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Le choc pétrolier à la baisse va-t-il atténuer la crise économique qui vient ou l’accentuer ?
©Reuters

L'Europe est-elle en danger ?

Alors que le coronavirus continue de faire rage dans le monde et sur l'économie de manière générale, le cours du marché du pétrole est au plus bas depuis 2008.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico: Pouvez-vous nous expliquer l'effet du coronavirus sur le cours du pétrole ?

Stephan SILVESTRE: En chutant à moins de 34$ le baril, soit un plongeon de 26% dans la journée du 9 mars et plus de 50% depuis le 1er janvier, le Brent a retrouvé de façon inattendue le niveau du gouffre dans lequel il s’était abîmé à la fin de l’année 2015. Il y a deux causes à cet effondrement. La première est liée à l’échec de la réunion entre l’OPEP et les pays producteurs alliés (dite OPEP+), et singulièrement entre l’Arabie Saoudite et la Russie. L’objectif initial de Riyad était d’obtenir une nouvelle baisse de la production de 1,5 million de barils par jour (Mbpj) répartie entre l’OPEP et ses alliés (la Russie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et quelques autres) afin d’enrayer la chute du prix du pétrole, sorti fin janvier du canal entre 60 et 70$ dans lequel le cartel s’efforçait de le maintenir. Cet échec, assorti d’une guerre des prix ouvertement lancée entre l’Arabie Saoudite et la Russie, a provoqué instantanément une spéculation à la baisse. Cette situation n’est pas réellement une surprise lorsque l’on se souvient qu’en 2016 Poutine était rentré à reculons dans l’accord de l’OPEP+, le bras tordu par plusieurs mois de pression de la diplomatie saoudienne. La Russie ne respectait d’ailleurs que partiellement les quotas qui lui étaient imposés et qui entravaient sa liberté commerciale.

Cette nouvelle bataille commerciale est tombée au beau milieu de la crise sanitaire et économique du coronavirus, qui a non seulement entraîné une baisse de l’activité mondiale, mais aussi une hausse de la volatilité sur les marchés financiers. Mais il ne s’agit pas que de spéculation. Les marchés anticipent aussi une forte baisse de la demande en pétrole, liée à la chute de l’activité chinoise (et asiatique), mais aussi à celle des transports, tous moyens confondus, aussi bien pour le fret que pour les passagers. La conjonction de ces facteurs négatifs a provoqué la rupture des supports techniques des cours et donc l’emballement des positions vendeuses.

 Le choc pétrolier va-t-il atténuer la crise économique qui vient ou va-t-il l'accentuer ? Va-t-il accentuer les tensions entre l'Arabie Saoudite et la Russie ?

En général, la baisse des cours du pétrole agit sur les consommateurs, particuliers comme entreprises, comme une baisse de la fiscalité, donc en provoquant une hausse de la consommation. Mais cela ne se concrétise que lorsque la baisse est continue sur plusieurs mois. Si le contrechoc est transitoire, son effet restera imperceptible. En revanche, l’effet financier sera plus néfaste : une forte baisse du prix du pétrole est toujours interprétée par les marchés comme un indicateur d’affaiblissement économique. Cela entraîne généralement un repli vers des actifs refuges, comme l’or. Pour le premier semestre 2020, il faut plutôt s’attendre à une accentuation de la crise.

Quant aux relations russo-saoudienne, elles vont bien entendu se détériorer et c’est d’ores et déjà le cas. C’est Riyad qui a frappé la première en annonçant la vente de pétrole bradé aux clients de la Russie. La réponse de Poutine a été de hausser le menton en affirmant que son industrie pétrolière pouvait parfaitement supporter des prix bas. Cette déclaration n’a pas rassuré les marchés sur une hypothétique sortie de crise. Poutine n’étant pas de nature à passer l’éponge, de nouvelles tensions sont prévisibles.

Comment palier à cette crise ? L'Europe est-elle en danger ?

La question qui préoccupe en ce moment les marchés est la forme de la sortie de crise : en V (très peu probable), en W, en U (c’est-à-dire une remontée de la croissance après une période de stagnation près de 0), voire en L (c’est-à-dire sans remontée après la crise). Les autorités politiques, européennes comme américaines, comptent sur leurs banques centrales pour favoriser la reprise d’activité au terme de la crise en maintenant des taux d’intérêt proches de 0%. Mais cette politique ne s’est jamais avérée efficace pour relancer l’activité. D’autres mesures comme des reports de prélèvements obligatoires pour les entreprises fragiles ou la facilitation de la mise en place de chômage partiel devraient limiter un peu la mortalité des PME les plus fragiles. Mais l’économie ne repartira que lorsque la confiance des consommateurs sera revenue, donc pas avant 2021.

La multiplicité des structures de soutien en Europe la rend mieux armée pour traverser cette crise avec un minimum de casse. Mais le revers de la médaille est une faible capacité de rebond au sortir de la crise. Sur le plan énergétique, l’avantage de l’Europe est que, contrairement aux USA ou la Russie, son industrie énergétique pèse peu dans son économie. La baisse des cours du pétrole n’entraînera donc pas de casse industrielle et sociale. En revanche, elle risque de contrarier sa politique de transition énergétique vers des ressources non carbonées.

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