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Covid-19 : il frappe l’emploi partout, mais aujourd’hui surtout les pays émergents
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Impact du coronavirus

Jean-Paul Betbeze revient sur l'impact du coronavirus sur l'économie mondiale, sur les marchés financiers et sur les principales devises (notamment le dollar et l'or).

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Dans les pays industrialisés, le chômage est désormais la conséquence la plus nette de la pandémie. Aux États-Unis, ce sont ainsi 0,5 millions d’emplois perdus en avril, après 870 000 en mars. Le taux de chômage saute de 3,5% en février, son minimum historique, à 14,7% en avril – et ce n’est pas fini Les queues de chômeurs, non distanciés, sont impressionnantes. En France, le taux de chômage officiel à 8,1% fin 2019 devrait passer de 15 à 17% selon certaines prévisions. Les chutes de PIB se suivent : -8% en France, -9% en Italie, Espagne et Grèce, -6% en Allemagne et -7% aux États-Unis, dans un monde à -1% au minimum.

Mais, ce qui apparaît de plus en plus, c’est la violence de la crise des pays émergents. En décalage de l’avancée de la pandémie, du fait en partie de moindres échanges avec ces épicentres, et souffrant aussi de retards dans leurs systèmes de soins (et de repérages statistiques), les pays émergents n’ont pas (encore) montré chez eux tous les effets du COVID-19. Tel est moins le cas, à la confluence de la crise mondiale qui frappe leurs exportations de matières premières (agricoles, minières et pétrolières), les revenus que leur envoyaient leurs expatriés et désormais les remboursements à faire de leurs dettes, en yuans ou en dollars. Les appels au FMI se font plus pressants (Argentine, Liban, Afrique du Sud..) ou les appels à des lignes de crédits à court terme en dollar (Turquie), en liaison avec les chutes de leurs taux de change.  

COVID-19 : le suivi de la pandémie

L’épicentre numérique officiel de la pandémie se trouve toujours aux États-Unis, avec plus de 1,3 million de cas et 79 000 décès. Le graphique ci-dessous montre l’étendu du drame, avec toujours plus de cas aux États-Unis (1,3 million), suivis de l’Espagne (263 000), de l’Italie (217 000), du Royaume-Uni (211 000), de la France (176 000) et de l’Allemagne (171 000), avec cette fois la venue de 199 000 cas russes. Evidemment, on pourra s’interroger sur cette irruption, preuve supplémentaire des « lacunes » des systèmes nationaux de mesure. Pour mémoire, la Chine reconnaît 83 000 cas, 58 par millon d’habitants et 3 morts par millions, à comparer à 2 700 et 402 pour la France. No comment !

Worldometer, qui reprend les données mondiales, montre, dans le cas français, l’aplatissement de la courbe, ce qui est évidemment la meilleure nouvelle, en espérant bien sûr que le déconfinement se passe bien, que d’autres vagues épidémiques ne viennent pas et qu’un vaccin soit vite trouvé (ici comme ailleurs). Mais il s’agit là d’une évolution positive.

Les marchés boursiers ne semblent plus sensibles au chômage, la France à la traine

Le Nasdaq est désormais au-dessus de son niveau d’avant pandémie, les marchés boursiers pariant que les nouvelles technologies (Facebook, Apple), le distributeur Almazon et Tesla seront les gagnants de l’époque. Les bourses d’Asie se reprennent aussi, avec l’idée que les entreprises chinoises se remettent en activité, la demande – externe et interne - reprenant peu à peu. Les valeurs plus classiques (Dow Jones, Nikkei et Dax) se disent que le pire est passé. Le Cac 40 reste à la traine, plombé par une chute forte du PIB et des chiffres de reprise jugés moyens. Il n’y a pas de miracle.

Bons du Trésor : les interventions de la Fed sont toujours efficaces, malgré le creusement du déficit budgétaire, le cas italien inquiète après le jugement de la Cour allemande de Karlsruhe

Toujours pas de limite d’achats de bons du trésor à la Fed (la Banque Centrale Américaine) : le déficit budgétaire se creuse, Donald Trump (peut-être pour des raisons électorales…) voulant pousser à la reprise des activités, et le bon du trésor américain (avec le dollar) faisant figure d’actif le plus sûr.  

Pas de limite à la BCE (Banque Centrale Européenne) ? C’était l’idée que l’on avait avant le jugement de la Cour Fédérale Allemande du 5 mai. Mais il sonne un vrai tocsin, que les marchés ne voient pas encore. L’Allemagne est « le bon élève », avec un rendement réel de bon du trésor à -1,3% et la France tire (encore) assez bien son épingle du jeu : rendement nominal à -0,03% et inflation à 0,4%. Ceci ne pourra durer qu’autant que la BCE poursuivra ses achats, notamment des bons du trésor italien.  Or le voilà à 1,79%, avec une récession à -8 ou -9%, un déficit budgétaire autour de 11% du PIB et un ratio dette publique / PIB qui va vers 150%. Une dynamique intenable si la BCE n’achète pas encore plus de bons du trésor italien. C’est alors que la Cour alllemande entend y mettre un arrêt, disant qu’il ne s’agit plus alors, avec la BCE, d’une « politique monétaire » visant à stabiliser l’inflation dans la zone, mais plutôt d’une « politique économique » visant à aider certains pays (Italie notamment) au détriment d’autres (Allemagne notamment). Pour la Cour allemande, il n’y a ainsi aucune raison d’aider autant ce(s) pays, de prendre autant de risques (en achetant autant leurs bons du trésor) et d’avoir une rémunération à ce point négative des obligations allemandes.

Les politiques italiens et français ont vivemenr réagi, la BCE a répondu qu’elle ne dépendait que de la Cour Européenne. Mais ni le gouvernement ni le parlement allemands ne peuvent faire comme si ce jugement n’avait pas eu lieu. Le minimum est qu’il faudra que les programmes de relance soient expliqués et suivis, dans un souci de proportionnalité… qui n’ira pas de soi ! Chose rare, la direction de la Communication de la Cour de justice de l’Union Européenne répond le 8 mai qu’ « un arrêt rendu à titre préjudiciel par cette Cour lie le juge national pour la solution du litige au principal. Afin d’assurer une application uniforme du droit de l’Union, seule la Cour de justice, créée à cette fin par les États membres, est compétente pour constater qu’un acte d’une institution de l’Union est contraire au droit de l’Union ». Fini ?

Pétrole surtout et matières premières : la plongée. L’Or toujours en avant.

Trop de pétrole, toujours. Et les baisses d’activité pèsent sur les prix de gros de tous les produits alimentaires. On comprend que ce n’est pas l’inflation qui menace dans ce domaine ! L’or, toujours, sort gagnant.

Le dollar encore, face à une crise des devises émergentes.

Avec l’or, le dollar est le refuge de fait. Seul le yen fait mieux, en liaison avec la politique d’achat à tout va de la Banque Centrale du Japon et les risques qui vont avec. Toutes les autres devises baissent. Ce qui est grave est le dévissage actuel des devises des pays émergents. Le Rouble, en liaison avec la crise économique, plus la baisse du pétrole, plus les dernières données sur la pandémie souffre. Le Réal, pour des raisons en plus politiques, avec les réactions hostiles au Président Bolsonaro, est en grave chute (plus que le Rand sud-africain). La nouveauté, si l’on peut dire, vient de la quasi-crise de la livre turque, la dépendance du pays à des financements courts étant une constante, aujourd’hui avérée, avec un Président qui baisse les taux pour soutenir l’économie. Evidemment, les agences de rating entrent dans une logique globale de dégradation des notes des émergents, dont les conditions de financement se tendent. L’écart entre le bon du trésor américain passe ainsi de 3% en février à 5,5% actuellement.

Les marchés boursiers anticipent une relance en 2021, mais elle se situerait au centre du système économique mondial. Pour eux, la crise périphérique ne « pèse » pas encore, et pourtant.

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