Elections américaines 2020 : la réélection de Donald Trump est un pronostic raisonnable<!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump élection vote
Donald Trump élection vote
©JIM WATSON / AFP

Maison Blanche

La campagne électorale se poursuit aux Etats-Unis avant le vote de novembre. Alors que les sondages créditent Joe Biden d'une avance importante face à Donald Trump, le candidat républicain pourrait bien rééditer le scénario de la précédente élection et inverser le cours de l'élection.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Biais français

Quand on regarde la manière dont les élections américaines ont été couvertes depuis le début des années 1980 dans les médias français, on remarque deux biais récurrents: (1) la coloration des commentaires est toujours majoritairement favorable aux candidats démocrates. (2) Il est rare que les commentateurs français s'intéressent à la seule chose qui compte: le vote par Etat, qui détermine le nombre de délégués qui vont se reporter sur chacun des candidats puisque l'élection américaine est une élection indirecte, par un collège électoral. 

L'élection de 2020 n'échappe pas à ces deux constantes. On peut même dire que rarement le biais anti-républicain a été aussi marqué. Même quand il s'agissait de Ronald Reagan, au début des années 1980 - dont on a oublié le mépris que notre intelligentsia, qui copie le plus souvent les comportements des universitaires de la côte Est des Etats-Unis, lui vouait - on n'avait jamais vu ce degré de haine envers un candidat républicain. Comme me le disait il y a quelques jours un collègue universitaire: dire du bien de Trump sur de nombreux plateaux télévisés français, c'est prendre le risque de ne jamais être réinvité. Pourtant, jamais il n'a été autant nécessaire de regarder de près ce qui se passe dans les Etats. 

La solidité du socle électoral de Trump

Les sondages nationaux régulièrement publiés et repris dans les médias français promettent à Joe Biden une avance de 7 points environ. Il faut tout de suite rappeler que Hillary Clinton a gagné, en 2016, le suffrage populaire. Mais elle n'avait pas la majorité du collège électoral. Que cela plaise ou pas, c'est ainsi que fonctionne le système électoral américain. En soi, ce score national est remarquablement proche d'un autre chiffre, le pourcentage d'approbation de l'action de Donald Trump. Il est resté étonnamment stable tout au long de son mandat: entre 40 et 45%. C'est le socle sur lequel s'appuie le président sortant. De façon notable, contrairement à l'impression que pourrait donner le déferlement médiatique consistant à attribuer à Trump une mauvaise gestion de la crise du coronavirus, le président américain n'a pas perdu en popularité depuis le début de la crise. Bien entendu, les 42 ou 43% dont nous parlons ne suffisent pas à Trump pour être réélus mais ils nous disent l'indéniable solidité du président sortant malgré les attaques permanentes et infondées du parti démocrate et de l'immense majorité des médias contre sa personne: l'absurde Russiagate (c'est Hillary Clinton qui avait reçu de l'argent russe), la pitoyable procédure d'impeachment (il s'agissait dé défendre la réputation de Joe Biden, dont le fils est impliqué dans une affaire de corruption en Ukraine) etc...Il n'y a pas de raison que Trump fasse un score très différent dans les Etats où il a gagné il y a quatre ans. 

Etonnante permanence dans les Etats avec un effritement démocrate

Une fois que l'on a dit cela, il faut aller en effet regarder les sondages par Etat. Et en particulier, ce que l'on appelle "les Etats hésitants" (swing states). Je ne peux que recommander au lecteur de regarder régulièrement le site realclearpolitics.com et d'y ignorer les sondages à l'échelle nationale pour se concentrer sur la carte qui anticipe le nombre de délégués qui sera gagné par chacun des candidats. A la date du 4 septembre, le site promet 212 délégués sur 270 d'ores et déjà, à Biden et seulement 115 à Trump. C'est-à-dire que les deux candidats se disputent 211 délégués ! A vrai dire, le tableau, regardé de plus près, n'en promet que 118 assurés à Biden. Où en sont les sondeurs? Y a-t-il un biais qui conduit à conclure plus vite l'acquisition de délégués par Bide que par Trump? S'agit-il d'entretenir le suspense? En fait, ce qui est projeté sur le site ressemble furieusement à ce qui s'est passé il y a quatre ans. Trump a gagné grâce à la manière dont il avait remporté une majorité d'Etats moins peuplés que la Californie ou l'Etat de New York mais dont la somme lui a permis de franchir haut la main la barre des 270 délégués. Et l'on trouve sur le même site un tableau qui donne une comparaison extrêmement intéressante: l'avance de Biden dans les Etats, ce que donnait le sondage il y a quatre ans à la veille de l'élection, le résultat de l'élection de 2016. Or on s'aperçoit que dans la plupart des cas l'avance actuelle donnée à Joe Biden dans le Wisconsin, le Michigan, l'Ohio, la Pennsylvanie, la Floride, le New Hampshire, est inférieure à celle que l'on pronostiquait à Hillary Clinton. Or, tous ces Etats ont été finalement gagnés par Trump en 2016 alors même que les sondeurs avaient pronostiqué une victoire de Madame Clinton. Tout va donc dépendre de la capacité de Donald Trump à gagner des Etats donnés acquis aux démocrates, comme il y a quatre ans. 

Les trois facteurs qui jouent pour Trump

Pour ma part, je suppose qu'il est raisonnable d'anticiper non seulement la réédition de la victoire tactique de Trump dans de nombreux Etats mais, plus généralement une large victoire au sein du collège électoral. A cela, il y a trois raisons: 

1. Joe Biden est en mauvaise santé. Peut-être aurait-il gagné il y a quatre ans face à Trump mais le candidat est désormais trop fragile pour faire une campagne offensive en période de coronavirus. Et la direction du parti démocrate se fait du souci quant à sa capacité à tenir le choc des débats face à Trump. Certains se demandent même ce que signifie l'incapacité du candidat démocrate, par moments, à terminer des phrases qu'il a commencées. Donald Trump a certes été entravé par le confinement et la quasi-impossibilité de tenir des meetings publics. Mais il a repris sa guerre de mouvement et on le voit désormais sur le terrain, beaucoup plus fréquemment que son adversaire.  

2. L'économie américaine a une flexibilité qui fait constaté que le redémarrage de l'emploi est bien là, aussi spectaculaire que la montée du chômage il y a quelques mois. Bien entendu, certains Etats restent au ralenti économiquement. Les gouverneurs démocrates (faut-il rappeler que les gouverneurs sont les décideurs en matière de lutte contre la pandémie, non le président?) s'y sont comportés comme Emmanuel Macron, choisissant le confinement total au risque de briser l'économie. Le ralentissement d'une économie qu'il avait si brillamment relancée est bien entendu la vulnérabilité de Donald Trump mais les électeurs vont se déterminer, surtout, en fonction du désordre créé dans le pays par les émeutes d'extrême gauche. 

3. Les démocrates ont en effet joué aux apprentis-sorciers. Lors de la convention démocrate, il leur aurait été facile de répéter qu'il s'agissait, désormais, de défendre l'état de droit et de mettre fin aux violences. Ce faisant, Joe Biden aurait rassuré et occupé le centre du spectre électoral. Or les démocrates se sont au contraire laissés aller à encourager la révolte. Alors qu'une véritable terreur règne dans certaines villes américaines et que des supporters de Trump sont régulièrement agressés par des groupes de militants gauchistes (il y a même eu une victime fin août), le président sortant apparaît de plus en plus comme le rempart de la démocratie. 

Je suppose que les sondages qui circulent dans les états-majors politiques sont même encore plus sévères pour les démocrates que ce que dit la tendance des sondages publiés. On a senti, début septembre, un vent de panique dans les rangs démocrates. La note envoyée par JP Morgan indiquant aux investisseurs qu'il était rationnel de parier sur une victoire de Trump n'est pas passée inaperçue. J'ajoute pour ma part que les Américains donnent toujours raison à celui qui produit des résultats et qui construit. la manière dont les démocrates ont fait la politique du pire (faire trébucher Trump sur le Coronavirus et ses effets néfastes sur l'économie ou sur le chaos des émeutes)  n'est pas conforme aux aspirations profondes de l'histoire américaine. Le pays doit fonctionner, l'état de droit doit être respecté. 

Pour toutes ces raisons, je prends le risque, en ce début septembre 2020, d'une anticipation raisonnable : la réélection, par une nette victoire au sein du collège électoral, de Donald Trump. 

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