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Mal nommer les choses : Emmanuel Macron en plein vertige camusien face aux députés LREM
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Mots valises

Emmanuel Macron a reçu les députés de La République en marche mardi soir à l'Elysée afin de resserrer les rangs avant les élections municipales et avec en ligne de mire le scrutin présidentiel de 2022.

Si ce quinquennat avait besoin d’une nouvelle séquence ubuesque, le président nous en aura donné une joviale itération hier à l’Elysée. En pleine crise de défiance suite à plus d’un an d’un mouvement, celui des Gilets Jaunes, massivement soutenu par la population française, et d’une réforme des retraites, certes destinée à être mise en place en raison de la prévalence du fait majoritaire dans nos institutions, mais rejetée nolens volens par deux tiers des français, Macron invente un exercice de câlinothérapie problématique à bien des égards.

Premièrement, pour un président qui dans un court moment bonapartiste au printemps 2017 prétendait restaurer les institutions face au vieux monde politique, on peut s’interroger sur sa compréhension de nos institutions justement : le principe essentiel de séparation de l’exécutif et du législatif, la place surplombante du Président dans notre Constitution en tant qu’arbitre non partial, aurait du l’amener à déléguer cet exercice au Premier Ministre, chef théorique de la majorité (mais l’actuel l’est il vraiment, lui qui ne représente pas la sensibilité deuxième gauche constitutive de l’élan macroniste de 2016/2017 ?). Elaborée par Locke et Montesquieu, la théorie de la séparation des pouvoirs vise à limiter les différentes fonctions de l’Etat, et elle a été précisée en France par notre constitution de 1958 qui fait du Président un arbitre au-dessus des tensions partisanes. Or Macron n’a de cesse depuis un an et demi de se comporter comme un chef de clan ou de parti (le sien n’ayant semble t il aucune tète puisque les Français ne connaissent pas vraiment Stanislas Guerini), réunissant « ses » députés au plus fort de la crise des Gilets Jaunes, dans un appel bunkérisé au « qu’ils viennent me chercher », ou se livrant comme hier à un véritable séminaire d’explication avec ses députés. Il avait déjà enfreint la séparation stricte des pouvoirs en établissant cette nouvelle tradition d’un discours à Versailles devant les parlementaires, avant même le discours de politique générale du Premier Ministre…

Deuxièmement, cette rencontre avec ses parlementaires a révélé toute la magnitude du désespoir du macronisme et de l’incompréhension entre la tête et les jambes de ce mouvement. Là où les parlementaires évoquaient la violence à leur égard, un président catalyseur de haine et de rejet, l’imprécision des directions (voir la polémique sur les congés parentaux pour décès d’un enfant), Macron n’a fait aucun mea culpa sur la méthode : loin de rabattre sa coulpe ou de faire preuve d’un aggiornamento dans la méthode, il a rappelé que le sort des députés était lié au sien, a fait appel aux sempiternelles oukases contre les factieux, les frondeurs (passant beaucoup de temps sur le quinquennat Hollande, artifice rhétorique de la critique du prédécesseur qui a de moins en moins d’impact).

Enfin, il a proposé un nouvel Acte 2 (ou 3, on ne sait plus très bien) du quinquennat : afin de clore au plus vite l’Acte 2 des retraites, qui mine le moral des parlementaires au quotidien, il promet pour la fin du quinquennat une vision sur le régalien et l’écologie. L’économie, les réformes structurelles, disparaissent au profit de mots valises, l’un ancré à droite, l’autre plus à gauche (l’écologie n’est elle pas en train de devenir la vraie force de gauche dans ce pays, en tout cas tant que la droite abandonne stupidement l’environnement à des forces issues du gauchisme historique…). Nous sommes bien là dans le vertige camusien de l’usage de mots galvaudés, car tout le quinquennat jusqu’à présent a abandonné les deux dimensions évoquées comme priorité : examinons en effet le bilan Macron dans ces deux domaines pour comprendre le cynisme de l’usage de ces deux mots, vidés de leur sens et galvaudés par une communication élyséenne en roue libre…

Sur le régalien, le bilan de la criminalité en France en 2018 et 2019 fut catastrophique : pour 2019, les coups et blessures enregistrent une hausse de 8%, les agressions sexuelles de 12% et les homicides de 8%. L’immigration n’est pas contrôlée (+7% de titres de séjour, +10% d’entrées d’étudiants, +15% d’immigration économique), les zones de non droit se multiplient : comment Macron peut il feindre de découvrir ces problèmes qu’il a aggravés ?

Quant à l’écologie, au-delà des effets d’affichage du Make our planet great again, la France de Macron est en la matière un des pays les plus rétrogrades au monde : non seulement d’un point de vue industrielle nous sommes en retard sur la transition énergétique, mais le gouvernement a encouragé la dévastation de nos paysages, de nos terroirs et de notre faune : reprise des chasses à courre, encouragement à tuer les loups, reprise de la barbare chasse à glue, démantèlement de l’office national des Forêts : le désastre écologique de la France de Macron explique le regain de vitalité électorale d’EELV.

Ce n’est que par cynisme que Macron, pour s’attaquer tantôt à la droite, tantôt aux écologistes, agite des mots valises vides de sens : nous attendons désormais les vraies mesures. 

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