l’entre Soi.

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