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Sahel : que change la mort de l'émir d’AQMI ?
©Thomas COEX / AFP

Combat

Le leader d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a été tué au Mali par les forces françaises mercredi, a annoncé la ministre des Armées, Florence Parly.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Le 5 juin, la ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé la mort de l’émir d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), l’Algérien Abdelmalek Droukdel alias Abou Moussab Abdelwadoud, neutralisé au nord du Mali le 3 juin par des éléments de la force Barkhane. Le 7 juin, des responsables d’Al-Qaida présentaient leurs condoléances pour la mort de cet important activiste. Plusieurs collaborateurs accompagnaient Droukdel dans son périple qui l’avait conduit loin de son repaire en Kabylie. Un seul s’est rendu et devrait être livré à la justice malienne. L’opération combinée s’est déroulée dans la région de Talahandake à proximité de la frontière algérienne. Elle aurait engagé huit hélicoptères qui ont déposé deux commandos au sol avec, en parallèle, un bombardement. Le colonel Chris Karns, le porte-parole de l’US Africa Command a déclaré : "le Commandement US pour l’Afrique a été capable du soutien en renseignements et ISR (Intelligence, Surveillance et Reconnaissance) pour localiser la cible". Il est aussi probable qu’Alger ait été prévenu en amont afin que ses forces bouclent la frontière dans la zone pour éviter toute fuite des terroristes.

Le remplaçant de Droukdel pourrait être Abou Obeida Youssef al-Annabi, depuis 2011 chef du Majliss Al-Choura (Conseil) d’AQMI. Il est connu pour avoir appelé en 2013 les "musulmans dans le monde entier [à] attaquer les intérêts français...". En septembre 2015, le Département d’État américain l’a inscrit sur sa liste des "terroristes internationaux".

Né en 1970 à Meftah, en Algérie, après avoir participé à la révolte du Front Islamique du Salut (FIS) en 1993, Abdelmalek Droukdel (ou Droukdal) rejoint le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) en 1998 dont il gravit les échelons pour finir par en prendre la direction en 2004. Il prête allégeance à Al-Qaida en 2006 et renomme son groupe  Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). La CIA doutera des liens existant entre AQMI et la maison mère jusqu’à la découverte à Abbottabad en 2011 d’une correspondance entre Droukdel et Oussama Ben Laden. Ce dernier en avait fait un des "dirigeants" de la nébuleuse, ce qui dépassait son simple rôle d’émir de l’antenne régionale d’Al-Qaida. Droukdel a revendiqué plusieurs attentats meurtriers en Algérie pour lesquels il a été condamné à mort par contumace. Mais ne parvenant pas à élargir son influence au-delà de son fief de Kabylie, il a lancé une branche sahélienne y multipliant les enlèvements d’Occidentaux. Le Mali devient progressivement pour lui une zone d’action privilégiée, stratégie qu’il définitt en 2012 dans le document "Orientation du jihad dans l’Azawad". Il compte déjà sur Iyad ag Ghali, le chef d’Ansar Dine, pour l’appuyer. Le 1er mars 2017, la branche sahélienne d’AQMI s’allie officiellement à Ansar Dine et aux katibats al-Mourabitoune et de Macina pour fonder le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), dirigé par Iyad ag Ghali.

La rivalité avec Daech

Le GSIM est concurrencé au Sahel à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) qui aurait fusionné avec la province de l’État Islamique pour l’Afrique de l’Ouest (EIAO) qui est issu d’une fraction de Boko Haram. Le 4 juin, Mme Parly a expliqué lors d’une audition devant l’Assemblé nationale que "les terroristes font la guerre aux terroristes […] C’est une dynamique récente que nous surveillons avec beaucoup d’attention". En effet, Daech qui a pris suffisamment d’ampleur au Sahel a pu rompre à la fin 2019 la trêve de fait qui existait avec le GSIM jusqu’alors maître du terrain révolutionnaire. En 2014, Droukdel avait refusé de reconnaître Abou Bakr al-Baghdadi comme "calife" et avait renouvelé son allégeance à Al-Qaida.

Daech, même s’il est affaibli ailleurs, gagne en puissance sur le continent africain étant en expansion en Libye, en Égypte en Somalie (où il s’oppose aux shebabs affiliés à Al-Qaida, qui tiennent toujours le haut du pavé) et a développé deux nouvelles provinces : l’État Islamique en Afrique centrale actif au Mozambique et l’État Islamique en République du Congo présent à la frontière ougandaise.

La mort de Droukdel affaiblit le GSIM face à Daech qui va profiter de l’occasion pour tenter d’attirer dans ses rangs des jihadistes démoralisés. Cette méthode a bien fonctionné depuis l’apparition de cette branche salafiste-jihadiste car la très grande majorité des "provinces extérieures" (au noyau syro-irakien) sont constituées d’anciens activistes d’Al-Qaida. Ces derniers ont estimé que la bannière conquérante de Daech était plus porteuse que celle d’Al-Qaida considéré comme en déclin permanent. Même la défaite militaire du "califat" connue en Syrie et en Irak et la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi ne semblent pas avoir entamé cet enthousiasme des salafistes-jihadistes. L’effort de guerre de Daech se déroule en fonction des opportunités rencontrées. Le continent africain en est déjà une des principales.

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