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Lutte contre l’islam radical : comment le Maroc articule moyens sécuritaires et réponse "idéologique"
©FETHI BELAID / AFP

Moyens d'action

Le Maroc tente de lutter efficacement contre la radicalisation et l'islamisme. Sophie de Peyret, de l'Institut Thomas More, évoque ce sujet. Elle vient de publier une note d'analyse, "Nation et religion : l'expérience marocaine".

Sophie de Peyret

Sophie de Peyret

Sophie de Peyret, chercheur associé à l’Institut Thomas More, vient de publier la note d’analyse « Nation et religion : l’expérience marocaine », disponible ici

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La lutte contre l’islamisme est aujourd’hui un objectif planétaire. L’idéologie radicale gangrène tous les pays du globe, musulmans ou non, et n’épargne aucun territoire. Qu’il s’agisse des nations, des organisations régionales ou des organisations internationales, ce combat est au premier rang des priorités. Mais, alors qu’il devrait s’agir d’un combat à mener sur une multitude de fronts à la fois (militaire, policier mais aussi éducatif, culturel, social, etc.), l’enjeu de la sécurité immédiate l’emporte. 

Cela est parfaitement explicable bien sûr. L’urgence pour les États est de parer au risque terroriste si bien que les réactions immédiates leur imposentde recourir aux outils sécuritaires dont l’éventail ne cesse de s’étoffer. En France, après la vague d’attentats de 2015, ce fut l’application de l’état d’urgence, maintes fois reconduit, avant le renforcement des dispositifs législatifs en matière de sécurité et de lutte anti-terroriste.Idem au Royaume-Uni où en 2016, le Parlement autorisait l’extension des pouvoirs de surveillance des services de police et de renseignement. Mais si ces parades, parfaitement légitimes, permettent de démanteler des cellules et de prévenir des attaques, elles ne traitent que des symptômes sans s’attaquer aux racines. 

Il est un pays qui s’efforce d’articuler réponse sécuritaire et réponse « idéologique » : c’est le Maroc. Il est intéressant de voir comment il procède.Touché lui aussi sur son sol par des attentats meurtriers en 2003 et 2011, le royaume a naturellement déployé divers contrefeux sécuritairesau moyen notamment d’uneréorganisation en profondeur des services de renseignement et de sécurité, d’une mutualisation des moyens et des informations, d’une attention toute particulière accordée aux réseaux sociaux et à ce qui y circule. Ces mesures, associées à une intensification de la coopération internationale semblent porter leurs fruits.

Mais le pays a également intégré le fait que, dans la lutte contre l’État islamique et les autres groupes radicaux, ce sont aussi et surtout les racines idéologiques et doctrinales du terrorisme qu’il faut combattre.Car il est vain de prétendre combattre des idées si aucun discours n’est proposé pour les remplacer.A cet effet, et avec l’aide de théologiens et de juristes musulmans, le pays a élaboré une déconstruction point par point de l’argumentaire radical (réfutation des fondements de l’idéologie islamiste sur la guerre sainte, la légitimité du calife auto-proclamé, etc.). Les mécanismes de cette contre-doctrine s’adossentau principe « d’attachement aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue », qui figurent au fondement de la monarchie marocaine (préambule de la Constitution de 2011). Il apparait alors que par tradition aussi bien que par conviction, le royaume s’est employé à défendre de manière activela contextualisation des textes religieux, l’intégration des minorités, les confréries soufies, la culture et les festivals de musique, le dialogue interreligieux,etc. En d’autres termes, le Maroc s’attache à promouvoir à peu près tout ce que Daesh condamne.

Ce discours alternatif enseigné dans les instituts de formation des préposés religieux, prêché dans les quelques 52 000 mosquées, dispensé dans les écoles, vise à endiguer la prolifération et à supplanter les thèses radicales. C’est aussi lui qui, depuis 2017, est diffusé dans les prisons dans le cadre d’un vaste programme destinés à certains radicalisés volontaires. Dans la mesure où cette initiative a pour objectifde réconcilier les détenus tant avec l’islam modéré, qu’avec eux-mêmes et la société, celui-ci fut baptisé Musalaha (réconciliation). Il comporte de multiples modules allant de la compréhension des textes religieux à l’accompagnement psychologique en passant par des aides à la réinsertionet s’adresse non seulement aux salafistes et djihadistes condamnés pour terrorisme mais également à tous les détenus susceptibles de céder à la radicalisation. Sa philosophie pourraitainsi se résumer au triptyque  « immuniser, sensibiliser, réinsérer ».

Toutes ces entreprises visent bien sûr les ressortissants et résidents marocains mais peuvent servir de support à plus large échelle.En effet, face à l’ennemi commun que représente l’islam radical, les enjeux dépassent les strictes frontières des États et la coopération s’impose logiquement. Entre États, entre religions, entre structures internationales, l’unique solution restebien de trouver des alliés et d’unir leurs forces. Or, par la mise en place de sa stratégie d’endiguement idéologique, le Maroc apporte indéniablement une pierre importante à l’édifice de la lutte mondiale contre Daesh.

Alors que l’adage prétend que « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », et aux vues des moyens déployés par le royaume pour contrecarrer les ambitions de l’adversaire islamiste, il devraitlogiquement intégrer le cercle des partenaires incontournables de la France. Si la coopération existe déjà, elle mériterait d’être intensifiée et élargie.

Sophie de Peyret, chercheur associé à l’Institut Thomas More, vient de publier la note d’analyse « Nation et religion : l’expérience marocaine », disponible ici

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