Inciter à faire du vélo plutôt que d’empêcher qu’on les vole : SOS fonctions régaliennes disparues<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Inciter à faire du vélo plutôt que d’empêcher qu’on les vole : SOS fonctions régaliennes disparues
©ludovic MARIN / POOL / AFP

État gadget

La ministre Élisabeth Borne a annoncé un triplement du budget pour le plan vélo. L'exécutif semble se concentrer sur des détails plutôt que sur ses missions régaliennes, qu'en est-il réellement ? Le gouvernement ne prend-il pas les problèmes à l'envers ?

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

Voir la bio »

Atlantico.fr : L'exécutif semble se concentrer sur des détails plutôt que sur ses missions régaliennes, qu'en est-il réellement ?

Yves Michaud : Le plan vélo de Mme Borne est l'exemple caricatural du fonctionnement politique actuel.

D'abord, comme le vélo a fait ses preuves pendant la crise, il faut s'emparer du sujet car c'est bon pour la communication gouvernementale qui en ce moment joue la carte du « on s'occupe de vous » - et non plus la carte « Lallement-va-t'arracher-un oeil ».

Ensuite, le vélo, c'est bon pour le virage écolo, même si avec l'arrêt complet de l'activité économique, on vient de faire une magnifique expérience « grandeur nature » des ravages de la décroissance. Idem on va sauver l'automobile en faisant acheter des véhicules à batterie qu'on ne sait pas où recharger.

L'exécutif veut montrer qu'il s'occupe de l'intendance, alors il fixe aussi le nombre de nageurs par ligne d'eau dans les piscines.

Outre la com, cet intérêt vétilleux pour les détails sans intérêt est typique de la hautaine bureaucratie nationale. Philippe a annoncé lui-même à l'Assemblée nationale l'arrêt de tous les matches de football mais il aurait dû pousser la précision jusqu'à fixer l'heure du début du premier match de reprise du championnat de France à l'automne. Il sait tellement mieux que tous les sportifs ce qu'il faut faire !

Comment expliquer un tel dysfonctionnement ?

En fait en France l'exécutif ne joue pas son rôle : il fait des lois (ce qui n'est pas sa fonction dans un régime normal de séparation des pouvoir) et il réglemente en définissant par exemple le nombre minimal de boutons de culottes à défaire dans les films classés X. Qui s'est étonné qu'on ait confié le 1000 et unième rapport sur l'avenir de l'ENA à un président de la ligue française professionnelle de foot – qui est évidemment énarque ? Personne. 

En fait, je considère, comme Montesquieu, comme Voltaire, comme Volney au XVIIIème siècle que notre régime n'est ni démocratique ni présidentiel : c'est un despotisme où sont continuellement confondus pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Un vrai régime républicain serait présidentiel, avec un Président qui agit réellement et pas sur les boutons de culotte et des chambres qui légiféreraient. Et peu importe les cas de cohabitation. Le problème est qu'on confond tout et qu'on a un Premier ministre qui n'a aucune raison d'être. Ou bien il agit vraiment et le Président devient un roi fainéant et vite rancunier, ou bien il s'occupe des boutons de culotte et le Président se prend pour Jupiter. Je suis personnellement sidéré et depuis longtemps que l'exécutif ne fasse pas son travail de fond et passe son temps à inventer des lois pour les faire voter par sa majorité godillot et des « attestations dérogatoires » pour aller faire pipi.

A l'exemple du plan vélo souhaitant pousser la population à utiliser ce moyen de transport, le gouvernement ne prend-il pas les problèmes à l'envers ? Influencer les gens au lieu de leur permettre à grande échelle, de réaliser leurs envies ?

L'autre anomalie typiquement énarchique, franchouillarde et bureaucratique est de traiter les problèmes par l'incitation et/ou la sanction. On invente des primes pour tout. C'est une vision que même aucun utilitariste du plus bas étage n'a jamais eu. Le problème du vélo en France (et depuis des décennies) est qu'un particulier ne trouvera jamais où le garer. Il y a des emplacements pour les autos, pour les motos, pour les trottinettes (mais oui!) et bien sûr pour toutes les compagnies de Vélib qui font payer à tous le vandalisme et l'incivisme de leurs usagers. Moi depuis toujours j'aurais juste aimé des emplacements pour laisser ses vélos, comme en Hollande. Rien d'autre ! Pour le vieux clou, je le trouvais vite ! Je n'ai jamais rien vu de tel. A quoi bon offrir des primes pour réparer les vieux clous si on ne sait pas où les mettre ? Les primes et les incitations fiscales font partie de l'arsenal de nos exécutifs sans imagination : quand on n'a pas d'idées, on invente des primes ou une taxe. Visiblement aucun des ignorants sortis de l'ENA ne s'est vu enseigner que toute prime et toute taxe engendrent des astuces pour en  profiter ou les tourner. Alors on refait des règlements pour coincer les malins qui à leur tour inventent un nouveau stratagème. Au moins ça occupe nos pondeurs de circulaires. Ajoutons que Mme Borne n'est pas la seule qu'il faille stigmatiser. Toute le politique de Hidalgo à Paris est du même acabit et même en pire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !