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banque centrale européenne drapeaux europe
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©DANIEL ROLAND / AFP

Dommages collatéraux

L'impact économique et financier de la crise sanitaire du coronavirus perdure en cette période de rentrée. De nombreuses incertitudes demeurent sur la question de l'inflation.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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La crise sanitaire continue de dominer la vie publique, l’économie et les marchés financiers. Dans quel monde vivrons-nous demain ? Cette éternelle question est, à nouveau, au cœur des préoccupations des hommes politiques, mais aussi notamment des économistes et des investisseurs. Que se passera-t-il, une fois la situation normalisée ? Si de nombreuses études évaluant l’impact de Covid-19 sur les dépenses de consommation, le marché du travail… existent, peu portent sur l’inflation. Dans un proche avenir, va-t-on vers une inflation ou risquons-nous plutôt d’entrer en déflation ? 

La théorie économique distingue deux types d’inflation : l’inflation par les coûts, qui peut accompagner une démondialisation et un renforcement du protectionnisme, et l’inflation par la demande, dans le cadre de laquelle une forte hausse de la demande conduit à une inflation des prix. Avec la pandémie, l’inflation a chuté, ces derniers mois, de façon spectaculaire. En février 2020, la variation, en glissement annuel, de l’inflation s’élevait, en France, à environ 1,5%. En Juillet, elle se situait à 0,8%. 

La distanciation sociale a fortement réduit la consommation dans les secteurs les plus sensibles aux « mesures Covid-19 » (restauration, hôtellerie, activités culturelles, commerces de détail…). Mais la pandémie a également perturbé les chaînes d’approvisionnement. De nombreux employés n’ont pu se rendre, en toute sécurité, sur leur lieu de travail, réduisant, dans certains domaines, la production en dessous de la pleine capacité. Quelques secteurs moins sensibles à ces mesures (e-commerce…) semblent, en revanche, avoir été positivement affectés par l’épidémie. La baisse de l’inflation semble être, au final, due davantage à une diminution de la demande de biens et de services, qui a plus que compensé la pression inflationniste due à des contraintes d'approvisionnement dans certains secteurs.

À l’avenir, il conviendra néanmoins d’avoir une analyse différenciée de l’inflation même si quels que soient les scenarii de sortie de crise, il est probable que le régime actuel d’inflation faible persiste. Une étude de la Banque centrale européenne (BCE) de 2016, menée à partir de données collectées auprès du Centre de recherche sur les désastres épidémiologiques de l’Université catholique de Louvain, montre que la plupart des grandes catastrophes ayant entraîné des pertes substantielles de richesse (tremblements de terre, ouragans, inondations, sécheresse, feux, infestations par des insectes…) ont eu un impact limité sur le taux d’inflation des pays industrialisés.

Aujourd’hui, les banquiers centraux financent les dépenses de crise des États, qui jouent le rôle d’assureurs de revenus. L’impact sur l’inflation en sortie de crise dépendra de plusieurs paramètres et notamment du rôle joué par ces institutions. 

Soit elles continuent à jouer le rôle d’assureurs en dernier ressort et, dans ce cas, les titres publics qu’elles auront achetés sur les marchés, et certaines dettes d’entreprises, pourraient être convertis en rentes perpétuelles à faible rendement. On éviterait aux économies de revivre les effets pervers d’une demande faible maintenant l’inflation à des niveaux bas du fait de comportements de désendettement au moment même où la production devrait être soutenue par un minimum de demande. Un exemple est celui du gouvernement japonais dont l’essentiel de la dette sur le marché est racheté, depuis plusieurs années, par la Banque centrale du Japon, celle-ci étant conservée pour l’éternité dans son bilan sans que cette stratégie n’ait conduit à une réapparition de l’inflation.

Soit elles jouent le rôle de prêteurs en dernier ressort et les dettes rachetées seraient alors comptabilisées comme de la dette amortissable, impliquant donc le remboursement du capital et des intérêts par les États, qui se retrouveraient avec une dette colossale à rembourser, gonflée par les dépenses de crise. Cette dérive de l’endettement serait considérée comme une tendance alarmante qui pourrait nous conduire à répéter nos erreurs passées : retour à des politiques budgétaires restrictives, hausses d’impôts susceptibles de conduire à des comportements d’épargne…

Le premier scénario serait le plus avantageux : reprise de la demande, retour d’une inflation modérée et baisse de la valeur réelle des dettes. Le second conduirait à un contrecoup à la crise actuelle, où les économies s'enfonceraient un peu plus dans un régime de stagnation séculaire c’est-à-dire une période prolongée de faible ou de non-croissance économique, avec inflation faible.

C’est l’évolution de l’économie qui, in fine, décidera de l’évolution du taux d’inflation. Mais dans l’absolu, avec un indice des prix trop bas, personne n’y gagne : les prix des produits vendus sont les marges des entreprises et les salaires des employés. Une spirale vers le bas n’est jamais un bon signal. Rappelons que les autorités monétaires estiment que le « bon » niveau d’inflation est de 2% pour maintenir les grands équilibres économiques. Nous en sommes aujourd’hui très loin. 

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