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Yémen : la coalition sudiste fait sécession
©Nabil HASAN / AFP

Guerre civile

Alain Rodier décrypte la situation au Yémen. Le Conseil de Transition du Sud (CTS) présidé par l’ancien gouverneur d’Aden, le général Aidarous al-Zoubaidi, a déclaré son indépendance cette semaine. Martin Griffiths, l’envoyé spécial de l’ONU, craint que cette sécession ne provoque une "guerre civile dans la guerre civile".

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Le 26 avril, le Conseil de Transition du Sud (CTS) présidé par l’ancien gouverneur d’Aden, le général Aidarous al-Zoubaidi qui gère la situation dans cette ville située au sud-ouest du Yémen, a déclaré son indépendance. Les habitants de cette région comptent environ 1,7 millions d’âmes ce qui représente 5% de la population totale du pays (28 millions). Le CTS affirme que l’accord de Riyad de novembre définissant la répartition des taches entre le pouvoir central (du président Abd Rabbuh Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale) et le CTS n’a pas été appliqué, la faute en revenant aux "nationalistes" (le président Hadi).

Martin Griffiths, l’envoyé spécial de l’ONU, craint que cette sécession ne provoque une "guerre civile dans la guerre civile". À savoir que les forces gouvernementales soutenues par l’aviation saoudienne pourraient marcher sur Aden pour étouffer cette sécession. Le problème réside dans le fait que ce sont les Émirats Arabes Unis (ÉAU), les "alliés" de Riyad qui ont - au minimum - encouragé au départ le séparatisme sudiste. Washington et plus globalement les Occidentaux appuient la coalition formée par l'Arabie saoudite et les ÉAU (plus quelques autres pays comme le Soudan, l'Égypte, le Maroc... qui, depuis, ont cessé toute action sur le terrain)  il y a cinq ans pour écraser les rebelles Houthis soutenus par Téhéran. La Russie et la Chine sont restées relativement neutres dans cette affaire. Les ÉAU ont condamné le 27 avril la déclaration d’indépendance de leur poulain ne voulant pas s’engager contre leur puissant voisin et "allié", l’Arabie saoudite. À noter que les troupes au sol des ÉAU ont quitté le Yémen depuis octobre 2019. 

Comme d’habitude, la réalité est plus compliquée que les discours officiels veulent la présenter. L’aide de Téhéran aux Houthis a consisté à les soutenir politiquement, puis par envoyer des armes et des munitions et peut-être quelques instructeurs (vraisemblablement du Hezbollah libanais) et techniciens pour les aider à mettre en oeuvre des missiles sol-sol et des drones. L’intérêt de Téhéran consistait à prendre Riyad à revers pour soulager son effort principal qui a lieu en Irak, en Syrie et au Liban - le fameux "croissant chiite" -.

Pour mémoire, le Yémen a été partagé en deux de 1967 à 1990, le Sud qui longeait le Golfe d'Aden ayant un régime communiste, le seul du monde arabe.

Le conflit - comme dans de nombreux autres théâtres de guerre - devient inter-sunnites (1). Les Sudistes refusent l’entente qui existe entre le pouvoir légal et le parti Islah qui est d’obédience Frères musulmans. Mais les rebelles sudistes ne semblent pas être suivis par les gouverneurs d’Hadramaout, d’Abyane, de Shabwah, d’Al-Mahrah et de l’île de Socotra dont les provinces faisaient partie du Yémen su Sud jusqu'en 1990. Si les ÉAU ne soutiennent pas financièrement les mutins, leurs jours risquent d’être comptés d'autant que la crise économique - en partie liée au coronavirus mais pas seulement car au Yémen, on meurt d'abord de faim - ne permet pas à cette ville de s'en sortir seule. De plus, la banque centrale yéménite qui est basée à Aden est désormais fermée et gardée par des militaires saoudiens... Aucun mouvements de fonds ne peuvent se faire sans elle, et, en particulier le paiement des soldes des activistes du CTS.

Il convient de rajouter que, même si Riyad n'apprécie guère les Frères musulmans, le royaume soutient toujours à bout de bras le président Hadi (proche de la confrérie); en échange, ce dernier veut se montrer comme le rempart face à Daech et à Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA), ennemis mortels de la famille royale saoudienne. Ces deux mouvements salafistes-jihadistes se battent entre eux et aussi contre les troupes du président Hadi, contre les rebelles sudistes, contre les Houthis et contre la coalition... Au milieu de tout cela, les populations civiles sont écrasées par la misère que l'ONU tente d'endiguer tant bien que mal malgré les difficultés.  

La situation à Aden est en conséquence explosive et vient encore un peu plus compliquer le donne dans l'ensemble du Yémen. Une seule chose semble certaine, les ÉAU ne se lanceront pas dans une aventure contre l'Arabie saoudite. Il n'y a plus qu'à espérer que d'interminables négociations traditionnelles dans cette partie du monde, ne débutent dans les jours à venir.    

1. Point de "guerre des civilisations" ni de conflit entre chiites et sunnites. Juste des intérêts nationaux qui se percutent.

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