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Le Covid fait sauter les totems : Warren Buffett n’investit plus et l’Allemagne plonge dans les scandales financiers
©Steve Pope / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Atlantico Business

Tout fout le camp ! Quand Warren Buffett s’endort sur son cash, il plonge les gérants de fortune dans l’angoisse et quand l’Allemagne découvre que certains chefs d’entreprises ne sont pas des modèles de vertu, on commence à douter de la crédibilité du modèle rhénan...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Warren Buffett hors-jeu et l’Allemagne qui triche en bourse... La semaine a été fertile en émotions pour le monde financier. D’abord, ils ont découvert que l’épidémie pouvait revenir au galop en Europe et amplifier son périple désastreux en Amérique du sud mais surtout les chefs d’entreprises, qui ont réclamé à juste titre un déconfinement pour ne pas mourir asphyxiés, s’aperçoivent que les populations sont incapables de ménager un déconfinement prudent et raisonnable. A Berlin, Paris, Marseille, Amsterdam, tous les jeunes ados et beaucoup de millenials font la fête, collés-serrés et sans masques. Du coup, le virus se remet à circuler.

Curieuse opinion publique qui, au mois de mars, criait au scandale parce qu’il n’y avait pas de masques (du moins en France), et les jette ou les oublie aujourd’hui alors qu’il y en a partout.

Cette situation crée un climat fait de pessimisme et d’inquiétude sur fond d’indifférence.

Mais, ce qui a le plus occupé les salles de trading cette semaine, c’est d’apprendre que Warren Buffett, le gourou indiscutable et indiscuté depuis un demi-siècle, n’avait pas investi un centime depuis 4 mois. Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Son silence alimente toutes les spéculations.

Mais il y a eu aussi ce scandale financier, Wirecard. La disparition de près de 2 milliards d’euros au bilan du champion allemand du paiement en ligne Wirecard, l’arrestation de son PDG et le coup de colère du commissaire aux comptes, à qui on a tenté de faire avaler la pilule, a bouleversé tout ce que l’Allemagne compte de vertus financières. C’est son image de modèle en Europe qui est atteinte.

Warren Buffett, lui, gère un conglomérat, Berkshire Hathaway, qui en fait un des 3 Américains les plus riches du monde et de fait, l’un des plus puissants. Mais alors que Jeff Bezos (Amazon) ou Bill Gates (Microsoft) ont fait leur fortune à partir un produit et d’un concept, Warren Buffett a géré son portefeuille en financier qu‘il est. Il a pris des participations dans des entreprises. Il a toujours dit dans quelles entreprises il était entré (Coca-cola, les pétroliers ... et Microsoft ou Apple. Sans parler des assurances et de l’immobilier) avec un critère simple : « je veux pouvoir regarder et tester le produit » mais une méthode plein de bon sens. « On n’achète pas cher, on garde les titres très longtemps et si les taux d’intérêt le permettent, on emprunte pour acheter et faire du levier ».

Au tout début de la crise financière, alors qu’on ne savait pas qu’on allait entrer dans un tunnel glauque, Warren Buffett avait annoncé qu‘il avait beaucoup de cash. 140 milliards de dollars. Et il l’expliquait très clairement. Les cours avaient tellement monté depuis 5 ans aux Etats-Unis, les valeurs lui paraissaient surcotées, donc il s’est allégé, doucement mais surement. Il n’était d’ailleurs pas sans critiquer la banque centrale qui, selon lui, alimentait cette spéculation par un afflux de liquidités. Il a donc vendu pour sécuriser son pactole auquel il a ajouté quelques dettes à taux zéro (pourquoi s’en priver). Et il annonce tout de go qu’il va se mettre en chasse de sociétés sous cotées et déclassées.

La crise du Covid-19 a effondré les marchés financiers au point de perdre en moyenne plus de 50% de leur valeur. Pour tous les fans du gourou, il était évident que le moment était venu d’acheter des titres complètement déclassés.

Eh bien, le résultat est tombé. Warren Buffett n’a rien acheté jusqu'à la semaine dernière. Il a donc raté la reprise.  En gros, il ne croyait pas à un redressement général.

Plus perturbant, il avait acheté au début de l'année des compagnies aériennes, des compagnies pétrolières, puis en avril, il a décidé de tout vendre alors que ces secteurs sont au plus bas de leurs activités. Incompréhensible de vendre dans ces conditions.

Comme Berkshire Hathaway est assez peu investi dans les valeurs de la haute technologie, il n’a pas profité de l’escalade de toute l’économie digitale.

Pour beaucoup, Warren Buffett, à 89 ans, a sans doute perdu la main et cet instinct magique qui lui permettait de savoir où et quand acheter. Les analystes n’ont pas de modèle informatique pour expliquer l’effet de l’âge, mais ils le constatent. Warren Buffett n’a pourtant  pas perdu la clarté de son œil, mais il a perdu un de ses plus fidèles amis et actionnaires, Bill Ackman, gérant de hedge fund, qui a préféré reprendre ses propres billes (plus d’un milliard de dollars) et jouer désormais tout seul.

L’affaire allemande n’a pas fait en Europe plus de bruit que l’affaire Warren Buffett aux USA, mais les Allemands, eux, ne s’en sont pas remis. L’Europe est tellement convaincue que le modèle allemand est d’une vertu inoxydable qu‘on ne peut pas croire possible une telle escroquerie.

Et pourtant, la société de paiement en ligne Wirecard, une super licorne dont les Allemands étaient si fiers, a dû la semaine dernière déposé son bilan. L’entreprise qui était cotée au DAX, a fait l’objet d’une enquête judiciaire portant sur un soupçon de fraude de plus de 1,9 milliards d’euros. Du jamais vu au tribunal de Munich qui a accepté le dépôt de bilan, compte tenu du risque d’insolvabilité et de surendettement. Le président Markus Braun a été arrêté et puis libéré contre une caution de 5 millions. Parce qu’on lui reproche d’avoir artificiellement gonflé son bilan. Le problème, c’est qu’il manque près de 2 milliards et ce qui a permis de découvrir ce « disfonctionnement comptable », c’est le commissaire aux comptes qui, jeudi dernier, a refusé de certifier les comptes de l‘exercice.

Le commissaire aux comptes n’est rien d’autre que le cabinet international EY, ex Ernst and Young. L’un des Big Four.

Ce qui fait désordre, c’est que l’enquête qui a été ouverte pour essayer de découvrir où sont passés les 2 milliards, révèle un nœud de complications et de malversations entre l'Allemagne et les Philippines, là où se serait refugié un des dirigeants.

Cette affaire pollue évidemment l’image de l’économie allemande dont le crédit est imputable à sa place de champion du monde du sérieux fondé sur le respect des règles et l'orthodoxie des comportements dans la vie des affaires. Quelque part, pour les Allemands c’est plus grave que la fraude sur les filtres à Diesel chez Volkswagen qui relève d’une histoire de normes non acceptées par les constructeurs.  Là c’est différent.

Comme on dit dans les cours d’HEC, « Plus honnête et plus rigoureux qu‘un Allemand tu meurs ». Cette affaire est d’autant plus grave que cette entreprise dont le président a été pris la main dans le sac a bâti son succès en produisant de la confiance dans le e-commerce. Wirecard garantit la sécurité des paiements dans les agences de voyages ou la pharmacie en passant par les compagnies aériennes ou les hôtels. Bref, chez tous les grands acteurs du e-commerce.

Plus grave encore, il semblerait que le superviseur de la bourse à Francfort, l’équivalent du gendarme AMF à Paris ou de la SEC à New-York n’ait rien vu de suspect. Ça arrive partout, mais normalement jamais en Allemagne.

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