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La flambée de l'or
©Paul J. RICHARDS / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Dov Zerah décrypte cette semaine la situation du cours de l'or en pleine crise sanitaire et économique suite à la pandémie de Covid-19.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Depuis maintenant six mois, le Monde vit des bouleversements incroyables : fermetures des frontières, limitation des déplacements aériens, confinement, arrêt des activités économiques… De nombreux secteurs sont sinistrés : l’aéronautique, le transport aérien, le secteur touristique, l’hôtellerie, les restaurants, les théâtres, les cinémas, le monde du spectacle, les parcs d’attraction…

Le Monde est maintenant confronté à la plus grave crise économique depuis celle de 1929, avec pour 2020 une baisse de 3 % du PIB mondial dont – 7,5 % pour la zone euro, la plus durement touchée, une baisse de près de 6 % pour les États-Unis ainsi que pour l’Amérique latine. Seule, la Chine s’en sortirait avec une croissance positive à 1,2 %. Cette baisse de la production a entrainé un effondrement du prix du baril actuellement autour de 20 $/bl.

Cette situation a conforté l’or. En une semaine, le prix de l’or a flambé, passant de 1 570 à 1 630 $ l’once, soit une augmentation de près de 4 %. C’est le plus haut niveau en 35 ans. Á 31,1 grammes l’once, cela fait le kilo d’or à plus de 52 000 $.

Le choix de l’or dans le cadre d’une stratégie de placement peut apparaître intéressant même s’il n’apporte aucun rendement. Son intérêt réside dans le potentiel de plus-value. Au cours des 35 dernières années, l’or apparait comme un placement intéressant.

L’once valait un peu plus de 1 300 $ l’once il y a six mois, un peu plus de 1 100 $ il y a un an. Le précédent pic remonte au 5 septembre 2012, il était à un peu moins de 1 350 $ ; cela représente une valorisation de plus de 20 % en 8 ans, légèrement inférieure à une augmentation de 24,7 % des prix sur la période. La performance ne parait pas extraordinaire ; le capital a été à peine préservé.

En revanche, le résultat est différent sur une plus longue période. Au début du millénaire, l’once d’or était autour de 230 $, le plus bas niveau au cours des dernières trente-cinq années. Plus de 600 % de plus-value à peine écornés par une augmentation des prix de 32 %.

La comparaison avec l’immobilier est difficile pour au moins trois raisons :

  • Quel que soit le niveau du rendement, un bien immobilier rapporte des loyers alors que l’or ne produit aucun rendement.
  • Un bien immobilier peut être acquis à crédit, alors qu’aucun banquier ne prêtera pour acheter de l’or. Le loyer facilite le remboursement du prêt par ailleurs garanti par le bien. L’investissement immobilier bénéficie d’un effet de levier qui améliore son rendement.
  • En revanche, le potentiel de plus-value est comparable même s’il dépend de la localisation du bien immobilier et de la date d’acquisition.

La crise économique va peut-être modifier l’intérêt de l’immobilier pour au moins deux raisons. Les surfaces commerciales vont être affectées par les difficultés des commerces, la généralisation du télétravail et le recours accru aux livraisons à domicile. Parallèlement, l’immobilier résidentiel va pâtir de l’augmentation du nombre de chômeurs et des difficultés des agents économiques.

La comparaison de la performance entre l’or et les valeurs mobilières est plus difficile à conclure. En 20 ans, le NASDAQ a plus que doublé en passant d’un peu plus de 4 000 au début du millénaire à plus de 9 300 récemment. Sur longue période, l’or est plus intéressant que les actions, mais sans tenir compte des dividendes ; en vingt ans, le ratio entre le dow Jones et l’or a diminué des deux tiers. Par ailleurs, tout placement mobilier est totalement tributaire du moment de l’achat et de celui de la vente. On n’achète jamais au plus bas et on ne vend jamais au plus haut et l’exercice est d’autant plus compliqué que la volatilité des marchés est grande. La Bourse s’apparente souvent à un long, très long mur des Lamentations, quand elle ne conduit pas certains téméraires au suicide.

On pourrait continuer le parangonnage avec les obligations ou les matières premières, mais, sur longue période, l’or a l’avantage. Au-delà de ces considérations, l’or apparait une nouvelle fois dans l’histoire économique et financière du Monde la valeur refuge par excellence.

Les opérateurs économiques craignent la fuite en avant des banques centrales qui font marcher la planche à billets pour permettre le financement à crédit des déficits publics, une nouvelle crise des dettes souveraines, la perspective d’un prélèvement exceptionnel des patrimoines… Ces perspectives et celle d’une envolée de l’inflation justifient la flambée de l’or.

La création monétaire par les banques centrales et le ralentissement, voire l’arrêt, des activités économiques devrait, selon la théorie conduire à l’hyperinflation. Selon la théorie monétariste et en application de l’équation quantitative d’Irving Fisher, un excès de signes monétaires par rapport à la valeur nominale des biens entraine automatiquement, voire mathématiquement, un ajustement par les prix. Cela fait plus d’une vingtaine d’années que, de crise en crise, le Monde est submergé de liquidités sans aucune recrudescence de l’inflation ; bien au contraire, c’est le risque de déflation qui inquiétait les banquiers centraux. Merci à la mondialisation et à la concurrence exacerbée qui contrecarre tout mouvement inflationniste.

Pour rassurer les opérateurs économiques, les banques centrales pourraient vendre une partie de leurs réserves en or évaluées à plus de 34 000 tonnes, soit près de 2 000 Md$. Au cours des dernières années, les Banques centrales ont eu l’intelligence, l’intuition d’acheter de l’or, sans oublier la volonté de certains d’être moins dépendant du dollar et de sa volatilité ; un record annuel d’achats a été atteint en 2018.

Dans ce contexte, les premiers bénéficiaires sont les pays producteurs d’or qui sont dans l’ordre, la Chine, l’Australie, la Russie, les États-Unis, le Canada, des pays riches… Notons néanmoins que des pays africains, Afrique du Sud, Burkina Faso, Centrafrique, Ghana ont une bonne nouvelle dans un contexte économique difficile.

Planche à billets, envolée des dettes publiques, risque d’inflation, volatilité des marchés financiers, perspective de nouvelles taxations… Tout concourt à planquer son épargne dans l’or…

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