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La politique économique d’Emmanuel Macron en faveur des riches ? L’OFCE découvre l’eau tiède et oublie surtout ce qui pourrait faire la différence
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Croissance

Dans un contexte de croissance faible et de transferts fiscaux déjà poussés au maximum, toute politique économique ne peut que bénéficier en priorité aux plus dynamiques… Pour changer de braquet, une solution, une vraie politique de croissance.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

L’OFCE vient de publier une étude de 16 pages sur le Budget 2020. Assez étrangement, elle est intitulée « Du pouvoir d’achat au travail » alors que les médias en ont retenu que « sur les 17 milliards d’euros distribués depuis le début du quinquennat, plus du quart sont ainsi allés soutenir le niveau de vie des 5% des ménages les plus aisés ». ll n’en faut évidemment pas plus pour qu’on retrouve le fameux « Président des riches ».

On aura là, sans doute, reconnu l’effet dans ce chiffre de la fin de l’ISF et sa transformation en IFI, autrement dit de la fin de la taxation des actifs financiers et la seule taxation des hauts patrimoines immobiliers. Et comme ce sont les ménages percevant les plus hauts revenus qui disposent aussi, étant par ailleurs plus âgés, des plus hauts patrimoines, la fin de l’imposition fiscale les « enrichit ». Cette décision fiscale pèsera sur tout le reste de l’étude. Elle continue ensuite, avec les gagnants « ce sont près de 70% des ménages qui bénéficieraient des mesures du budget 2020, les grands gagnants se trouvant au centre de la distribution et les perdants en bas et en haut de celle-ci ». En revanche, « les 15% des ménages les plus modestes verront en moyenne leur niveau de vie amputé sous l’effet des réformes des allocations logement et chômage. »

Voilà donc la thèse : le début du quinquennat Macron a enrichi les riches (avec la « fin » de l’ISF) et appauvri les pauvres. Plus précisément, seuls les deux vingtiles les plus pauvres sont perdants (vingtile : nombre des ménages divisés en vingt tranches, soit 1,4 millions de ménages par tranche). Le premier vingtile, avec un revenu disponible moyen mensuel de 965 euros, a ainsi perdu 240 euros par ménage au total sur trois ans : 2018, 2019 et 2020. Le deuxième vingtile a perdu 95 euros sur les trois ans par ménage ayant un revenu disponible moyen de 1450 euros. Si on lit bien, ceci représente 80 et 35 euros « perdus » par an, soit 0,7% et 0,2% du pouvoir d’achat de ces deux catégories par an. Il ne s’agit pas de juger ici si c’est beaucoup ou peu, mais de noter que les auteurs écrivent « les 10% environ de ménages les plus modestes ont été mis à contribution mais sont peu impactés par les budgets 2019 et 2020 ». De fait, c’est le premier budget qui est à l’origine des écarts entre « gagnants » et « perdants », et les suivants les rabotent !

Que devient donc la thèse du « Président des riches ». Les auteurs le notent en effet : les gagnants sont « les actifs occupés », et pour les perdants de 240 euros, soit 80 euros par an, il s’agit pour l’essentiel des « effets des mesures prises sur les aides au logement (-30 euros), la réforme des allocations-chômage (-40 euros) et la hausse du prix du tabac (-30 euros), n’étant qu’en partie compensés par les effets positifs de la taxe d’habitation (+35 euros) et les revalorisations de l’allocation aux adultes handicapés (+ 15 euros) et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (+10 euros)». Hors le tabac, qui est une mesure de santé publique, on trouve ici les deux effets de la révision des aides au logement et des allocations chômage.

Pour les aides au logement, il s’agit plutôt en effet de justice, avec les nouvelles règles de calcul (repoussées d’un trimestre en 2020 pour des raisons évidement politiques… et municipales). Avec la nouvelle règle, le montant des APL sera ainsi calculé tous les trimestres, en fonction des ressources de l’allocataire sur ses 12 derniers mois, et non plus sur les revenus remontant à deux ans. Il y aura moins d’aide s’il y a eu hausse des revenus : ce n’est pas une sanction, même si l’on peut juger trop faibles les revenus des ménages en question. C’est même l’objet d’autres lois d’agir en ce sens, mais pas de redistribution.

Quant à l’assurance chômage, il ne s’agit pas d’une mesure voulant faire des perdants mais incitant à l’emploi : pour accéder à l’assurance chômage, depuis le premier novembre 2019, il faut avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers, non plus 4 sur les 28 derniers. Ceci sachant qu’en Allemagne c’est 12 sur les 24 derniers, que le taux de chômage baisse ici, que nombre d’employeurs sont en recherche de main d’œuvre (BTP, hôtellerie-restauration), et que le nombre d’apprentis explose.

C’est ici que l’on retrouve le titre du rapport « du pouvoir d’achat au travail » sachant qu’il ne peut s’agir de soutenir l’emploi par des aides, un keynésianisme que Keynes ne reconnaîtrait pas. On connait les trois types d’intervention selon Musgrave, en économie de marché : allouer des ressources pour pallier les imperfections de marché, autrement dit : plus d’offre compétitive, réguler l’économie en fonction des chocs : les politiques de régulation de la demande et enfin redistribuer par les impôts et las transferts de façon à soutenir la demande, à réduire les tensions sociales, mais aussi à donner des perfectives de promotion, et l’on retrouve l’offre.

On peut penser ce que l’on veut de la politique Macron, mais pas la réduire à une politique de « riches » en 2018 puis classes modestes en 2019 sous l’effet des « gilets jaunes ». Elle s’inscrit, comme toujours en économie ouverte de plus en plus compétitive et en pleine révolution industrielle, dans la durée : comment augmenter la croissance des catégories modestes sous l’effet des « gilets jaunes ». La fin de l’ISF c’est évidemment pour pousser, avec la réforme des retraites et de l’assurance vie vers l’achat d’actions d’entreprises françaises, et donc l’emploi. Les politiques de baisses de l’IS, de soutien à la formation… vont dans le même sens. Et le rabotage par sous indexation des fortes retraites d’un côté et de la retraite minimale à 1000 euros de l’autres aussi. Oui, il s’agit « du pouvoir d’achat au travail », mais sans oublier l’autre dynamique, majeure : « du travail au pouvoir d’achat ». Autrement on risque de se faire critiquer pour partialité politique, pour ne pas citer assez les travaux sur la compétitivité et la cohésion sociale, et d’oubli de Musgrave.

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