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Une poursuite du rapprochement pragmatique des Emirats Arabes Unis avec l’Iran à la faveur de la crise du COVID-19
©ATTA KENARE / AFP

Pragmatisme ?

L'épidémie de covid-19 pourrait-elle intensifier le rapprochement entre les Emirats Arabes Unis et l'Iran ?

Sébastien  Boussois

Sébastien Boussois

Sébastien Boussois est Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et consultant de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism). Il est l'auteur de Pays du Golfe les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin, 2019), de Sauver la mer Morte, un enjeu pour la paix au Proche-Orient ? (Armand Colin) et Daech, la suite (éditions de l'Aube).

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Et si la gestion du Covid-19 dans les pays du Golfe, en particulier aux EAU et au Qatar, nous en disait aujourd’hui un peu plus sur le vrai état de la relation d’Abu Dhabi avec l’Iran ?  En effet, à deux pas du foyer majeur de l’épidémie dans la région dans un pays déjà dans une situation délicate depuis la rupture de l’accord sur le nucléaire, les Emirats-Arabes-Unis ont été le premier pays arabe à avoir signalé être touchés de plein fouet par le nouveau Coronavirus. Si les 4 premiers cas détectés le 29 janvier 2020 venaient tous de Chine en janvier, de plus en plus de cas à partir de février sont arrivés d’Iran. Dans ce pays c’est l’hécatombe, entre mensonges et impuissance du gouvernement à avoir anticipé les choses : le 19 mars, le cap symbolique des 1000 morts était franchi.

Du 30 janvier au 10 février dernier, tous les voyageurs testés positifs aux Emirats arrivaient toujours directement ou indirectement de Chine mais à partir du 22 février, les premiers malades venant d’Iran ont rapidement été mis en quarantaine. Les premiers ont été un homme de 70 ans et sa femme de 64. Les jours qui suivirent, ce furent encore de nouveaux malades iraniens puis bahreïnis. Par la suite, de plus en plus provenaient d’un peu partout, ce qui est en grande partie du aussi à la situation tout à fait spécifique des Emirats, comme hub international avec leurs deux aéroports plateformes pour Etihad et Emirates. Chaque année, près de 1 million de touristes chinois visitent le pays (sur une population de 9,4 millions d’habitants) et 10 millions transitent par les deux fameux aéroports. 

Ce qu’il est intéressant de souligner, c’est que depuis le début du blocus de 2017 contre le Qatar et la mise au ban internationale de l’Iran, Dubaï s’est dépeuplée d’une des franges les plus riches de sa population et que le pays le vit toujours très mal. Près de 400 000 Iraniens ont déserté les rives de la clinquante Dubaï pour rentrer au pays. La ville en est encore aujourd’hui ébranlée car c’est aussi un pan majeure de l’histoire du pays où les Iraniens ont toujours joué un rôle économique puissant dans les eaux du détroit d’Ormuz. La crise attisée par Riyad et Washington commence à peser. 

Le déclenchement violent de l’épidémie aux Emirats, dans la foulée de celle en Iran, est la preuve que, la circulation entre les deux pays de personnes était une réalité, probablement au grand dam de l’Arabie Saoudite. Des hommes d’affaires iraniens furent même interceptés à la sortie de leur jet privé aux Emirats et testés positifs au Covid-19, prouvant le rétablissement du commerce également. Quand le coronavirus a touché Riyad le 2 mars dernier avec des malades provenant également d’Iran, le pays a rapidement pris ses dispositions et mis fin pour le moment à l’Omra, le pèlerinage saint des musulmans. Mohamed Ben Zayed a bien compris qu’il ne pouvait pas durablement se passer du commerce iranien, en anticipant des jours meilleurs. Et il a fait le choix de venir en aide à l’Iran, en fournissant le 16 mars dernier, plus de trente tonnes de vivres et de matérial médical pour venir en aide à Téhéran qui ne voit pas le bout du tunnel. Incroyable témoignage de la Ministre d’Etat iranienne chargée de la coopération internationale, Reem Bint Ibrahim Al Hashemi, repris par le Figaro le 17 mars : «  L’aide des Émirats à l’Iran reflète les principes humanitaires sur lesquels notre pays a été fondé. Livrer de l’aide pour sauver des vies est essentiel pour servir l’intérêt commun.»

En oubliant de mentionner comme le précise un communiqué du Bureau du Coordinateur de l’aide humanitaire des Nations Unies du 18 mars dernier que son pays, dans le même temps, s’est livré à une opération effroyable de bombardement au Yémen par deux fois de l’hôpital Al-Tawhra, en pleine crise du coronavirus. Depuis le début de la crise en 2015, les établissements hospitaliers du pays déjà mal en point ont été frappés près de 150 fois par les Saoudiens et les Emiratis. Avant la crise, déjà 80% des Yéménites avaient des besoins médicaux de première urgence et étaient déjà touchés par la famine, le choléra, la dengue, et la malaria. Ne manquait plus que le coronavirus que les Yéménites redoutent comme la peste. 

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