Le possible rachat de Suez par Veolia : une erreur ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Veolia Suez
Veolia Suez
©ERIC PIERMONT / AFP

Fusion

Veolia a remis ce week-end à Engie, actionnaire de Suez, une offre de rachat pour 2,9 milliards d’euros. L'offre a été rejetée. Le patron de Suez refuse toujours de rencontrer son homologue de Veolia. Dans une lettre à ses salariés, Bertrand Camus juge l’offre de Veolia "particulièrement hostile", "opportuniste et précipitée". Ce mariage avait déjà été envisagé.

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard est économiste, conseiller de banque centrale. Il exprime ses vues personnelles dans Atlantico.

Twitter : @SebCochard_11

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Veolia s’est proposé, le 30 août, de racheter à Engie sa participation dans Suez, pour ensuite acquérir l’intégralité du capital de cette dernière. Le 31 août, le conseil d’administration de Suez, à l’unanimité, s’est prononcé contre ce rapprochement, imaginé auparavant sur un mode non hostile. Il est vraisemblable que cette opération, dont beaucoup se sont félicités au nom de la quête de «  champions nationaux », constitue un feuilleton qui sera continué dans les semaines qui viennent. 

Or, si une telle opération était finalement réalisée, loin de constituer une pierre à l’édifice de ceux qui croient encore à la nécessité de fortifier l’appareil productif français, elle s’avèrerait une erreur de plus dans une longue litanie de rapprochements hasardeux qui a vu progressivement les français assister à la fragilisation, voire à la perte de contrôle de leur appareil productif. Qu’il soit permis ici, loin des effets mirifiques envisagés à coup de powerpoints par les banquiers d’affaires qui ne s’oublieront pas dans l’affaire, d’en souligner plusieurs graves faiblesses.

Tout d’abord, la course à la taille détruit de la valeur sociale. Afin de pouvoir continuer à maximiser les profits des actionnaires et les « rembourser » pour la coûteuse acquisition au plus haut des marchés, les premières mesures annoncées sont bien sûr des destructions d’emplois « redondants » suite à la fusion. Une telle opération, ce sont immédiatement des chômeurs en plus, n’en déplaise aux prétendues assurances que Bercy entendra imposer, et dont nous savons, hélas, qu’elles ne résistent pas à l’épreuve des fait.  C’est aussi, sans doute, moins de rentrées fiscales, et, à terme, le pressurage impitoyable des consommateurs de produits issus du nouvel ensemble. Observons d’ailleurs, qu’en l’état, le projet de Veolia postule la cession de la partie « eau » de Suez à un fonds d’investissement totalement dénué d’expérience dans le secteur, ce qui augure mal du maintien de la qualité d’un service pourtant essentiel à nos concitoyens.

Mais, surtout, à l’heure où l’on commence à comprendre en Europe et en France que le capitalisme mondialisé n’est pas un parc à herbivores mais bien le terrain de chasse de prédateurs, au service des seuls actionnaires motivés uniquement par l’appât du gain, concentrer autant d’actifs dans une seule entité c’est prendre le risque d’offrir tout un pan de notre économie en pâture à une acquisition future par un acteur étranger, le plus probablement américain. La capitalisation boursière américaine représente en effet 55% de la capitalisation boursière mondiale. Ce qui signifie que, au jeu des rachats de sociétés par échanges d’actions, les entreprises américaines détiennent la majorité des billets de monopoly en circulation dans le jeu planétaire et peuvent de facto se permettre de racheter n’importe quelle société étrangère qui leur semble attrayante. 

Evoquer le risque du rachat futur de l’entité fusionnée Véolia-Suez par un acteur étranger n’est pas qu’un fantasme. C’est bien à ce type d’opération que l’on a assisté au cours des trois dernières décennies, selon un schéma bien rodé : dans un premier temps, les dirigeants d’une grande entreprise publique (le plus souvent un monopole naturel avec effet de réseau, qui servait les citoyens à prix coûtant et avec le souci du service public) subitement convertis au « tout marché » poussent leur ministère de tutelle à privatiser la société qu’ils dirigent. Puis vient l’introduction en bourse, qui rend ces dirigeants, anciens hauts fonctionnaires, riches en stock options et avec un salaire multiplié par dix. Pendant quelques années ils utilisent le capital boursier de leur société pour racheter quelques entreprises étrangères plus petites, avant finalement de se vendre à une multinationale concurrente. La bourse de Paris, devenue Euronext et qui s’était ensuite payée de luxe de payer son propre rachat par le NYSE, en est un cas d’école.

En définitive, l’annonce de Veolia, si elle devait être suivie d’effets, est une bien mauvaise nouvelle. Cette proposition de rachat, désormais hostile compte tenu du refus de Suez, dressera les exécutifs des deux sociétés l’un contre l’autre et amènera ainsi gaspiller une énergie managériale qui aurait dû être employée à relever les immenses défis économiques du moment. Notre pays a intérêt au contraire à conserver deux concurrents de haut niveau que sont Suez et Véolia, plutôt que de céder aux sirènes d’un rapprochement qui, nous le savons, détruit toujours de la valeur.

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