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La République En Mutation : de juppéo-bayrouiste, le gouvernement devient crypto-sarkozyste
©Thomas COEX / AFP

Changement de parrain

Anita Hausser revient sur la nomination des ministres du gouvernement de Jean Castex et décrypte les enjeux politiques derrière ces nouveaux choix.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Alors que le Modem semblait en position de force au lendemain de l'échec de LREM aux municipales, et après la perte de la majorité absolue par le parti présidentiel à l'Assemblée Nationale, le parti de François Bayrou n'a rien gagné dans la recomposition de l'équipe gouvernementale. Les ministres proches du maire de Pau, dont l'appui fut déterminant dans la victoire d'Emmanuel Macron,  restent certes tous en place : Jacqueline Gourault  conserve son portefeuille de la Cohésion des Territoires et des Collectivités territoriales, Geneviève Darrieusecq, passe du rang de secrétaire d'Etat à celui de Ministre déléguée auprès de la Ministre des Armées ; mais dans  l'échafaudage subtil de l'architecture gouvernementale, le Ministre chargé des Relations avec le Parlement Marc Fesneau dont on a pu apprécier le savoir faire politique sous le gouvernement d'Edouard Philippe et qui était donné favori pour l'Agriculture, il voit son portefeuille élargi à la Participation Citoyenne, mais devient Ministre délégué auprès du premier Ministre. Et aucun nouveau membre du MODEM ne fait son entrée dans l'équipe gouvernementale. Les choses bougeront peut-être au moment de la nomination des Secrétaires d' Etat, mais ceux-ci auront forcément un rôle mineur. En attendant l'architecture gouvernementale ne bouge pas : en filigrane  sa  coloration de droite s'accentue même , avec une connotation sarkozyste cette fois ,avec le retour de Roselyne Bachelot et la promotion de Gérald Darmanin au Ministère de l'Intérieur, deux poids lourds en politique. Et ce ne sont pas les nominations  des  deux présidentes  de commission, ex-élues de gauche,  Brigitte Bourguignon (- nommée Ministre déléguée auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l'Autonomie),  et Barbara Pompili, qui devient Numéro deux du gouvernement en s'emparant de la Transition Ecologique, (-elle a été  secrétaire d'Etat à la Biodiversité auprès de Ségolène Royal à la fin du quinquennat Hollande ), qui vont  contrebalancer le départ de deux ex-figures du PS, Christophe Castaner et Didier Guillaume. 

Même si ce n'est probablement pas l'ancien président qui a suggéré le nom de Roselyne Bachelot, mais le Premier Ministre lui-même,  pour remplacer Frank Riester au Ministère de la Culture,(- un secteur  meurtri par la crise du Covid), tout le monde se souvient qu'elle a été membre des trois gouvernements Fillon pendant le quinquennat Sarkozy . Roselyne Bachelot avait récemment fait son retour sur la scène publique en venant témoigner devant la Commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise du Coronavirus . Ce moment a marqué une forme de réhabilitation pour celle qui avait été vivement critiquée pour avoir acheté trop de vaccins et de masques au moment de l'épidémie de la grippe A (H1N1) , alors que la France a connu une grave pénurie de masques pendant la crise sanitaire  du début  de cette année. En bonne politique qu'elle est restée, Roselyne Bachelot s'était montrée élégante en se gardant de critiquer directement  le gouvernement d'Edouard Philippe et avait même fait preuve de compréhension à son égard ; mais elle n'avait pas manqué de donner des leçons en creux à l'ancienne Ministre de la Santé, lui reprochant implicitement de s'être trop appuyée sur son administration et de ne pas " être au courant de tout"...ce qui relevait de son domaine ministériel.

C'est également son savoir-faire pendant la crise du Coronavirus , avec les  plans de soutien à l'économie, le chômage partiel, et la décision de commencer le déconfinement le 11 mai (- contre l'avis d'Edouard Philippe), qui a valu à Bruno Le Maire d'être confirmé au Ministère de l'Economie et des Finances à  Bercy avec des compétences accrues puisqu'il  se voit également chargé de la Relance . Même si ses relations avec Nicolas Sarkozy étaient plutôt fraiches après 2012 ( - il  avait brigué  la présidence de l'UMP et s'était présenté aux primaires de 2016, Bruno Le Maire a été Ministre pendant presque tout le mandat de  Nicolas Sarkozy avec qui les relations se sont normalisées.

Mais c'est la promotion de Gérald Darmanin promu au  Ministère de l'Intérieur, qui fait le plus écho à l'ancien chef de l'Etat. A 38 ans le maire de Tourcoing , (- réélu au premier tour le 15 mars dernier), suit la même trajectoire  que  l'ancien président: après le  Ministère du Budget, il accède à celui de  l'Intérieur, qu'il convoitait depuis le départ de Gérard Collomb, il a deux ans. Coordonnateur de la campagne de Nicolas Sarkozy pour les primaires de la droite, il est resté proche de  l'Ex alors qu'il a totalement rompu avec son ancienne famille politique au plan national . Gérald Darmanin ne cachait pas son souhait de quitter le Ministère du Budget (-aujourd'hui appelé Ministère des Comptes Publics), et laissait entendre qu'il serait prêt à rentrer dans le Nord s'il n'obtenait pas satisfaction. Il avait déclaré " vouloir peser davantage" dans une interview au JDD en mai dernier. A l'instar de Jean Castex, lui  aussi se réclame de la fibre sociale, version participation pour gagner plus. Mais le Ministre ne manque pas d'ajouter qu'il faudra "travailler plus". Pour l'heure il devra surtout retrouver la confiance des policiers, éreintés par deux ans de mouvements sociaux violents (- des Gilets Jaunes aux manifestations contre la réforme des Retraites ), qui n'acceptent pas la remise en question de  leurs méthodes d'arrestation d'individus violents. En apprenant sa nomination le nouveau patron de la Place Beauvau a twitté : "Grand honneur, pour le petit-fils d'immigré que je suis, d'être nommé Ministre de l'Intérieur de notre beau pays". Gérald Darmanin est en effet petit fils d'un tirailleur algérien . L'autre personnalité gouvernementale à laquelle on prête une filiation sarkozyste, est  la star du barreau Eric Dupont-Moretti. Le nouveau garde des Sceaux avait porté plainte contre X lorsqu'il  découvert que ses factures téléphoniques détaillées ("fadettes"), comme celles de plusieurs autres avocats, avaient été épluchées à la demande du Parquet National Financier pour tenter d'identifier la "taupe" qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy qu'il était sur écoute. Comme on le constate , les connexions sarkozystes au gouvernement dirigé par un ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, sont diverses. Elles embarrassent forcément sa famille politique qui veut encore voir dans ce gouvernement, à la fois  beaucoup de ministres venant de la gauche  et une "majorité plus à gauche que Jean Castex". Elles réjouissent l'ancien président qui ne manque pas de faire savoir qu'Emmanuel Macron le consulte régulièrement et qui savoure son rôle de " Sage", à la retraite, mais sait-on jamais.

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