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Comment faire sans la Chine ? Le G20 finance tente de sauver la production mondiale du coronavirus
©ROSLAN RAHMAN / AFP

Economie à l'arrêt

Ce week-end a lieu le G20 Finances où le coronavirus et son impact sur l'économie mondiale devraient être au cœur des discussions.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Hormis la Chine, quels sont les pays les plus touchés par l'épidémie de coronavirus, au niveau économique ?

Michel Ruimy : La Chine est devenue, au cours des deux dernières décennies, l’un des centres névralgiques de l’économie mondiale et l’actuelle crise sanitaire rappelle cette extrême dépendance. Loin de se cantonner, comme lors de son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001 aux produits de consommation courante, elle a développé en vingt ans une industrie diversifiée et à forte valeur ajoutée qui la positionne favorablement dans la plupart des chaînes de valeur des produits complexes. Cette évolution est toutefois passée souvent inaperçue alors qu’elle modifie profondément la nature des courants d’échange internationaux. La crise du coronavirus est en train de révéler brutalement la place nouvelle de la Chine dans l’industrie mondiale.

Environ 95% des exportations chinoises sont des produits manufacturés. Près de la moitié de ces exportations sont des machines et équipements de transports, moins d’un tiers des équipements électroniques et de télécommunications. Les textiles et vêtements ne représentent plus que 5% contre 15% en 2005.

Ainsi, compte tenu de la place de la Chine dans l’économie mondiale, la perte de production va réduire sa capacité d’exportation et perturber les chaînes logistiques de ses clients, de même qu’elle va réduire ses besoins de produits importés. Pour mesurer l’impact économique de ce double mouvement, il faut s’intéresser aux grands marchés potentiellement impactés et tenter de chiffrer la perte de production d’une part, en fonction du degré d’exposition des centres industriels aux mesures de confinement et d’autre part, de la durée de ces mesures. Il y a beaucoup d’inconnues dans cette analyse, qui plus est susceptible d’évoluer en fonction d’informations nouvelles.

De façon immédiate, les principaux pays concernés sont ses voisins émergents du Sud-Est asiatique, constructeurs automobiles (Hyundai…). Mais les pertes de production affectent aussi leurs homologues européens présents en Chine (Volkswagen, BMW...).

La Chine, qui consomme près de 10% de la demande mondiale de pétrole, a également réduit ses importations. Associé au ralentissement de ses activités, l’impact immédiat peut être estimé à environ 15% de la demande globale. Le prix du baril de pétrole brut a chuté : passage de 63 dollars début janvier à 50 dollars début février. Les pays producteurs de pétrole sont également touchés.

Autre impact, le tourisme. Les arrivées en provenance de la Chine se sont brutalement taries et, avec elles, une baisse d’activité. On estime les dépenses des touristes chinois en France à environ 4 milliards d’euros par an.

Pour ce qui est des débouchés, les secteurs les plus touchés sont, a priori, le luxe, l’agroalimentaire, les machines. L’Allemagne et la France - dans une moindre mesure car elle exporte moins en Chine - sont touchés.

Le ban et l’arrière-ban de l’économie mondiale sont aujourd’hui touchés par la paralysie de la Chine. Après le choc de la demande, voici venu celui de l’offre.

Quel est, jusqu’alors, l’impact réel du coronavirus au premier trimestre ? Quels ont été les secteurs les plus affectés par l’épidémie ?

L’industrie automobile chinoise est devenue la première mondiale. Elle représente désormais le tiers de la production mondiale. Wuhan est le siège de Dongfeng, deuxième constructeur automobile chinois, et abrite plusieurs co-entreprises, dont PSA, Renault, Nissan et Honda. Trois équipementiers français Valeo, Plastic Omnium et Faurecia y sont implantés. Mais, l’industrie automobile chinoise tire des milliers d’entreprises cotraitantes dans l’acier, le verre, les plastiques et caoutchouc, la mécanique, l’électronique. Le ralentissement de la vente de véhicules a donc un impact sur toute cette chaîne.

Pour ce qui concerne l’électronique mondiale, ce pays est la source principale d’approvisionnement. Une société comme Apple dépend totalement de la production en Chine : toute défaillance dans la livraison de l’iPhone, qui représente 2/3 de son chiffre d’affaires, a une répercussion immédiate sur son chiffre d’affaires mondial. Ses concurrents sont dans la même situation.

Le secteur du transport est également touché. Le prix du fret maritime à destination ou en provenance de la Chine s’est effondré, plusieurs ports chinois étant partiellement fermés. Le trafic du transport aérien, et son corollaire le tourisme, est très perturbé également. L’impact, à terme, dépendra beaucoup de la solidité financière des acteurs principaux sur ces marchés. Le transport maritime, plus concentré, est sans doute plus robuste de ce point de vue.

Outre ces secteurs, la Chine est devenue un marché essentiel pour l’industrie du luxe et des cosmétiques, et les produits alimentaires haut de gamme. La crise sanitaire impacte doublement ces activités, à la fois, par l’impossibilité d’accéder aux produits et aussi par le climat d’inquiétude qui conduit les Chinois à se concentrer sur les dépenses essentielles.

Concernant la demande intérieure, de nombreux centres commerciaux sont, pour la plupart, fermés. Les transports étant paralysés et, même si l’approvisionnement alimentaire est maintenu, la plupart des secteurs industriels comptent désormais sur leurs stocks mais ne peuvent expédier leurs produits finis. La paralysie de la distribution et de la logistique aborde ainsi un point de fragilité des économies complexes, lesquelles nécessitent toujours des acteurs humains pour le « dernier kilomètre ».

Cependant, la résilience de l’économie chinoise se manifeste par le recours à des solutions imaginatives. Certains fournisseurs ont, ainsi, mis au point un système de « livraison zéro contact », dans lequel client et fournisseur se mettent d’accord pour une livraison dans un lieu où les personnes ne se croiseront pas. L’application WeChat, qui a plus de 1 milliard d’utilisateurs, est utilisée pour permettre aux personnes confinées à leur domicile de partager leurs données de santé avec le personnel médical. De même, les autorités utilisent des drones pour pulvériser des désinfectants.

On voit donc que les perturbations sont à la mesure de la Chine. Néanmoins, la capacité de résistance à des bouleversements fait partie intégrante des stratégies des entreprises, surtout lorsqu’elles sont importantes. Dans l’immédiat, si la paralysie de la production dans les régions affectées perdure, les industriels chercheront des substituts en Chine et en dehors. Elle sera une préoccupation si la production est difficile à remplacer, soit parce qu’elle est vraiment faite « sur mesure » et requiert une haute technicité, soit parce qu’il manque de bonnes solutions de rechange. Il se peut que ce choc, combiné à la vive concurrence, fasse évoluer les stratégies vers plus de diversification et vers une priorité à l’approvisionnement régional.

L’impact au premier trimestre 2020 sur l’économie sera donc important. Au plan intérieur, la paralysie de l’activité se traduit, pour beaucoup d’entreprises, par un assèchement de liquidités. Si la situation dure, la question centrale est leur solidité financière. Combien d’entre elles ne pourront pas résister et se trouveront acculées à la faillite ? Les autorités ont donné des instructions aux banques pour faciliter le financement et, au besoin, son renouvellement. Ceci ne résout pas tout d’autant que les banques, elles-mêmes sont parfois fragiles. Si les faillites sont nombreuses, les perturbations seront plus durables et plus structurantes pour la suite.

Comment les vingt ministres des finances pourront-ils limiter l’impact du virus sur l’économie mondiale ? Quels types de mesures peuvent-ils mettre en place ?

L’effet de cette crise sur l’économie mondiale sera-t-il structurel ou restera-t-il conjoncturel ? Ceci dépend principalement de la durée de la situation, qui est le paramètre clé à prendre en compte. Il devrait être toutefois plus profond que celui de la crise du SRAS en 2003. En outre, la crise peut décrédibiliser temporairement la Chine comme grande puissance scientifique et technique, vision appuyée avec force par Xi Jinping, notamment avec le plan Made in China 2015.

Par ailleurs, la confiance caractérise habituellement la population chinoise. Or, le gouvernement chinois, qui a fait de la prospérité le moteur principal de sa légitimité, va devoir composer avec un ralentissement économique majeur, au moins pour l’année 2020 après celui de l’an passé, son plus mauvais résultat depuis 27 ans malgré les efforts déployés pour faire redémarrer l’économie. Une situation qui en dit long sur la difficulté du régime à réformer son modèle économique. De ce fait, la perte de revenus et l’augmentation du chômage pourraient créer des failles profondes dans le système économique, amplifiées par le manque de confiance envers des autorités incapables de juguler le développement de l’épidémie.

C’est pourquoi, afin de restaurer rapidement la confiance et le retour à un niveau d’activité normal, l’intensité des mesures d’accompagnement économique devra être ajustée à l’ampleur et à la durée de la crise. D’autant que celle-ci a des conséquences mondiales.

C’est pourquoi aussi le gouvernement, le Parti communiste chinois et les autorités locales se mobilisent « comme en temps de guerre », selon les déclarations officielles, pour éradiquer la progression du virus. Le président Xi Jinping multiplie les appels téléphoniques pour rassurer les dirigeants mondiaux quant à la maîtrise par la Chine de la crise sanitaire et sur le caractère temporaire de ses conséquences. L’intensité et la professionnalisation de la riposte sanitaire sont, en effet, un des facteurs clés de la crédibilité du pouvoir face aux critiques internes grandissantes.

Cette crise peut être l’occasion d’une remise en question, et d’une meilleure prise en compte des questions de stabilité, de résistance aux chocs. Sur la neutralité carbone, le constat de la situation actuelle n’est pas bon. Au mieux, peut-on espérer que cela permette de faciliter une évolution… à la condition que les politiques de lutte contre le changement climatique donnent une direction et des incitations suffisamment claires.

Ces événements pourraient être aussi un levier pour les adeptes de la démondialisation qui mettent en évidence les risques courus par une trop forte interdépendance des économies. À l’inverse, la crise peut renforcer l’autorité du pouvoir chinois et démontrer, si la crise est suivie d’une forte relance économique, que son organisation a su faire face à un événement exceptionnel mieux que toute autre forme de pouvoir politique.

À ce stade de l’évolution de la situation, les scénarii sont encore largement ouverts.

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