Violences au sein de la police : ces pistes qui pourraient aider à améliorer la déontologie de l’institution<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Violences au sein de la police : ces pistes qui pourraient aider à améliorer la déontologie de l’institution
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Formation

Après la mort de George Floyd aux Etats-Unis, les manifestations contre les "violences policières" se sont multipliées dans le monde et notamment en France suite à l'affaire Adama Traoré. Les violences au sein de la police sont-elles en augmentation en France ? Quels sont les outils qui pourraient permettre d'y mettre un terme ?

Frédéric Scanvic

Frédéric Scanvic

Frédéric Scanvic est avocat associé chez Foley Hoag LLP.

Voir la bio »
Alain Jakubowicz

Alain Jakubowicz

Alain Jakubowicz est avocat. Il a été président de la Licra. Partie civile dans les Procès de Barbie, Touvier et Papon, il a été avocat des familles victimes au procès de la catastrophe du Mont Blanc, et celui de la catastrophe du vol Rio-Paris.

Voir la bio »

Atlantico.fr : Y a-t-il une augmentation des violences policières au sein de notre pays ? Comment les expliquer ?

Alain Jakubowicz : Je pense en premier lieu préférable de parler de « violences au sein de la police » ou « de la part de certains policiers », plutôt que de « violences policières ». Sur ce sujet comme sur tous autres la généralisation est un danger (« Mal nommer les choses… »). Pour le surplus, j'ignore s'il y a plus de violences aujourd'hui qu'hier au sein de la police, mais cela est vraisemblable. La police est le reflet de la société. Il y a du racisme dans la société, il y en a dans la police. La violence augmente partout, elle augmente aussi dans la police. Le problème est que si la violence est acceptable nulle part, elle l’est encore moins au sein de la police, quand elle n'est pas proportionnée et adaptée.

Quelles pistes pouvons-nous explorer afin d'y mettre un terme ?

Alain Jakubowicz : La question centrale est évidemment celle de la formation des policiers, qui font, il faut bien le dire, un travail particulièrement difficile, et qui sont parfois les « soutiers » de la République, même s'il ne faut pas, comme c'est trop souvent le cas, ramener la police nationale à sa fonction de maintien de l'ordre dans les manifestations et dans certains « territoires perdus ». Il est d'ailleurs significatif de noter qu'il n'y a en général pas de problème dans la hiérarchie, au moins la haute hiérarchie, mais beaucoup plus avec la base, au contact des réalités quotidiennes qui ne sont pas toujours les plus belles de notre société. Une seconde piste consiste évidemment dans la fameuse « tolérance zéro » qui vient d'être rappelée par le ministre de l'intérieur, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs depuis 40 ans… avec le résultat qu’on sait… La tolérance zéro ne se décrète pas, elle s'applique, mais comme nous le verrons à la troisième question, il faut pour cela une véritable volonté politique, qui fait défaut, car cette question fait peur à tous les gouvernements. Reste la question des enquêtes consécutives aux dénonciations de violences. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, il n'est pas possible d'être « juge et partie », sauf à contrevenir à l’indépendance qui doit présider à toute enquête. Cela est surtout vrai pour les enquêtes administratives qui doivent être confiées à une autorité indépendante. Je rappelle que l'une des missions du Défenseur des Droits est de « veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ».

Frédéric Scanvic : La recette est simple mais l’exécution délicate. Face aux comportements les plus caractéristiques d’une déviation de l’usage de la force (le policier ne cherche pas à rétablir l’ordre mais à punir, à blesser voire à tuer comme cela semble le cas sur les images dans la mort de Monsieur Floyd) et c’est évidemment dans la sanction immédiate et la plus grave (révocation sans préjudice des sanctions pénales). Mais il y les comportements moins évidents qui parfois relèvent de la peur, d’une mauvaise appréciation de la situation où tout simplement d’ordres discutables. Que ce soit à Ouvea ou rue Monsieur j’ai du mal à dire que la mort des militants Kanakes et celle de Malik Oussekine soit de la responsabilité des forces de l’ordre. Quant on en voit un régiment de combat formé à tuer pour maintenir l’ordre, s’il y a des morts c’est certainement de la faute de celui qui a pris la décision d’engager une telle unité. Les voltigeurs de la rue Monsieur relèvent du même sujet.

Quels sont les freins, les blocages à la mise en place de mesures visant à contrôler et sanctionner davantage les violences policières ? 

Alain Jakubowicz : Le premier frein résulte de la peur des politiques d’être accusés de laxisme et de soutenir les voyous contre les policiers, à l’heure où les citoyens, et donc les électeurs, réclament toujours plus de sécurité, fut-ce, ce qui est un autre problème, au prix de leurs propres libertés. Le second frein réside dans la puissance des syndicats de police, qui semblent ne pas réaliser que par une solidarité, parfois mal placée, ils contribuent à jeter l'opprobre sur tout un corps qui ne le mérite pas. Les policiers auraient tout à gagner à une plus grande transparence qui seule, pourra  redonner la confiance indispensable des citoyens.

Frédéric Scanvic : Il faut des policiers toujours plus et mieux formés à cet exercice très délicat du maintien de l’ordre. Il faut des instructions claires de leur hiérarchie : dans l’équilibre subtil entre protection des libertés fondamentales et le maintien de l’ordre le second est essentiel mais c’est la première qui prime. Ce n’est pas moi qui le dit mais c’est la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Avant cette jurisprudence le Préfet Grimaud l’avait fort bien dit à ses troupes en mai 1968. Et il n’y a eu aucun mort ... 

Et puis il faut des outils de contrôle. Internes au ministère de l’intérieur comme les inspections sectorielles (IGPN) ou généralistes (IGA) et externes évidemment c’est le rôle de la justice

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !