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Science, médias, politiques  : l’énorme raté des discours tenus depuis le début de la crise du Coronavirus
©Geoffroy VAN DER HASSELT / POOL / AFP

Transmission de l'information

En quoi les paroles médiatiques, politiques et scientifiques n'ont pas été à la hauteur de leurs attributions depuis le début de la pandémie ? Comment la parole médiatique, politique ou scientifique peut-elle être réhabilitée ?

Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico.fr : Alors que certains medias semblent découvrir seulement aujourd’hui que le virus Covid-19 pouvait se transmettre par la parole, vous avez alerté, dès la fin février et dans Altantico même en mars, sur ce mode de propagation. En quoi les paroles médiatiques, politiques et scientifiques n'ont pas été à la hauteur de leurs attributions depuis le début de la pandémie ?

Yves Roucaute : Oui, il est scandaleux que certains médias français osent présenter depuis quelques jours comme un prétendu scoop la découverte d’une « possible » transmission du covid-19 par la parole, via ces gouttelettes qui sortent de la bouche quand vous parlez, même normalement. Car cette prétendue découverte est connue depuis 3 mois par la communauté scientifique, la vraie, celle qui travaille sur le covid-19 dans les labos et qui combat dans les hôpitaux ! Celle qui diffuse ses informations sur tous les sites sérieux de santé accessibles pour tous des Etats-Unis à Beijing. L’opinion publique aurait dû être alertée par les médias il y a longtemps déjà, au lieu d’attendre la confirmation du parapheur gouvernemental.

Et le scandale continue ! J’ajoute, pour la énième fois, que cette transmission par les airs n’est pas seulement « possible » mais qu’elle est certaine. Et je souhaite savoir à quel moment ces mêmes journalistes, qui se sont tus hier, vont dire enfin toute la vérité : car ces gouttelettes qui s’appellent « gouttelettes de Flügge », découvertes en 1990 par Karl Flügge, restent non pas quelques secondes dans l’air comme le prétendent les ânes, mais jusqu’à 3 heures. Oui, jusqu’à 3 heures ! A quel moment aussi révèleront-ils ce scandale d’une administration qui a interdit le mois dernier à un laboratoire vétérinaire qui le proposait, de fournir aux français 100 000 masques par semaine sous prétexte que « vétérinaire » n’était pas « médical » ?

Craignent-ils donc d’en tirer les conséquences ? Car cela signifie clairement que le coronavirus s’est transmis lors des élections municipales. Qu’entrer dans un isoloir, dépouiller des bulletins, tenir un bureau de vote a été une source de la mortalité énorme qui sévit en France. Craignent-ils donc d’avoir à demander pourquoi les morts du coronavirus ont atteint un record de + 59,6%, 14 jours après les municipales ? Cela signifie tout aussi clairement que les fameuses « barrières » étaient bel et bien une ligne Maginot, même si garder ses distances, se laver les mains ou porter des gants sont des mesures de bon sens. Faire la queue en se tenant à 1 mètre de son voisin chez les boulanger ou se prendre un moyen de transport en commun sans masque  est dangereux car les gouttelettes ne sont pas en plomb, même si certains cerveaux de nos technocrates ressemblent à des pois-chiches.

Oui, je suis extrêmement choqué, plus encore comme citoyen que comme philosophe théoricien des sciences. J’ai moi-même arrêté certaines de mes recherches pour tenter de percer la croûte d’ignorance médiatique et de connivence politique qui règne en expliquant à ceux que je pouvais joindre par des textes et des vidéos publiés sur Facebook, You Tube, Twitter, par Atlantico qui m’avait interrogé, par des blogs, par des conférences, ce que tous les savants qui travaillent sur cette question savent depuis trois mois. Oui, la transmission par la simple parole a été prouvée par les travaux publiés par l’Anestasia Patient Safety Foundation des Etats-Unis, depuis le 12 février, par les laboratoires d’Hamilton du Professeur Vincent Munster du Centre de virologie des États-Unis, diffusé massivement début mars, de Princeton, de l’UCLA, d’Harvard… De fin février à début mars, des dizaines de centres ont publié leurs recherches, relayées par les sites populaires de publications et prépublications comme MedRxiv, par les réseaux sociaux et les journaux chinois ou américains. Depuis le 3 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé assène que l’absence de masques met en danger la communauté médicale, et pas seulement, évidemment en raison du mode de transmission par les airs. Et je rappelle que cette transmission se fait par la simple parole mais aussi par certains métaux et les plastiques sur lesquels il survit jusqu’à 3 jours, avec 12 heures en moyenne sur les aciers, 16 heures en moyenne sur les plastiques, et sur les cartons jusqu’à 4 heures. Pas vu, pas pris ?

Non seulement certains médias n’ont pas relayé l’information qu’ils auraient pu trouver mais ils ont relayé la désinformation mortelle, selon laquelle les « geste barrière » suffiraient, tandis que les masques ne seraient pas efficaces ! Aujourd’hui encore, nombre de Français jugent le masque inutile et courent, à cause d’eux, au-devant de la mort, leur désinformation sous le bras.

Une désinformation pourtant combattue depuis trois mois par tous les laboratoires du monde qui travaillent sur cette question, y compris en Europe, du principal institut de santé des Pays-Bas à celui d’Edinburgh. Les fameuses gouttelettes de Flügge qui transportent le coronavirus sont arrêtées aussi bien en projection qu’en inhalation de 98,7% à 100% par les masques FFP2, et de 78% à 100% pour les masques chirurgicaux.

Non seulement les grands médias n’en font jamais fait leur titre mais je vois même des journalistes manipulés se lancer dans des diversions pour passer sous silence le fait que sur 193 États dans le monde nous sommes médaille de bronze. Ainsi, ce procès médiatique contre François Bayrou sous prétexte qu’il aurait livré gratuitement à la population des masques d’origine chinoise. Diantre ! « chinois », vraiment ? Pas touche au gouvernement qui a imposé des élections, n’a fourni aucun masque durant trois mois et a prétendu qu’ils ne servaient à rien, envoyant à la mort des milliers de Français, mais haro ! sur un maire qui avait protesté contre la tenue des élections municipales et qui ne veut pas laisser mourir les habitants de Pau ? Et puisque le textile vient essentiellement de Chine et d’Asie, devrait-on aussi se promener nus ?

Dans certains pays, dont la Chine précisément, qui n’est pas un modèle de démocratie et qui a elle-même organisé la désinformation meurtrière en décembre, cette désinformation sur les moyens de se préserver du coronavirus est aujourd’hui considérée comme un crime et punie comme tel. Ici, c’est trop souvent une vertu.

Pourquoi avec vos confrères scientifiques n’avez-vous pas été entendus et quelle est la source de cette débâcle médiatique ?

Il y a le manque de moyens dans les médias en France évidemment. Des Tintin cela a un coût et une rentabilité aléatoire. Enquêter prend plus de temps qu’écrire un éditorial et demande plus d’investissements.

Mais il y aussi un phénomène français, propre à certains pays en voie de développement. C’est l’ignorance appuyée sur la connivence politique. C’est Bouvard appuyé sur Pécuchet.

Sur l’ignorance d’abord. Les journalistes manquent trop souvent de culture scientifique. Sauf exceptions notables. Il en va d’ailleurs de même pour la philosophie souvent confondue en France avec le bavardage littéraire. La curiosité permet de compenser l’itinéraire, mais elle n’est pas si bien partagée qu’elle se devrait.

La réception de Yuval Noah Harrari annonçait ce que l’on voit aujourd’hui. Alors que tous les chercheurs des laboratoires en Intelligence artificielle, en nanotechnologies et en biotechnologies ont ri devant les thèses incohérentes de ses livres, les médias français l’ont encensé comme un vrai livre scientifique, criant même au génie à l’image d’un hebdomadaire qui n’a pas craint le ridicule en décrétant qu’Harari était le plus grand penseur de notre temps. Il faut néanmoins reconnaître que faire croire à l’opinion que nous serions menacé par une Super Intelligence qui nous boufferait a le mérite de rappeler les histoires de Mère-Grand et du méchant loup, ce qui permet de vendre papier et audience et ce qui a assuré un beau succès littéraire à Harari. Littéraire mais non scientifique. J’ai répondu à ces élucubrations par Le Bel Avenir de l’Humanité, appuyé par les vraies connaissances et les laboratoires avec lesquels je travaille depuis une vingtaine d’années mais évidemment, sachant la puissance de séduction des machines à fantasmes apocalyptiques, je n’ai pas pensé une seconde arrêter de telles sornettes, simplement défendre le camp du progrès.

C’est le même processus qui s’est opéré avec le Covid-19. Allez expliquer à des journalistes que n’ont aucune culture scientifique que si un virus est petit, il ne passera pourtant pas à travers les mailles d’un masque quand les technocrates du gouvernement ont expliqué avec leurs règles que le coronavirus de 0,125 micron s’en moquait en enfant polisson. Que faire, si, par paresse, ils refusent d’aller vérifier les informations sur les sites des laboratoires, ceux d’infectiologie, de l’APSF, des instituts de virologie… qui tous disent depuis deux mois, voire trois, que masques FFP2 et masques chirurgicaux arrêtent la contagion parce qu’ils arrêtent les gouttelettes qui sortent de la bouche quand on parle ? Écrire des articles, diffuser des vidéos ? Je l’ai fait, comme j’ai écrit Le Bel Avenir de l’Humanité, mais beaucoup ne lisent plus comme il y a vingt ans, préférant la facilité de l’estampille gouvernementale, et à moins d’un gros buzz divertissant autour d’un Panoramix régional, difficile de les faire bouger.

Le second problème est la connivence. Elle touche aussi certains milieux scientifiques qui courent après les prébendes et les décorations. Elle tient aussi parfois à un souci légitime de préserver la république du chaos ou de ses ennemis. Mais elle obtient le contraire de ce qui est recherché. D’approximations en petits calculs, imaginant les conséquences possibles d’une information vraie qui tournerait au bénéfice possible du Rassemblement national ou de l’extrême-gauche, de la droite moribonde ou de la gauche vagabonde, nombre de journalistes se sont dits qu’il était plus prudent de suivre le gouvernement au lieu d’éclairer la société pour le bien public.

Croit-on que parce que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon disent que 3 + 2 font 5, il faut dire le contraire ou le cacher ? La première avait conseillé la fermeture des frontières, avait-elle tort ? Moi-même j’en ai douté en février, croyant encore possible de fermer les frontières européennes et priant pour que l’Europe avance en ordre. Le second réclamait plus de moyens pour les hôpitaux, n’avait-il pas raison ? De ce point de vue, je n’ai jamais varié, souhaitant que le partenariat public-privé et européen soit renforcé dans les biotechnologies et que matériels et salaires soient à la hauteur des défis. Être du côté du mensonge et du simulacre n’a jamais fait avancer la cause républicaine. Et quand on se trompe, mieux vaut l’admettre, ce qui es ten général pardonné.

Pour ma part, je suis d’accord avec Aristote dont la légende dit qu’un jour lui fut demandé pourquoi il critiquait Platon, il aurait répondu « Platon est mon ami, mais la vérité l’est plus encore ». Cela vaut pour certains membres de ce gouvernement et certains journalistes que j’apprécie mais qui errent.

Ils ont été aveugles sur le fait que les études administratives et économiques de la technostructure ne donnent aucune compétence à gouverner en général, et certainement pas en période de crise sanitaire. Et qu’il est absurde de confier son navire en pleine tempête à un capitaine qui n’a pas même son permis côtier. Il l’a prouvé lors de la crise des Gilets Jaune, il le prouve à nouveau aujourd’hui.

Au moins médias et bureaucratie vietnamiens ont-ils eu plus de bon sens. Sachant leur ignorance crasse, les politiques n’ont pas organisé un système de psychorigidité bureaucratique. Ils ont mis en place une structure de vrais scientifiques et d’épistémologues qui ont décidé que faire, dès le départ, sachant ce qui était arrivé avec les coronavirus précédents. Faute de moyens pour tester toute la population, masques et confinements furent décidés. Les médias sont relayé les scientifiques. Et il n’y a aucun mort. Pas même à la frontière chinoise.

Ne vous attendez-vous pas à quelques réactions violentes, telles celles que vous avez connues lorsque vous aviez écrit « Splendeurs et Misères des journalistes » et comment la parole médiatique politique ou scientifique peut-elle être réhabilitée ?

J’ai peu de mots à retirer de ce livre, seulement des noms à changer. Je sais qu’il y a assez de journalistes qui croient en leur métier, auquel je suis moi-même attaché, pour en défendre les valeurs. Cela fut d’ailleurs le cas à l’époque de la sortie de ce livre qui s’est vendu comme du bon pain, celui dont ont besoin les républiques quand l’un de leur pilier menace de s’écrouler. Car le journalisme d’enquête, indépendant des pouvoirs, intercesseur de la société civile et non censeur, est indispensable dans une république libre. Il s’agit là d’une condition pour que le débat puisse avoir lieu entre tous les citoyens pour la recherche du bien public. Ce qui n’interdit pas à chacun de défendre des opinions tranchées, des engagements politiques fermes mais jamais au détriment de la recherche de la vérité. On tâtonne, on cherche, on se trompe souvent, mais avec honnêteté. Sans cette vertu, la république est morte avant d’avoir sombré.

La France est moralement affaiblie. Les politiques qui gouvernent ont préféré des positons psychorigides à la mise en cause des procédures prévues Et certains médias n’ont pas fait leur métier de contre-pouvoir dans lequel ils doivent exceller. Aller chercher la vérité, enquêter du côté des scientifiques, des médecins, des politiques publiques menées ailleurs, éclairer l’opinion publique et lui permettre de s’exprimer, exiger des réponses du gouvernement, relever ses incohérences, ne fut pas la préoccupation première. Qui peut m’expliquer par exemple comment des journalistes dans ce pays ont vraiment pu croire qu’un masque ne servait à rien pour le quidam ordinaire mais qu’il serait indispensable pour les médecins ? Pour que le masque soit efficace, il fallait donc une carte de professionnel de la santé ? Si on les suit, c’est donc la carte du parti qui protégeait les Vietnamiens masqués comme le concombre de la bande dessinée puisqu’il n’y a eu là-bas aucun mort ?

Réhabiliter la parole médiatique c’est exactement le processus inverse de celui qui permet de lutter contre le Covid-19. Il faut retirer les masques. Ceux de la connivence, non seulement politique mais aussi économique et idéologique. Afin d’organiser la seule connivence acceptable : avec la vérité et l’opinion publique, celle qui n’a de comptes à rendre qu’à elle-même, d’être l’intercesseur de tous sur l’espace public, de surveiller les pouvoirs au nom des n’importe qui. Car c’est cela qui fait la grandeur du journalisme, son caractère indispensable dans une république, cette défense de la liberté, en communion avec des réseaux sociaux que le journaliste, le « gentilhomme » du XXIème siècle comme dirait Confucius, doit aussi éclairer pour qu’ils ne soient pas le lieu d’une guillotine médiatique.

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