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La neuroscience explique pourquoi nous avons tous besoin de contact humain… et de câlins maintenant
©HECTOR RETAMAL / AFP

Essentiel

Selon une étude du Touch Research Institute de l’Université de Miami, il existe un phénomène neurologie appelé "skin hunger" (faim de la peau) qui expliquerait le besoin biologique du contact humain. Sans contact, les humains se détérioreraient physiquement et émotionnellement.

Antoine Tanet

Antoine Tanet

Antoine Tanet est neuropsychologue au service Psychiatrie à la Pitié-Salpêtrière, doctorant dans le laboratoire ISIR (Cnrs-Paris VI). Il exerce aussi en libéral à Tours.

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Atlantico : Révélé en particulier par cette période de confinement, le phénomène de « skin hunger » est-il intéressant ? A t-il un corrélat neurologique et fait-il écho à d'autres syndromes ?

Antoine Tanet : Le concept de "faim de la peau" est intéressant. Même s'il ne s'agit pas d'un phénomène réellement isolé, n'ayant pas un corrélat neurologique bien déterminé, en cette période de confinement 2.0 où le contact social est possible par l'intermédiaire des réseaux numériques, le contact physique, de peau à peau, est pour certain impossible. Et ce n'est pas la même chose. Le besoin de parler n'est pas le même que celui de toucher. Parmi tous les contacts que nous avons, tous n'ont pas la même fonction et l'intermédiaire d'un écran n'autorise pas un certain nombre d'interaction qui peuvent être essentielle. Et c'est ce que j'aime bien dans l'expression pourtant triviale "faim de la peau", c'est qu'elle renvoie à un besoin instinctif voire primaire. Donc irrépressible.

Parmi les auteurs incontournables de l'histoire de la psychologie, il y a Didier Anzieu célèbre pour avoir développé chez le nourrisson le concept de "Moi-peau". Il fait un lien entre le développement de notre psychisme par l'interaction avec l'environnement (en particulier les parents) en soulignant que ces échanges par nos sens, en particulier le toucher chez le petit.

Depuis, les neurosciences ont apporté beaucoup de connaissance sur notre développement précoce, dès la vie intra-utérine, de nos sens (Toucher, équilibre, vue, ouie, odorat, gout,...). Ils se développent dans un ordre précis, le toucher parmi les premiers. Il est donc la modalité sensorielle des premières interactions. Cette expérience est première dans notre vie et nos habitudes, les interactions dont nous avons besoin dans la vie adulte sont en partie liées à ces expériences.

Enfin, je vois un dernier champ d'analyse, celui du signal social c'est à dire l'étude des outils dont nous disposons en tant qu'humain pour interagir les uns avec les autres: regard, posture, gestes, proxémie, voix, expressions faciales... Dans une interaction par écran interposé nous sommes privés de certains de ces signaux sociaux, en particulier les gestes qui peuvent aboutir au toucher. C'est un élément remarquablement manquant par celles et ceux qui ont vécu le confinement seul.

L'équipe du Touch Research Institute a effectué des recherches pendant le confinement : 26% des personnes interrogées ont affirmé se sentir "très privées" de contact et 16% "modérément privées". Dans l'échantillon, 97% ont également signalé des troubles du sommeil. Les divergences de personnalité peuvent-elles s’expliquer par le rapport physique qu’entretiennent les individus avec leur environnement ?

Oui, mais les divergences de personnalité sont peut être aussi dues aux expériences très précoces de nos interactions avec notre environnement affectif. Ces interactions passent par nos sens donc. Et des physiologies sensorielles différentes d'une part, des styles interactionnels différents de parents d'autre part, sont très probablement responsables des comportements d'interaction différents que nous appelons personnalités plus tard à l'âge adulte. Ce qui explique des besoins et des vécus différents d'une personne à l'autre.

Soigner par la peau et éduquer par le toucher : ces deux champs de recherche ont-ils de l’avenir ?

Ils ont non seulement un avenir mais un passé. Les psychomotriciens en sont un bon exemple. Et il y a un intérêt très fort aujourd'hui, à la fois en recherche et en clinique, sur la sensorialité et ses implications dans les interactions sociales.

Le manque de contact humain a, selon les neuroscientifiques auteurs de cette étude, des conséquences très négatives sur le bien-être. Que dire du phénomène inverse ? L’excès de contact humain a-t-il des effets directs et néfastes sur l’état psychologique et neurologiques des individus ?

Les hypo et hyperstimulations sensorielles sont connues pour entrainer des gênes, des inconforts et diminuer nos capacités d'adaptation.

Mais dans une dimension plus sociale, les métiers qui exposent aux interactions fréquentes (soins, enseignements...) sont connus pour être fortement liés à des épisodes de burnout. Pas d'explication unique à ce phénomène mais prendre en considération de façon trop fréquente les attitudes de nombreuses personnes chaque jour est épuisant.

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