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Véolia/ Suez : le succès à l’international est un question de saine concurrence, pas de taille
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Fusion concurrentielle

La possibilité d’une fusion Veolia-Suez, évoquée depuis quelques jours relance le mythe de la constitution d’un champion national français de l’eau-environnement.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La possibilité d’une fusion Veolia-Suez, évoquée depuis quelques jours relance le mythe de la constitution d’un champion national français de l’eau-environnement, capable en théorie d’écraser toute concurrence nationale et internationale. Les partisans de cette offre d’achat font ainsi valoir la taille monumentale du nouvel ensemble, oubliant par là que, si la taille est bien entendu un critère de performance internationale, elle n’est en rien l’aspect prépondérant de celle-ci. Oublier que la concurrence a des vertus et qu’il y a des manières de la canaliser, en particulier par l’action de la puissance publique, c’est faire fi de 200 ans d’économie moderne.

Les grandes puissances – Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni, même la Russie d’une certaine manière – ont ainsi organisé la concurrence sur leur sol, pour être ensuite en mesure, le plus souvent, de soutenir fortement l’une des entreprises nationales lors de leur développement global. Aux Etats-Unis, la législation anti-trust, le Sherman Act en particulier, prévient la formation des monopoles et le dynamisme des entreprises américaines s’explique en grande partie par la concurrence féroce qui règne dans les grands secteurs (pétrole-gaz, automobile, défense, télécommunications) ; les entreprises trop puissantes comme la Standard Oil ou Bell en ont fait les frais en leur temps. Cela n’empêche pas les Etats-Unis, bien au contraire d’apporter un soutien sans faille aux entreprises nationales pour leur développement à l’étranger. Les institutions étatiques ou paraétatiques destinées à promouvoir les entreprises américaines sont très nombreuses et c’est bien cette dynamique Etat-entreprise qui permet une telle extension. Un système analogue se retrouve au Royaume-Uni où l’administration sait parfaitement jouer les entreprises d’un même secteur l’une contre l’autre, sauf en cas de concurrence avec un acteur étranger. 

Il ne faut pas croire qu’il ne s’agisse là que d’un modèle anglo-saxon. En Chine notamment, loin de l’idée d’un capitalisme d’Etat dirigiste, l’administration organise également la concurrence interne, comme c’est le cas par exemple lors des restructurations du secteur pétro-gazier où CNPC, Sinopec et CNOOC sont davantage des compétiteurs que des alliés sur le sol chinois. Au contraire, l’Etat met à disposition de ces entreprises l’ensemble des outils qu’il possède (diplomatiques, économiques, etc.) pour faciliter leur internationalisation. D’autres modèles proches se retrouvent en Asie du Nord, en Corée du Sud notamment. A l’exception justement des pays fonctionnant sur un modèle de capitalisme d’Etat – dont le Brésil a parfois donné un triste exemple en termes économiques – les grandes puissances ont bien compris que dans le contexte d’une mondialisation fondée sur le capitalisme libéral, le programme à appliquer était simple : concurrence en interne, soutien étatique en externe. Cette situation peut parfois sembler schizophrénique mais à bien regarder la matrice de ce modèle, les Etats-Unis, ils sont à la fois un pays très libéral et concurrentiel et, dans le même temps, très protectionniste et engagé pour la puissance des entreprises nationales. 

Il ne faut pas s’y méprendre, certaines idées qui semblent séduisantes sur le papier, car participant a priori d’une certaine simplification concurrentielle, sont en réalité les pires réalisations possibles. Le projet de fusion Veolia-Suez – dont la première étape est l’offre d’achat de Veolia envers Engie pour les parts que cette dernière détient dans Suez – a tout du montage contreproductif. Alors que ces deux entreprises se partagent le leadership mondial du domaine eau-environnement, leur bonne santé économique tient justement à leur concurrence. Devant redoubler d’innovation et de performance pour ne pas se faire distancer par l’autre, Veolia et Suez sont engagés dans une dynamique vertueuse. Or la création d’un mastodonte Veolia-Suez viendrait casser celle-ci, sans qu’il soit possible d’assurer – bien au contraire – que la nouvelle entité unique soit aussi performance que la somme de ses composantes. Le monopole pachydermique a ainsi tendance à se révéler pesant, inefficient et bureaucratique car libéré de la contrainte de l’agilité économique nécessaire à la concurrence. Ce type de fonctionnement peut être séduisant dans le cas d’une fermeture complète des frontières, mais il se révèle désastreux dans un environnement économique mondialisé et marqué par la montée en puissance de nombreux concurrents.

Il résulte de cette situation la nécessité de prendre en compte deux facteurs. D’une part la compétition saine entre pairs est le plus souvent la condition d’une réussite économique qui ne peut passer que par la confrontation au marché et aux attentes des consommateurs. D’autre part, autant dans une vision court-terme (conquête de nouveaux marchés) que long-terme (développement de compétences), seule la conjonction des forces entre l’Etat et l’entreprise peut permettre de véritables victoires d’ampleur. Plutôt que de regarder placidement se faire un rachat inepte, le gouvernement ferait mieux de décider et d’appliquer une véritable stratégie industrielle, arlésienne de l’économie française. 

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