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Le coronavirus serait plus dangereux en Europe qu’en Chine
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Coronavirus

En Chine, les températures sont plus élevées et le climat est plus humide, ce qui limite sa diffusion dans l’air. En Europe, le climat est plus froid et plus sec, ce qui la favorise au contraire

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Le coronavirus continue de se propager. Ce vendredi, 30 morts ont été annoncés en Chine, chiffre le plus bas depuis la semaine dernière. À l’inverse, les chiffres en France et dans le reste de l’Europe ne cessent d’augmenter. Comment expliquer cela ?

Stéphane Gayet : 

Une vague épidémique comporte :


1. Une phase de début apparent ;
2. Une phase d’extension plus ou moins rapide, selon la contagiosité, la durée de l’incubation, la vitesse d’évolution de la maladie chez une personne infectée et l’efficacité de l’immunité post-infectieuse ;
3. Une phase d’état ;
4. Une phase de décroissance ;
5. Une phase d’extinction apparente.

Il peut survenir une, deux ou parfois trois vagues épidémiques. Lors de la phase d’état, le virus circule largement dans la population exposée. Actuellement, depuis le 6 mars, le nombre de cas mondiaux d’infection à SARS-CoV-2 a dépassé les 100 000.

Pour le CoVid-19 (infection à SARS-Cov-2), on estime qu’il y a 80 % de formes bénignes, 15 % de pneumonies qui nécessitent une hospitalisation et 5 % de formes sévères dont certaines évolueront vers le décès. Le cas échéant, le décès est le résultat d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë avec défaillance multi viscérale. Lorsque la guérison survient, elle se produit dans l’immense majorité des cas sans séquelles, mais il existe tout de même la possibilité d’une fibrose pulmonaire qui va alors déterminer une insuffisance respiratoire chronique.

L’épidémie en Chine est en phase d’état et va commencer à décroître. Le taux de létalité sur le sol chinois a été élevé, mais il a nettement baissé. Il a été élevé en raison de l’explosion épidémique qui a complètement saturé l’offre de soins ; d’où une perte de chance pour un grand nombre d’infectés nécessitant une hospitalisation.

Dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, comme Singapour et Taïwan, l’épidémie a été gérée de façon draconienne (mais sans fermeture d’écoles) et a pu être jugulée de façon remarquablement efficace.

En Europe et aux Etats-Unis, la vague épidémique est bien sûr décalée dans le temps, en raison notamment des mesures de prévention (mesures barrière et de distanciation sociétale). Nous sommes encore en phase d’extension et c’est pourquoi le nombre de cas ne cesse d’augmenter. Car, dans beaucoup de pays occidentaux et contrairement à la façon dont la crise a été gérée à Singapour et à Taïwan, l’observance des mesures barrière et de distanciation sociétale est de mauvaise qualité (manque de discipline). En France, il suffit d’aller dans le hall d’une gare pour comprendre qu’un grand nombre de sujets n'a pas compris les mesures et partant les applique vraiment mal (on continue en effet de voir des personnes qui portent un masque chirurgical en croyant ainsi se protéger). Et si vous voulez leur expliquer qu’elles se méprennent, leur réaction est une réaction bien française. Concernant maintenant le taux de létalité en Europe et aux Etats-Unis, il se situe entre 1 et 2 % en première estimation. Le taux de létalité mondial de 3,4 % qui avait été annoncé, n’était pas représentatif de la réalité. Car on ne peut pas connaître l’exact dénominateur (nombre total de personnes infectées), pas plus que calculer un taux de létalité avant que l’épidémie ne soit éteinte : en effet, certains malades peuvent décéder après quinze jours ou même trois semaines de réanimation.

Le coronavirus est-il plus virulent en Europe qu’en Chine ? Serait-il plus dangereux en Italie ou en France qu'en Chine ?

Les virus à ARN ont un génome plus fragile que les virus à ADN. C’est vrai en général et l’on sait que le génome du virus de la grippe, qui est segmenté, peut se modifier facilement, d’où la nécessité d’adapter chaque année le vaccin antigrippal.

Cependant, le coronavirus fait exception parmi les nombreuses familles de virus à ARN. Lors de la réplication du génome du virus par la cellule (le virus est passif, inerte), le risque d’erreur de copiage de l’acide nucléique viral (ARN) est tout de même assez élevé. Pour réduire ce risque, le coronavirus possède un dispositif de relecture après copie, ce qui permet de corriger les erreurs le cas échéant. C’est quelque chose de singulier au sein des virus à ARN connus. Ce génome viral est donc assez stable pour un virus à ARN, mais on considère qu’il possède une plasticité. Ce qui signifie que ce génome est protégé des accidents de copie, tout en possédant un potentiel adaptatif.

Depuis quelque temps circule l’information selon laquelle le virus SARS-CoV-2 aurait muté : des chercheurs de l’université de Pékin ont en effet déclaré qu’il y aurait actuellement, non pas une souche, mais deux souches de SARS-CoV-2, appelées souche L et souche S. La souche S serait la souche originelle dont la souche L dériverait ; et la souche L serait à présent la souche prédominante (70 %). En réalité, la différence de génome entre ces deux souches S et L, est tout à fait minime et elle n’aurait pas d’incidence sur la contagiosité ni la gravité de la maladie : on ne peut donc pas véritablement parler de deux souches différentes. Mais ceci devra être précisé davantage.

Toujours est-il qu’à ce jour, il est infondé d’affirmer que la souche de SARS-CoV-2 a muté et qu’elle serait plus dangereuse. Il est cependant exact que l’Italie a à la fois un très grand nombre de cas pour un pays européen et que son taux de létalité apparent (provisoire) est énorme, soit de 3,8 % (3858 cas dont 148 décès en date du 6 mars). Cet échec italien serait donc dû, non pas à une souche plus dangereuse, mais à une défaillance de leur système de santé. Il faut rappeler que le taux de létalité français calculé (provisoire) est de l’ordre de 1,6 %.

Est-ce que l’on peut s’attendre à de nouvelles mutations du Covid-19, évolue-t-il dans le temps ? Devenir un virus récurrent au même titre que la grippe ?

Une chose est certaine, ce coronavirus, dont le réservoir principal est selon toute vraisemblance la chauve-souris comme pour les autres coronavirus connus, est parvenu, grâce à l’intermédiaire probable du pangolin (mammifère à écailles qui vit en Chine et serait la passerelle de la chauve-souris à l’homme), à franchir la barrière d’espèce de l’animal à l’Homme. Il a fallu une modification (« mutation ») de son génome pour que ce soit possible : un virus est une particule biologique qui est passive, il est acheminé grâce aux courants aériens et aux contacts jusqu’à une muqueuse des voies aériennes que l’on appelle supérieures (VAS). Ces cellules muqueuses des VAS de l’Homme possèdent un récepteur portant le nom d’ACE2. Ce récepteur est le même que pour le SARS-CoV de 2003, mais différent de celui du MERS-CoV de 2013 (Moyen-Orient). Ainsi, c’est grâce à une modification de son site d’attachement cellulaire (adhésion) le rendant compatible avec le récepteur des cellules respiratoires humaines (récepteur ACE2) que cette souche de SARS-CoV-2 a pu passer chez l’Homme et donner lieu à une épidémie (cette modification génomique du virus reflète sa plasticité) ; mais c’est un phénomène dit stochastique, en d’autres termes plus ou moins hasardeux.

Quant à la possibilité pour la souche SARS-CoV-2 de devenir un virus saisonnier récurrent, elle s’inscrit dans l’hypothèse de l’épidémiologiste américain Marc Lipsitch qui est professeur à l’université de Harvard (Boston, Massachusetts, USA).

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