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Comment la psychologie du sport aide de nombreux champions
©EZRA SHAW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Bonnes feuilles

Hubert Ripoll publie "Les champions et leurs émotions: Comprendre la maîtrise de soi" aux éditions Payot. Extrait 2/2.

Hubert Ripoll

Hubert Ripoll

Hubert Ripoll est psychologue du sport et essayiste. Il a travaillé auprès de plusieurs équipes de France et avec de nombreux champions olympiques et champions du monde. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages sur la psychologie des champions et des coachs sportifs. Il a publié Le mental des champions (Payot, 2008), Le mental des coachs (Payot, 2012), La résilience par le sport (Odile Jacob, 2016).

On peut retrouver l’ensemble de son travail et de ses analyses sur les blogs Le mental des champions, Le mental des coachs, La résilience par le sport.

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On a du mal à admettre que les champions, ces héros des temps modernes, ne sont ni omniscients ni des surhommes/femmes, et qu’ils ne peuvent tout contrôler.

Il fut un temps où un sportif talentueux, accompagné par un entraîneur efficace, pouvait réussir seul. Ce temps est révolu. L’exigence du sport de haut niveau, le degré de perfectionnisme qu’il exige, les écarts infimes qui séparent les tout premiers dans leur sport nécessitent l’intervention de collaborateurs capables de permettre à l’athlète de maîtriser les différents facteurs de la performance. Ainsi, des spécialistes du matériel, du médical, du biologique et du psychologique œuvrent au côté de l’entraîneur pour lui permettre de monter sur la plus haute marche.

Bien que la psychologie du sport soit née en Europe et que les Français aient joué au tout début de son développement un rôle majeur, c’est outreAtlantique, puis dans les pays nord-européens, qu’elle va prendre son essor. En France, son influence a été freinée par le mouvement sportif, qui, dans son ensemble – ministère des Sports et Directions techniques nationales –, a fait obstacle à sa pénétration. J’en tiens pour exemple les fins de non-recevoir adressées, entre 1996 et 2002 par le ministère des Sports, le CNOSF et l’Association des directeurs techniques nationaux aux propositions de la Société française de psychologie du sport (SFPS) à sortir la préparation mentale de l’obscurantisme dans laquelle elle se trouvait. La SFPS avait alors élaboré une charte éthique de l’intervention en psychologie du sport – qui est toujours d’actualité et la seule à être reconnue par l’ensemble des professionnels – et ébauché le premier comité d’accréditation des intervenants en psychologie du sport – également toujours en vigueur. Elle proposait de se mettre au service du mouvement sportif dans le but d’assainir le paysage des intervenants, qui commençaient à fleurir sur les terrains de sport, et de travailler à l’instauration de bonnes pratiques. Le refus de collaborer du mouvement sportif fut radical : il préféra poursuivre dans la voie du laisser-faire plutôt que de réglementer ces pratiques afin d’y mettre bon ordre. S’ajoutèrent à ce refus l’ignorance, voire l’obscurantisme concernant l’accompagnement et la préparation mentale, rendant difficile l’introduction de ces techniques dans le milieu sportif. Disons-le sans détour, cette absence de réaction de la puissance dirigeante ouvrit la porte à une floraison sauvage de préparateurs mentaux en tout genre dont la plupart n’avaient guère de compétences au-delà du titre qu’ils s’étaient autoattribués. Les sportifs en firent les frais pendant encore vingt ans. Plusieurs grands champions eurent alors recours à un « psy » privé, à l’insu de leur entraîneur, et beaucoup subirent des pratiques douteuses qui furent révélées à grand bruit par les médias.

Bien que ces pratiques sauvages soient aujourd’hui moins fréquentes, il est inconcevable, dans un pays comme la France, où la moindre activité sportive est, à juste titre, encadrée par un brevet d’État, qu’aucune législation ne vienne réglementer la fonction de préparateur mental.

Encore aujourd’hui, y compris parmi ceux qui ont participé à ce livre, des athlètes confient leur préparation à un accompagnant découvert sur les petites annonces ou par le bouche-à-oreille, et certains sportifs, y compris de haut niveau, travaillent avec un préparateur à l’insu de leur entraîneur. Fort heureusement, ces cas sont devenus relativement marginaux.

Le fait que des champions, ayant été eux-mêmes confrontés à cette situation, soient, une fois leur carrière terminée, en charge de l’organisation du sport français laisse espérer des jours meilleurs pour l’implication de la préparation mentale dans la préparation des sportifs. Ainsi Ghani Yalouz, médaillé olympique, devenu patron de l’INSEP, fait part de sa propre expérience, de ses doutes et de sa prise de conscience : « Moi-même, athlète, je ne croyais pas du tout à la préparation mentale. Je disais : “Je ne suis pas malade, je ne vais pas aller voir une psy.” Alors que non, psy ou préparateur mental, ça veut dire anticiper un mal-être. On est très en retard par rapport aux États-Unis, aux pays nordiques, aux pays de l’Est et même à Cuba. »

Rares sont aujourd’hui les sportifs de haut niveau qui ne bénéficient pas d’un accompagnement psychologique. Comparativement, 20 % des champions qui ont participé, en 2007-2008, au Mental des champions avaient eu un contact avec un « psy » et un seul d’entre eux avait une pratique épisodique. Alors que 80 % de ceux qui ont participé, en 2011-2012, au Mental des coachs y avaient recours, la plupart épisodiquement. Seuls deux athlètes (dont un seul en activité) parmi ceux qui ont participé à ce livre n’ont jamais eu de préparateur mental, deux pratiquent occasionnellement et tous les autres ont un accompagnement régulier. Tous en sont satisfaits et n’imagineraient pas se préparer sans cet accompagnement. Ce que résume bien l’une d’entre eux :

« Il y a beaucoup moins d’a priori par rapport à la préparation mentale que par le passé. Il y a peu, on en avait peur, et l’on n’osait pas le dire, de crainte que l’on vous considère comme faible. Ça a changé. Je connais pas mal de joueuses qui y ont recours. » (Gaëlle Hermet)

Ainsi, les sportifs de haut niveau n’attendent plus d’être en difficulté pour se faire aider, et, quand bien même ils auraient un parfait contrôle de leur psychisme et de leur mental, ils s’entourent des compétences d’un accompagnant dans le but de progresser davantage. Désormais, le mimétisme interne dans le sport et l’appel des médias aidant, beaucoup de sportifs de haut niveau considèrent que ne pas bénéficier d’une préparation mentale constitue un handicap. Il aura fallu plus de vingt ans pour que la raison l’emporte sur l’obscurantisme du mouvement sportif.

Pour autant, la vision de ce qu’est une préparation mentale n’est claire, ni pour la grande majorité des sportifs, ni pour de nombreux sportifs de haut niveau, ni pour la plupart de leurs entraîneurs. Aussi, me semble-t-il nécessaire de clarifier la question.

A lire aussi : La clé de la réussite des champions : endurer pour durer

© Editions Payot & Rivages, Paris, 2020.

Extrait du livre de Hubert Ripoll, "Les champions et leurs émotions: Comprendre la maîtrise de soi", publié aux éditions Payot.

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

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