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 Coronavirus : mode d’emploi pour bien nettoyer son téléphone portable par temps de contamination
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Minute tech

Votre téléphone est un aimant pour les maladies. Voici comment le désinfecter en toute sécurité et le reste de votre équipement pour vous aider à rester en bonne santé à mesure que le coronavirus se propage.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Pourquoi est-ce important de nettoyer ses appareils électroniques ?

Stéphane Gayet : Avant toute chose, il convient de bien définir le contexte qui nous occupe. Nous souhaitons maîtriser le risque microbien lié à la présence de microorganismes sur un appareil électronique. Il faut relativiser ce risque que l’on a parfois tendance à surestimer. L’hypothèse de base –c’est plus qu’une hypothèse – est que les appareils électroniques que l’on manipule de façon quotidienne sont des vecteurs inanimés potentiels de microorganismes. En pratique, ce risque est sensiblement différent selon que l’on cible les bactéries ou bien les virus.

Le risque bactérien

Les bactéries sont de minuscules cellules vivantes, dont seulement 100 à 150 espèces (sur des milliards dans le monde) ont un potentiel de pathogénicité pour le corps humain. Leur réservoir est avant tout le corps humain et, de temps en temps, l’animal (zoonoses). Plusieurs genres de bactérie sont fragiles sur le plan physique, et ne peuvent donc pas survivre dans l’environnement inerte : pneumocoque, gonocoque, méningocoque, hæmophilus, tréponème, leptospire, borrélies… Alors que les staphylocoques et surtout les entérocoques, au contraire, ont la faculté de persister pendant des heures et souvent des jours dans l’environnement, tout en restant bien sûr vivantes ; cependant, cela n’implique pas que ces bactéries vont s’y multiplier (elles ont pour cela besoin de chaleur et d’humidité).

Des bactéries de type bacille à Gram négative se retrouvent souvent sur les mains après défécation, et peuvent par voie de conséquence contaminer - via les mains - différents appareils électroniques : il faut citer les serratia, les enterobacters, les klebsielles et les pyocyaniques. Ces bactéries ont une bonne résistance sur les surfaces inertes, mais à la condition d’une humidité locale suffisante. Elles peuvent, quand c’est le cas, contribuer à la formation d’un biofilm, couche visqueuse qui va les protéger contre la dessiccation et le nettoyage léger.

Mais à part les staphylocoques dorés, ces différentes bactéries ne sont que très peu pathogènes pour les personnes saines, alors qu’en hospitalisation, elles peuvent générer des infections nosocomiales (liées aux soins). On a donc tendance à une exagération du risque bactérien, qui est généralement négligeable en dehors de l’hôpital et de cas particuliers, comme les colites à Clostridium perfringens et les salmonelloses digestives.

Le risque viral

La situation est radicalement différente. En cas d’infection virale pulmonaire, la toux et la parole à voix forte émettent un aérosol très riche en virions (particules virales). Cet aérosol est constitué de micro gouttelettes d’un diamètre de l’ordre de 5 à 150 microns (millièmes de millimètres). La contamination par projection est donc d’un niveau élevé, cependant elle ne concerne que les objets se trouvant à une distance de 50 centimètres à un mètre au grand maximum. Au-delà, le risque est très faible. Cette contamination s’effectue aussi, comme on le sait, largement par les mains. Elles sont l’unique mode de contamination lorsqu’il s’agit d’une infection virale digestive (gastroentérite aiguë virale).

Alors que les virus entériques sont résistants sur le plan physique dans l’environnement, les virus respiratoires sont assez fragiles, du moins quand on a affaire à un virus à ARN enveloppé (virus dits lipidiques, parce que leur enveloppe est riche en lipides) ; cette enveloppe virale est sensible aux détergents, ainsi qu’à la dessiccation : elle est en fait le contraire d’une protection ; son intégrité est indispensable pour la reconnaissance des virus par les cellules muqueuses humaines.

Le virus de la grippe et les coronavirus sont des virus à ARN enveloppés, donc fragiles.

Mais avec les virus, pas de multiplication, pas de biofilm : une simple persistance. On considère que les virus à ARN qui ont une enveloppe s’inactivent par dénaturation biologique spontanée au bout de quelques heures (de l’ordre de trois).

Attention : plusieurs études conduites en laboratoire ont réussi à montrer que, dans des conditions artificielles, ces virus respiratoires pouvaient persister plus longtemps ; ces études virologiques n’ont pas d’intérêt épidémiologique en pratique. Elles débouchent sur des publications induisant des excès de prévention et un usage excessif de désinfectants toxiques.

En pratique, quelle est la réalité du risque microbien lié aux appareils électroniques ?

Il est loin d’être négligeable avec les virus entériques et certaines bactéries intestinales, mais il est vraiment faible en cas d’infection respiratoire virale à virus à ARN enveloppé. A ce propos, il faut garder la tête froide et la raison, face à cette profusion de publications à destination du grand public, dont le but essentiel est d’affoler les gens et de les pousser à une utilisation indue de désinfectants. Il s’agit de travaux plus ou moins rigoureux qui consistent à écouvillonner de multiples objets du domicile : toilettes, éponges, évier… Cela n’a sincèrement aucun intérêt : on y retrouve en toute logique tout une variété de bactéries qui ne représentent le plus souvent aucun danger pour la santé de l’Homme. Le but de ces publications est d’intéresser et inquiéter les lecteurs, sans doute également de les pousser à utiliser sans pertinence des désinfectants. Ce sont véritablement des publications toxiques, mais qui remportent régulièrement du succès. Elles donnent du grain à moudre aux ménagères obsessionnelles. Elles nous détournent de la véritable hygiène qui demande des connaissances et du discernement : elle est diamétralement opposée à la désinfection rituelle, qui est nocive du fait des produits utilisés.

Le mot d’ordre pourrait être : « Traquez vos mains et cessez de traquer votre environnement. »

Cela dit, en période épidémique d’infection respiratoire à coronavirus, il est quand même raisonnable de décontaminer le téléphone mobile avec une lingette ou du vinaigre blanc (c’est un nettoyant qui inactive les virus à ARN enveloppés), voire une lingette nettoyante avec le moins de composants toxiques possible.

Y a-t-il des spécificités en fonction de l'appareil ? Quelles sont les zones à nettoyer en priorité sur un ordinateur ou un smartphone ?

Il y a lieu de discuter en fonction de la surface concernée.

L’influence du type de support contaminé

Les surfaces poreuses (textiles, éponges, feutre, cuir…) protègent les virus déposés ou projetés ; en revanche, le coefficient d’arrachement (c’est-à-dire la probabilité de leur récupération par contact avec les doigts) est très faible. A l’inverse, les surfaces à la fois dures et lisses (verre, inox, corian, plexiglas dur…) ne protègent pas les virus déposés ou projetés, mais le coefficient d’arrachement est élevé.

Attention : les composants électroniques craignent l’alcool et l’humidité ; en voulant se protéger de cette façon, on risque d’endommager son appareil par infiltration au travers des interstices. Donc, en ce qui concerne la vie de tous les jours et sauf risque de contamination très probablement élevé, il faut surtout rester raisonnable. Et dans bien des cas, en présence d’appareils électroniques fragiles, la solution du film alimentaire que l’on remplace souvent est une mesure plus adaptée.

Pour répondre à la question, les zones les plus à risque sont les parties que l’on touche le plus. Ce sont en effet les contacts avec les doigts dont il faut neutraliser les effets ; l’impact des aérosols de micro gouttelettes étant d’un danger limité, en dehors de la situation où l’on éternue, tousse et parle fort à très faible distance de l’objet.

Il faut garder à l’esprit que le risque diminue rapidement avec la distance de la source de l’aérosol (personne qui tousse), et qu’il est divisé par un facteur de 2 à 3 à chaque intermédiaire : une personne qui tousse à 50 cm d’une personne saine est une situation très dangereuse (90 % de risque de contamination) ; si maintenant elle tousse à 50 m d’un appareil quel qu’il soit (téléphone mobile, tablette électronique, clavier d’ordinateur…), le risque de se contaminer en touchant une zone qui a été impactée par l’aérosol n’est plus que de l’ordre de 35 %, et ainsi de suite. N’oublions pas qu’il n’y a aucune prolifération des virus dans l’environnement inerte.

En cette période de coronavirus, quels gestes adopter au bureau, en société ou dans un cyber café ? Faut-il arrêter de prêter son smartphone et laisser plusieurs personnes utiliser un même ordinateur ?

Il faut surtout observer les recommandations de distanciation sociale : ne pas se serrer la main ni se faire la bise, s’écarter immédiatement dès qu’une personne apparemment fiévreuse tousse et alors que ce n’est pas dans son habitude, et éviter le plus possible les lieux de forte concentration humaine. Il est vrai que toutes ces mesures de protection sociétale vont à l’encontre caractère social de l’être humain, mais à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Il est conseillé de manipuler les poignées des lieux publics (portes, barres d’appui) au travers d’une feuille de papier ou de cellulose ou encore d’une lingette (mais le caractère désinfectant de la lingette n’apporte rien dans ce cas) : on ne peut pas passer ses journées à se laver ou se désinfecter les mains. Le plus important est d’éviter de se les contaminer et surtout de se les laver ou se les désinfecter avant de porter ses doigts à sa bouche ou de toucher quelque chose qui va aller au contact de sa bouche : c’est simple, c’est vraiment très simple, c’est un réflexe à acquérir, une habitude à prendre ou à reprendre.

C’est quand même un peu plus pertinent que de se les laver ou se les désinfecter toutes les heures ; un message récurrent qui va à l’encontre de la réflexion et d’une attitude avisée et responsable ; il a même un caractère un peu infantilisant.

Evidemment, il est prudent et sage d’utiliser le moins possible les appareils électroniques à utilisateurs multiples. Le prêt du smartphone n’est pas raisonnable non plus.

Bien sûr, ces mesures logiques et efficaces font ricaner beaucoup de Français, comme à l’accoutumée.

Il y a du travail à faire pour combattre les idées reçues et inculquer de vraies notions d’hygiène, discipline de prévention, qui demande de la réflexion, à la place des rites irréfléchis et peu efficaces.

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