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Plan de relance européen : attention aux risques de dérapages toxiques
©Kay Nietfeld / POOL / AFP

Dettes du 3ème type

Jean-Yves Archer décrypte les enjeux du plan de relance de 500 milliards dévoilé par Angela Merkel et Emmanuel Macron. Il analyse également la stratégie du couple franco-allemand.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Le Lundi 18 mai 2020 restera dans l'histoire monétaire comme la date d'une initiative franco-allemande pour le moins baroque. Persuadés que les deux pays pilotent encore, à eux seuls, le navire européen, il a donc été lancé à la mer l'idée d'un emprunt de 500 milliards d'euros afin d'aider à la relance des régions ou des secteurs fragiles.

Jusque-là, rien d'extraordinaire car le montant de 500 Mds rapporté à la violence de la récession qui se profile est faible. Il représente moins que la somme des déficits annuels cumulés de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne et de la France. C'est dire que c'est le poids d'un cachou au milieu de l'océan de tristes nouvelles qui marquent, pour des mois, notre continent.

Le risque de faillites en cascade, le montant vertigineux des prêts aux entreprises nous embarquent vers des sommes, à l'échelle de l'Europe, qui dépassent les 6000 milliards. Autant dire que le projet franco-allemand, qui reste suspendu à l'accord de nos 25 partenaires Pays-Bas inclus, est un pointillé et non un point final.

S'il faut admettre lucidement que le montant de 500 milliards n'est pas grandiose au regard de nos difficultés économiques et sociales, il est impératif de souligner que ce projet Merkel / Macron est un tournant fondamental pour l'Europe.

Ce qui caractérise cet emprunt de 500 milliards, c'est le fait qu'il va être émis par l'Union elle-même ce qui est une première absolue. Le vieux rêve de Jacques Delors assistés alors de Pascal Lamy et de Philippe Lagayette se réalise enfin : l'entité Europe décide de s'endetter. Autrement dit, le produit de cet emprunt va être issu de la qualité de la signature d'un nouvel emprunteur qui ne vit que par les économies des États et singulièrement par la surface financière de l'Allemagne.

Concrètement, les 500 Mds issus de l'appel aux marchés seraient bien évidemment assortis d'une garantie des États et l'emprunt aurait une maturité faciale initiale de moyen terme, soit probablement à horizon 2027 voire plus.

Faute de savoir comment résoudre, pour le moment, les dettes accumulées des États de l'Union, celle-ci décide de devenir emprunteur en premier ressort et de rompre sa virginité au regard de la notion de dette.
Toujours aussi brillant que narquois, Henry Kissinger avait un jour fait rire son auditoire en demandant le numéro de téléphone de l'Europe. Désormais, si les Parlements concernés donnent leur accord respectif, on pourra connaître le numéro de la carte de crédit de l'Union. Une carte abondée par la qualité du nouvel emprunteur qui sera, dans un premier temps significatif, adulé par les agences de notation.

Dans l'incapacité de juguler l'essor des dettes nationales et face au refus de la mutualisation des dettes – qui est salutaire – l'Europe est en passe d'opter pour une étape de socialisation de ses besoins, autrement dit par un recours à un nouveau porteur de ses dettes. Si l'équation politico-budgétaire fonctionne, il y aura très vraisemblablement plus de 8000 milliards de dette " européenne " d'ici à 10 ans sous les applaudissements des zélateurs de la dépense publique et sous l'accablement de celles et ceux qui n'oublient pas le principe ricardien selon lequel la dette d'aujourd'hui n'est rien d'autre que l'impôt de demain.

Dans le secteur privé, en cas de LBO, la structure faîtière porte la dette reliée à celle des filiales. Ici, cela sera pareil. On monte d'un étage institutionnel pour éviter de commencer à apporter une once de solution au défi des dettes nationales.

La tentation est grande d'ériger l'Union en emprunteur car, selon un rapide calcul, sa puissance de feu dépasse les 17000 milliards à des taux réalistes.

Autrement dit, l'initiative franco-allemande est dénuée de créativité ( quid de la BEI support possible d'un plan de relance ? ) mais risque de fonctionner. En enclenchant ce nouveau mécanisme, les contribuables de notre continent rentrent en terra incognita car nous savons tous que la gestion des fruits de la dette donne souvent lieu à des pratiques qui s'apparentent à de la gabegie. Keynes avait raison de militer pour un soutien public en temps de crise et sur le principe, je le rejoins. En revanche, il a sous-estimé dans plusieurs de ses écrits la propension à dilapider les fonds publics que certaines États, dont notre France, montrent en fière et regrettable évidence. Tout le défi est ici résumé.

Pour retrouver l'analyse et le décryptage de Rémi Bourgeot, Sylvain Kahn, Eric Verhaeghe sur le plan de relance proposé par Angela Merkel et Emmanuel Macron, cliquez ICI

Pour retrouver l'article de Jean-Paul Betbeze et Edouard Husson sur cette initiative du couple franco-allemand, cliquez ICI

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