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Faut-il croire au 11 mai ? La réponse se cache dans les 4 questions sanitaires habilement escamotées par Emmanuel Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Dé-confinement

Le Président a fixé hier, la date du 11 mai pour un début de déconfinement de la population française. Mais cela sera-t-il suffisant pour enrayer l'épidémie et éviter une deuxième vague de contamination ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Face à cette pandémie dont le virus est nouveau, très contagieux et capable d’induire des pneumonies graves et particulièrement mortelles, les politiques publiques sont très différentes d’un pays à l’autre et produisent des résultats très divers. Pourtant les choix faits au début de l’épidémie sont capitaux car ils déterminent de manière quasi-irrattrapable l’impact sur la transmission et la mortalité. Dans ce contexte les actes visant à protéger la population, leur chronologie et leur dynamique sont les seuls repères. C’est dire que les résultats de l'exécutif ne sont plus comme en temps calme dissimulés par l’obsolescence programmée des nouvelles que transportent les médias. Tout arrive dans un temps très court et le lien entre la parole et les actes est facile à faire. L’exercice des allocutions télévisées est délicat. 

Confinement ou déconfinement le faux débat

Pour autant le président de la République n'a pas hier levé l'ambiguïté sur la définition du confinement. Il eût été souhaitable avant d'annoncer son prolongement que le confinement appliqué en France soit expliqué. Ce confinement est généralisé, s'applique indistinctement à tous les Français et son respect est très élevé dans les zones où l'État de droit existe beaucoup moins dans les autres. Les interactions sociales sont partiellement supprimées, l'activité économique est très profondément perturbée mais la circulation des individus se poursuit avec cette spécialité si française de l'attestation dérogatoire. Dans ce schéma de confinement indifférencié les individus porteur du virus continuent comme les autres à se déplacer de manière limitée mais sans entrave à la transmission du virus. En effet ceux qui n'ont pas été testés alors qu'ils ont pu par exemple présenter des signes cliniques compatibles avec une forme mineure de la Covid-19 sont dans l'ignorance du portage viral et de sa conséquence la contagion. Ceux qui ont été testés n’ont aucune contrainte de quarantaine par rapport aux autres citoyens, il n’ont pas eu d’explication de conduite à tenir, aucune logistique de surveillance, d'aide et d'assistance n’est en place. Bref ils sont en confinement alors qu'ils devraient être en quarantaine. Rien n'a vraiment avancé sur ce point après l'intervention du président de la République. Le confinement indifférencié est à la fois peu efficace et insoutenable. Il est indispensable de mettre en quarantaine les porteurs du virus jusqu'à ce qu'il soient immunisés. C'est pourquoi il ne faut pas s'éparpiller et concentrer l'action gouvernementale sur la mise à disposition des tests. Parler de leur disponibilité le 11 mai est simplement un délai trop long.  La France peut mieux faire.

Les tests et le centralisme étatique

Comme pour les masques, comme pour les solutions hydro-alcooliques, comme pour tous les produits, biens et service l'État n'est pas le meilleur acteur économique, il peut même être le pire. C'est pourquoi il faut laisser tous les acteurs économiques s'emparer de cette question, acheter sur le marché au gré de l'offre et de la demande les tests dont ils ont besoin qu’il s'agisse des laboratoires d'analyses médicales, des administrations publiques, des entreprises, sans aucune contrainte réglementaire superfétatoire. Il faut aussi relâcher les contraintes réglementaires pour permettre, si nécessaire, la production d’ancillaires comme les écouvillons, les réactifs ou bien l’utilisation des plateformes de lecture des tests. Je rappelle qu’il s’agit d’une dépense très faible car le test rt PCR est remboursé 54 €.

La logistique pour les personnes testées positives n’est pas en place

Même si les tests ne sont pas disponibles à une grande échelle, des Français ont été testés positifs qu'ils aient été laissés en surveillance chez eux ou traités à l'hôpital, en clinique puis renvoyés chez eux. Il est urgent qu'une logistique parfaitement adaptée c'est-à-dire organisée à l'échelon local, par exemple celui de la commune, soit en place partout en France pour que ces personnes ne soient pas laissées à elle-même, sans aide pendant la période de quarantaine, sans surveillance téléphonique au cas où une aggravation surviendrait. C’est un enjeu majeur pour aujourd’hui et pour demain car il n’est pas exclu que des foyers secondaires se déclarent. Cette transmission de l’action publique depuis l’exécutif aux régions et aux communes ne fonctionne pas efficacement. Or nous avons des ressources humaines considérables. Je ne parle pas des employés des collectivités qui sont sur le front de l'action publique, les policiers, les pompiers, les acteurs sociaux de terrain fortement sollicités mais plutôt des immenses ressources du back-office. À ce sujet le discours du président n’a pas développé d’initiative.

Les écoles et le risque d’incubateurs éparpillés

Dans ce contexte la réouverture des écoles mais pas des universités peut surprendre. Les écoles de par le comportement des enfants, risque devenir des incubateurs de petite taille mais à activité de transmission continue. Prendre ce risque pour 8 semaines de cours est il rationnel? Les arguments avancés sont minces. Le décrochement du télé-enseignement n’est même pas évoqué alors qu’il est le problème. Invoquer la discrimination sociale reste à prouver, les familles économiquement faibles n’étant pas a priori celles où ce décrochement est le plus important. En réalité ce décrochement renvoie à une double responsabilité, celle d’un appareil sur administré mais peu préparé à cette éventualité et celle des parents qui pour la plupart n’ont aucune excuse étant à la maison en chômage total ou partiel.

Les entreprises: l’enjeu central pour tous

Cet enjeu a eu une place peu importante dans le discours du président de la République. Il s'est borné à rappeler que l'État allait tout faire pour soutenir les entreprises pendant ce confinement indifférencié dont le coût par semaine est évalué pour l'instant à plusieurs dizaines de milliards (nous sommes passés de 18 milliards d’€ à 1,5% du PIB). Or La meilleure garantie de survie pour les entreprises c'est de retrouver des clients c'est-à-dire de reprendre leur activité. De ce point de vue il aurait été intéressant que l'avis du conseil d’analyse économique soit sollicité et connu des Français. Dans les régions où l'activité épidémique est faible il est urgent de rouvrir les entreprises. Encore une fois inspirons nous des solutions adoptées dans d'autres pays européens et qui fonctionnent. À ce sujet les syndicats patronaux devraient plutôt monter au créneau pour la réouverture des entreprises au lieu de parler de travailler plus alors que l'activité est loin d'être repartie et que de graves incertitudes pèsent sur la demande au moins pour l'année 2020. Pour ce faire il faut tout à la fois sécuriser le lieu de travail c'est-à-dire tester les salarié et organiser le travail dans des modalités de transmission minimale du virus et ce pour plusieurs mois.

Finalement ce qui domine aujourd'hui dans les décisions prises par le Président de la République c'est une forme de paralysie. Tout d’abord une paralysie économique subie de quatre semaines supplémentaires. Elle est due en partie à l’impossibilité de sortir du confinement indifférencié en raison de la pénurie de tests.  Ensuite une paralysie liée au refus de considérer que les régions peu atteintes par l'épidémie ne peuvent pas être sous le même régime de confinement que les autres. Enfin une forme de paralysie bureaucratique qu’il a lui même reconnue mais pour laquelle dans l’urgence il peine à trouver des solutions.

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