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L'éolien peut-il être une alternative verte crédible au nucléaire ?
©GEORGES GOBET / AFP

Parc éolien

L'éolien peut-il être une alternative "verte" crédible au nucléaire ? Avons-nous aujourd'hui la technologie suffisante pour aller vers une transition énergétique viable ?

Gilles Babinet

Gilles Babinet

Gilles Babinet est entrepreneur, co-président du Conseil national du numérique et conseiller à l’Institut Montaigne sur les questions numériques. Son dernier ouvrage est « Refonder les politiques publiques avec le numérique » . 



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Atlantico.fr : Quelle vision portez-vous sur la décision de la Commission Européenne de soutenir la construction du plus grand parc éolien de France ?

Gilles Babinet : Cela s’inscrit dans un renforcement d’une stratégie déjà ancienne, dans le cadre du Green Deal de la présidente Von Der Leyen. Il existe d’importantes forces politiques et économiques qui militent à Bruxelles pour que cette énergie soit au coeur des plans de relance post-Covid.

Sous la pression de ces lobbies (je ne trouve pas d’autre mot), le nucléaire est stigmatisé alors même que les verts allemands ne peuvent que constater qu’après avoir dépensé des centaines de milliards d’euros, il n’y a pour ainsi dire aucune décrue dans les émissions de CO2 de l’industrie de production électrique en Allemagne. Ils ne sont pas loin d’être dix fois plus émetteur de CO2 que nous.

L'éolien peut-il être une alternative "verte" crédible au nucléaire ?

Si dans certains cas l’énergie éolienne peut être intéressante pour décarboner la production électrique, par exemple au Royaume-Uni où l’énergie était essentiellement carbonée, et où les côtes en mer du nord sont particulièrement ventées, cela reste un cas exceptionnel. Il est par ailleurs important de souligner que les Britanniques, qui sont très attachés à effectuer au plus vite leur transition énergétique, ont compris qu’il vont devoir construire entre cinq et sept tranches nucléaires pour compléter leur dispositif de production électrique. Dans le cas français, c’est exactement l’inverse. A ce jour, la France bénéficie de l’énergie électrique la moins carbonée au monde grâce au nucléaire, et cela avec une absence d’accidents significatifs remarquable. L’énergie nucléaire française est tout à la fois économique (les centrales sont largement amorties et leurs coûts opérationnels sont peu élevés), sûres, aucun accident significatif et des contraintes de sécurité considérablement renforcées depuis Fukushima, sous la supervision d’une autorité de contrôle totalement indépendante, résiliente. Nous avons des dizaines d’années de combustible en stock.  Le coût d'approvisionnement est également marginal et très vertueux pour l’environnement : cela ne produit pour ainsi dire aucun gaz à effet de serre. Lorsque l’on fait un calcul du béton nécessaire par mégawatt-heure produit, le nucléaire est incomparablement plus économe qu’une éolienne. Enfin, c’est une énergie pilotable, c’est à dire que l’on peut définir le niveau de production nécessaire, à la différence des ENR dont la production est totalement aléatoire, par nature. Ce dernier point est le plus problématique. Ne pas pouvoir synchroniser l’offre et la demande crée d’immenses défis pour le réseau, et oblige à surdimensionner les capacités de production et de transport de façon massive.

C’est pourquoi l’éolien est au mieux un substitut partiel, crédible par rapport aux énergies thermiques. Dans les pays en développement par exemple où l’énergie était essentiellement produite par des moyens thermiques, l’éolien et parfois le solaire peuvent être vertueux. Dans un pays comme la France, mettre plus d’éolien revient mécaniquement à émettre plus de CO2. Car contrairement à ce que racontent les lobby pro-ENR, lorsqu’il n’y a pas de vent et pas de soleil, il faut mettre en marche des moyens thermiques pour compenser cette absence de production. On objecte généralement que l’on saura bientôt stocker l’énergie produite durant les heures creuses. C’est tout simplement faux : le stockage par hydrogène est à des décennies d’être suffisamment performant pour être utilisé en masse, les batteries électrochimiques sont totalement hors de prix pour du stockage au-delà de quelques minutes et les barrages hydrauliques ne représentent au mieux que 4% des capacités de production de l’énergie électrique, il faudrait au moins dix fois cette capacité hydroélectrique pour compléter les ENR (énergies renouvelables, ndlr) sans avoir à recourir aux moyens thermiques. Or, la géographie française fait que les opportunités de construire de nouveaux barrages sont pour ainsi dire inexistantes.

Il faut avoir à l’esprit que lorsque les conditions climatiques sont mauvaises et apportent un temps froid, qu’il n’y a pas de vent et pas de soleil pendant plusieurs jours, voir semaines, si l’on n’a pas pu stocker l’énergie suffisante sur cette durée, il n’y a pas d’autres recours que des moyens de production thermique. C’est aussi simple que cela. Donc de façon théorique, si la France en hiver se retrouvait sans vent, sans soleil et sans nucléaire, elle passerait pour ainsi dire à 96% en production thermique, les 4% restant étant sa capacité hydro-électrique.

C’est pourquoi il faut arrêter de diffuser l’idée que les ENR sont une solution. Elles sont surtout poussées par des lobbies au bénéfice de quelques acteurs privés qui s’enrichissent sur des énergies largement subventionnées. Les ENR sont, il faut avoir le courage de le dire, une catastrophe pour l’environnement, tout au moins en France : elles imposent un socle en béton de plusieurs milliers de tonnes de ciment par éolienne, socle qui restera sur place après démantèlement, elles nécessitent des terres rares qui viennent de pays en guerre, où l’on se bat pour ces ressources, elles défigurent le paysage, elles ne sont que marginalement recyclables en fin de vie et plusieurs études pointent du doigt le fait que leur fonctionnement auraient une incidence sur la faune et sur le bétail. Sans compter le fait qu’elles ne réduisent pas les émissions de CO2, l’exemple allemand en témoigne.

La crise du coronavirus a accentué la volonté de la population française d'aller plus rapidement vers une transition énergétique viable. Avons-nous aujourd'hui la technologie suffisante pour aller vers cette transition ?

Nous avons en tout cas des outils pour significativement améliorer la situation. Je milite pour ma part pour créer un dividende carbone, tel que présenté par l’économiste Eric Chaney et l’Institut Montaigne, cela serait probablement la mesure la plus rapidement efficace. Contrairement à la taxe carbone, l’intégralité des prélèvements seraient reversés aux ménages. Ainsi les plus vertueux en émissions carbone y gagneraient, tandis que les plus gros consommateurs de transports et de produits ou services carbonés y perdraient. Cela procurerait aussi un avantage compétitif si cela était institué à l’échelle de l’Europe car par Euro de richesse produite, nous sommes trois fois moins consommateur d’énergie carbonée que la Chine et deux fois moins que les USA. Or, l’idée de ce dividende est aussi d’introduire une taxation carbone aux importations vers l’espace européen.

Il faut de surcroît comprendre que si cette initiative était mise en place à l’échelle de l’Europe, elle aurait un effet d'entraînement extraordinaire et serait probablement plus efficace que d'autres mesures.

L’autre grand sujet c’est la rénovation énergétique. Sur ce volet je me réjouis de voir que le gouvernement semble vouloir accélérer et, après les logements sociaux et les bâtiments publics, trouver des dispositifs pour s’attaquer sérieusement au parc privé.

Il reste encore des trous dans la raquette : l’agriculture pourrait être capteur net de carbone mais cela nécessite une forte évolution des processus productifs. Le bâtiment devrait construire avec plus de bois qui est un puit à carbone (beaucoup de pays européens commencent à le faire). Les transports ferroviaires devraient être plus efficaces, pour ne citer que quelques mesures d’importance. Tout cela est trop long à mettre en place, mais l’exigence des jeunes générations reste un point d’optimisme.

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