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Ces nouvelles tiques qui nous menacent
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Nouvelles maladies

Dans le sud de la France, une espèce de tique reconnaissable par ses pattes rayées touche des troupeaux de chevaux et des élevages bovins. Sa piqûre peut transmettre des virus et des bactéries pathogènes pour l'homme.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Où sont les zones concernées par l'apparition de ces nouveaux types de tiques ?

Il est utile de commencer par situer les tiques habituelles en France

Stéphane Gayet : Contrairement aux poux, puces et punaises (de lit), les tiques ne sont pas des insectes (trois paires de pattes, abdomen segmenté), mais des acariens (quatre paires de pattes, abdomen non segmenté). Elles sont proches des araignées et des scorpions.

Les tiques sont des parasites hématophages (qui se nourrissent de sang). Ce sont des ectoparasites (elles s’accrochent à la surface de la peau et ne pénètrent pas dans le corps). Ce sont des parasites exclusifs : elles n’ont pas d’autre façon de se nourrir que de consommer du sang ; de telle sorte que, non seulement les adultes (octopodes : quatre paires de pattes) sont hématophages, mais aussi les nymphes et même les larves (hexapodes : six paires de pattes).

Les tiques, une fois parvenues sur la peau de leur future victime, se déplacent à sa surface pour trouver une zone favorable, puis s’y installent et commencent à creuser. Ce creusement s’effectue grâce à cinq pièces buccales : un hypostome denticulé, la pièce centrale (il agit comme un harpon que la tique enfonce pour s’accrocher à la peau) ; deux chélicères de part et d’autre de l’hypostome (elles servent à découper la peau) ; deux pédipalpes autour des chélicères (elles servent à explorer la peau). Leur première paire de pattes porte un organe sensoriel ou organe de Haller qui leur permet de repérer leur proie grâce à la présence de gaz carbonique (CO2) ; ces premières pattes sont comparables à des antennes.

Il existe deux familles bien différentes de tiques. Ce sont les Ixodidées qui interviennent en pathologie humaine. La face dorsale (supérieure) de leur corps porte un écusson dur, d’où leur nom de tiques dures. Cette famille comporte de l’ordre de 800 espèces de distribution mondiale. La tique la plus fréquente en France est «Ixodes ricinus », ou tique dure des ruminants ; elle est exophile (elle vit à l’air libre et attend ses proies en haut d’une herbe) ; on la trouve dans les forêts, les sous-bois et les prairies des zones tempérées (elle craint la forte chaleur). Cette tique doit trouver trois hôtes successifs pour assurer son développement complet (au stade larvaire, au stade nymphal et au stade adulte : reproduction).

Les tiques ont une importance considérable en pathologie humaine et vétérinaire. D’une part, la femelle se préparant à pondre élabore une salive neurotoxique voire paralysante. D’autre part et surtout, les tiques sont des réservoirs (intestin et glandes salivaires) de nombreux microorganismes pathogènes : virus, bactéries (borrelia, rickettsies, bartonella, ehrlichia) et parasites (babesia, filaires). Ce sont les vecteurs de maladie les plus importants au monde actuellement, avec les moustiques.

En France, la tique dure des ruminants peut transmettre l’encéphalite à tique (virus), la borréliose de Lyme (bactérie) et la babésiose (parasite unicellulaire ou protozoaire), ainsi que bien d’autres maladies infectieuses. Sa piqûre est lente et indolore. On peut observer un petit érythème précoce autour du point de piqûre, qui est différent de l’érythème migrant qui apparaît après plusieurs jours (lié à borrelia).

Les « nouveaux types » de tiques concernent l’Europe de l’Est et le Sud de la France

Nous avons vu que la tique dure des ruminants « Ixodes ricinus » était la tique dure habituelle en France.

En Europe du Nord et de l’Est, ainsi qu’en Asie centrale, se trouve une autre espèce proche, appelée « Ixodes persulcatus », ainsi que, mais beaucoup plus rarement, l’espèce « Ixodes pavlovskyi ».

Ce ne sont pas des tiques très différentes de la tique dure habituelle de France. La nouveauté résiderait dans une hybridation entre l’espèce persulcatus et l’espèce pavlovskyi, qui formerait une sorte de nouvelle espèce.

Une autre espèce de tique dure appelée « Hyalomma marginatum », qui est fréquente aux états-Unis d’Amérique, en Afrique subsaharienne et en Europe de l’Est, se répand dans le Sud de la France.

Elle est improprement appelée « tique géante » en raison de sa grande taille et, comme toujours, pour impressionner les gens. Elle est présente en Corse depuis plusieurs décennies. En France continentale, son installation est apparemment bien plus récente : les premières observations de sa présence datent de 2015, les mentions antérieures ne signalant que des spécimens isolés, possiblement introduits par des oiseaux migrateurs. Une enquête a été réalisée au printemps 2017, afin de déterminer plus précisément la distribution actuelle de l’espèce. Une étude préalablement conduite en Corse ayant montré que les tiques adultes se fixaient préférentiellement sur le cheval. Hyalomma marginatum a été retrouvée dans une zone allant des Pyrénées-Orientales au Var, principalement dans des sites à la végétation et au climat méditerranéens.

Quelles sont les types de nouvelles tiques ? Transmettent-elles toutes le même type de maladies ?

La tique hybride de l’Europe de l’Est est assez proche de la tique habituelle en France. Ce n’est qu’un sous-type d’Ixodes ricinus, connu en Sibérie et en Asie centrale.

Ixodes persulcatus est aussi appelée « tique de la taïga » (la taïga est la forêt de conifères qui borde la toundra en Asie, cette steppe dont le sol est souvent gelé en profondeur et qui est constituée de mousses, de lichens, de bruyères et de quelques herbes). Cette tique est présente en Russie et sur tout le continent asiatique.

Cette tique (espèce persulcatus et espèce hybride) est un vecteur de la borréliose de Lyme (maladie bactérienne), de la piroplasmose (ou babésiose : maladie parasitaire), de l’ehrlichiose (maladie bactérienne, proche de l’anaplasmose) et de l’encéphalite virale à tiques.

L’espèce Ixodes persulactus est plus agressive pour l’homme que l’espèce Ixodes ricinus.

L'espèce de tique Ixodes pavlovskyi fait partie du groupe d'Ixodes ricinus et cette espèce est très proche d'Ixodes persulcatus. L'espèce pavlovskyi est assez rare ; elle a été découverte au milieu du XXe siècle en Extrême-Orient russe.

Il se trouve que cette espèce pavlovskyi peut héberger de nombreux microorganismes pathogènes : Borrelia bavariensis, Borrelia afzelii, Borrelia garinii, Borrelia miyamotoi, Rickettsia helvetica, Rickettsia heilongjiangensis, Rickettsia raoultii, Anaplasma phagocytophilum, Ehrlichia muris, Babesia microti, entre autres…, ainsi que le virus de l'encéphalite à tiques et les virus de Kemerovo.

L'hybridation de ces deux espèces très proches conjugue donc l'agressivité de l'espèce persulcatus et l'éventail des espèces microbiennes hébergées par l'espèce pavlovskyi.

La tique Hyalomma marginatum est l’un des principaux vecteurs du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. C’est une maladie courante, provoquée par un virus (Nairovirus) de la famille des Bunyaviridés, transmis par les tiques. Il provoque des flambées de fièvre hémorragique virale sévère, avec un taux de létalité de 10 à 40 %.

Cette espèce de tique est également connue pour son agressivité, à laquelle il faut ajouter le volume de sang spolié (tique de grande taille) qui peut être important quand les tiques sont en très grand nombre sur une même proie, ce qui n’est pas exceptionnel.

Le risque lié à la prolifération de tiques est-il important en France ?

Actuellement, les tiques sont les principaux vecteurs de maladies du monde avec les moustiques. Elles transmettent un nombre bien plus grand de microorganismes que les moustiques.

Avec le changement climatique et la mondialisation des marchandises et des personnes, l’habitat des tiques s’élargit. Ce sont des parasites très résistants sur le plan physique.

En effet, elles représentent un risque majeur sur le plan de la santé publique. Le nombre de tiques (toutes espèces confondues) augmente régulièrement en France, ainsi que le nombre de morsures de tique. L’incidence (nombre de nouveaux cas annuels) de la borréliose de Lyme augmente également régulièrement (elle est actuellement de l’ordre de 100 cas pour 100 000 habitants par an en moyenne).

Pour retrouver le podcast du Docteur Stéphane Gayet sur les tiques, cliquez ICI 

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