Dérèglement climatique : une nouvelle étude écarte le scénario du pire. Mais aussi le meilleur…<!-- --> | Atlantico.fr
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air pollution industrie émissions rapport nouvelle étude prévisions
air pollution industrie émissions rapport nouvelle étude prévisions
©GERARD JULIEN / AFP

Politiques énergétiques

Une nouvelle étude scientifique, publiée par Reviews of Geophysics, réévalue les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Que nous apporte cette étude ? Aura-t-elle un effet sur les politiques de l'énergie à l'échelle mondiale ?

Henri Prévot

Henri Prévot

Henri Prévot est ingénieur général des Mines. Spécialiste des questions de sécurité économique et de politique de l'énergie, il tient un site Internet consacré à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Il est l'auteur du livre "Avec le nucléaire" paru chez Seuil.

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Atlantico.fr : Une nouvelle étude scientifique publiée par Reviews of geophysics réduit l’incertitude sur les conséquences des émissions de CO2. Nous apporte-t-elle de bonnes nouvelles ?

Henri Prévot : Les phénomènes en jeu sont tellement complexes que les modèles de simulation ne peuvent pas en rendre compte parfaitement. Il était admis qu’un doublement de la quantité de CO2 dans l’atmosphère aurait pour conséquence une élévation de température comprise entre 1,5 et 4,5 °C. Selon cette étude, cette fourchette d’incertitude est considérablement réduite : elle est de 2,6 à 3,9°C.

Les scientifiques ne nous diront jamais que les résultats de leurs travaux sont absolument certains. Le doute fait partie de leur éthique. Mais, ici, les progrès de la science confirment les résultats antérieurs en les affinant, ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle. 

Cette nouvelle étude aura-t-elle un effet sur les politiques de l’énergie à l’échelle mondiale ?

Au début de la période industrielle, il y a deux cents ans, la teneur en CO2 dans l’atmosphère était de 280 ppm (parties par million). Elle est aujourd’hui de 400 ppm. Nous pouvions espérer qu’avec de la chance, une division par deux d’ici 2050 des émissions mondiales de CO2 permettrait de ne pas dépasser une hausse de température de 1,5 °C. En réduisant l’incertitude, cette étude interdit de se bercer d’illusions. Elle pose de façon encore plus aiguë cette question à laquelle l’humanité n’a pas encore répondu : comment diminuer massivement la consommation mondiale de pétrole, de gaz et de charbon avant l’année 2050 ? 

Plus précisément, comment concilier le fait que le CO2 ignore les frontières et le fait que les décisions à prendre relèvent des Etats nationaux ? C’est la question à laquelle l’accord de Paris voulait répondre :  chaque Etat prépare un plan de réduction de ses émissions ; puis la somme des émissions nationales est comparée à l’objectif mondial ; puis les Etats, en comparant ce que chacun fait de mieux, s’engagent à diminuer davantage leurs émissions pour que le total respecte l’objectif. La dernière Conférence des parties, à Madrid, a montré que ce processus est en panne. 

Il faut donc trouver autre chose. Pour la France, qu’est-ce que cela veut dire ?

On a un peu l’impression que la France pousse la logique de l’accord de Paris jusqu’à l’absurde. Je m’explique. Cet accord demande à chaque pays de faire des efforts et espère que cela génèrera une dynamique vertueuse. Eh bien ! Nous Français, nous décidons de ne plus émettre du tout de CO2 en 2050 – c’est la « neutralité carbone ».

Nos émissions de CO2, rapportées à la population, sont parmi les plus faibles de celles des pays industrialisés, grâce au nucléaire, et nous pouvons les diviser par trois ou quatre sans que cela coûte trop cher. Mais cet objectif de « neutralité carbone » aurait pour effet de nous faire dépenser jusqu’à 500 ou 700 € par tonne de CO2 évitée alors que la même somme, utilisée par exemple pour cofinancer en Afrique des panneaux photovoltaïques et des batteries, permettrait d’éviter trois fois ou quatre fois plus d’émissions. De plus, une coopération avec l’Afrique aiderait au développement, « nouveau nom de la paix » comme disait le pape Paul VI à l’ONU, et seul moyen honorable de contenir la pression migratoire que le changement climatique ne manquera pas d’exacerber. 

Entre une politique purement nationale qui, vue à l’échelle mondiale, est très peu efficace, et une coordination mondiale jusqu’ici impossible, il nous faut donc inventer des politiques associant plusieurs nations différentes. Par exemple faire une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « consolidée » entre la France et quelques pays du Sahel. 

Une PPE franco-sahélienne ? Comment voyez-vous cela ?

Dans le cadre de cette politique intergouvernementale, la France diviserait ses émissions par trois ou quatre et apporterait en Afrique un financement qui serait alors employé efficacement et pourrait ouvrir de nouveaux débouchés à notre industrie ; de plus, elle mettrait à disposition ses compétences en matière de production nucléaire. Comme le dit l’Agence internationale de l’énergie, éolien photovoltaïque, hydraulique et biomasse ne suffiront pas. Le monde a besoin du nucléaire. La décision d’arrêter des réacteurs nucléaires en bon état comme à Fessenheim est à cet égard révoltante. Au contraire notre responsabilité face au monde est d’exploiter au mieux ce moyen de produire de l’électricité sans émissions de CO2 et de proposer aux pays qui ne maîtrisent pas la technique nucléaire des réacteurs qui répondent à leurs besoins. 

Voilà comment la France, avec une politique nationale ouverte sur le monde, pourrait réagir aux conclusions de cette nouvelle étude scientifique qui confirme l’urgence de la lutte contre les émissions de gaz carbonique.

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