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 Nouvelles ingérences électorales (de Russie ou d'ailleurs) en vue : les démocraties occidentales toujours pas vaccinées
©JOSEPH PREZIOSO / AFP

Un homme averti n’en vaut toujours pas deux

Les accusations d'ingérence russe font leur retour dans la campagne présidentielle américaine. Des parlementaires craignent que les Russes tentent de favoriser Donald Trump et Bernie Sanders.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Le Congrès américain estime, comme lors de la campagne présidentielle de 2016, que les Russes tentent de nouveau de favoriser certains candidats, en l'occurence Donald Trump et Bernie Sanders. Cette ingérence peut-elle toucher l'Europe et la France ? Est-ce déjà le cas ?

Edouard Husson : Je suis pour ma part extrêmement sceptique sur les ingérences en questions. Je suis prêt à en accepter l’existence si on nous livre des éléments concrets, en désignant les responsables de cyber-attaques. Or jusqu’à présent, il n’y a rien eu de probant. Les accusations d’ingérence russe dans les serveurs de la campagne d’Hillary Clinton étaient destinés à camoufler le fait que les fuites avaient été internes. Pendant deux ans, on nous a expliqué que les Russes avaient manipulé l’élection en faveur de Donald Trump, sans résultat. Puis les démocrates ont déclenché une procédure d’impeachment abracadabrantesque, essayant de prouver que Trump avait fait pression sur le président ukrainien: c’était pour mieux camoufler les affaire sordides de personnalités démocrates. En l’occurrence, l’Europe crie au loup, pardon à l’ours, par mimétisme. Avant les européennes, Angela Merkel a dit craindre une ingérence russe et fait voter une loi sur les « fake news ». On n’avait pas vu la Chancelière agir de la sorte après la découverte des écoutes de son Blackberry par les Etats-Unis. De même, Emmanuel Macron nous assure que ses serveurs ont été attaqués avant le premier tour de la présidentielle de 2017. Nous voulons des preuves. Pourquoi écarter les pistes américaine, chinoise ou d’autres au profit de la seule russe. Pourquoi prétendre qu’il s’agit du gouvernement russe et ne pouvoir nous donner, finalement, que de vagues indications sur des individus.

Le meilleur moyen de s'en protéger n'est-il pas d'avoir des hommes politiques crédibles en face ? Possédons-nous des hommes politiques en France (et en Europe) capables de tenir tête à la Russie ?

Avec l’affaire Griveaux, on atteint le sommet de l’inconséquence. C’est un opposant à Poutine qui diffuse une vidéo sur les réseaux sociaux mais le Président, à la conférence de Munich sur la sécurité, parle en général de manipulations du gouvernement russe. Vous avez raison, la réalité, c’est la chute de niveau de la classe politique et la recherche d’un bouc émissaire. Encore une fois, il est bien possible qu’il y ait des cyber-attaques russes. Comme il y en a certainement d’autres pays. Et l’on ose espérer que la France a un dispositif de lutte contre toutes les ingérences étrangères. Nous sommes vraisemblablement suivis de près par nos meilleurs partenaires. J’aimerais bien qu’on nous parle du travail de nos partenaires de l’Union Européenne, à commencer par l’Allemagne, pour peser sur nos processus électoraux. J’espère d’ailleurs que la France aussi s’intéresse de près à ce qui se passe dans les pays, amis ou pas. Si ce n’était pas le cas, cela voudrait dire, effectivement, que nos gouvernants ne’ sont pas du tout à la hauteur.

Cette ingérence n'est-elle pas - surtout - en train d'affaiblir la confiance des européens dans leurs systèmes démocratiques ? Qu'est-ce qui nous fait perdre confiance en notre démocratie ?

Je ne crois pas que l’ingérence étrangère dans les processus électoraux soit la première cause, ni même une cause essentielle d’affaiblissement de la confiance dans nos systèmes démocratiques. La cause première, c’est l’absence de débat au sein des élites néolibérales de gauche et de droite. Elle a engendré, par réaction, le populisme. Comme les élites néolibérales sont impuissantes devant la montée des populismes et la désaffection croissante des électeurs, elles sont trop heureuses de disposer d’une histoire à raconter, celle de l’ingérence russe. Vous aurez remarqué que les populismes sont souvent russophiles. Il n’en faut pas plus pour que les partis de gouvernement crient à la connivence. Mais la réalité est ailleurs: l’électorat des classes moyennes et précarisées a essentiellement, en France en particulier, perdu confiance dans les médias. Il refuse d’entrer dans quelque mythologie que ce soit.

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