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Année du rat de métal : voilà comment les dirigeants chinois pourraient adapter leur stratégie en fonction de leurs horoscopes
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Donne moi ton signe, je te dirai ce que tu vas faire

Les croyances traditionnelles sont encore très ancrées dans la culture chinoise, elles participent au lien social, à la promotion d'une culture et d'une vision commune du monde. Si elles n'en demeurent pas moins du folklore, elles ont tout de même un impact sur la perception des évènements et des personnalités de la part des chinois et de leurs dirigeants.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico.fr : Quel est l’impact du calendrier chinois sur la vie politique et économique du pays ? 

Barthélémy Courmont : Il est très important, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. La culture chinoise, qui impacte la vie politique de ce pays, laisse une grande place aux superstitions et aux croyances. Et l’astrologie chinoise a une place de choix dans ces croyances, qu’il convient quand même de remettre dans leur contexte, c’est à dire du folklore. Les comportements des individus sont-ils ainsi déterminés par leurs signes chinois, et la bonne fortune depend-elle du signe dans lequel nous vivons? La dernière année du rat, 2008, fut celle des jeux olympiques de Pékin, moment important pour la Chine dans le monde, mais ce fut aussi l’année du tremblement de terre dans le Sichuan. Quant à la dernière année du rat de métal, il s’agissait de 1960, en plein marasme du grand bond en avant, qui a fait des millions de victimes... Comme quoi le yin côtoie le yang, et il est ainsi difficile de savoir si l’année du rat serait porteuse de meilleures nouvelles que n’importe quelle autre. D’ailleurs, chaque signe met en avant des vertus diverses. À prendre avec légèreté donc. Pour autant, les croyances ont la vie dure, et jusqu’à sommet de l’Etat, on ne lésine pas sur les symboles. De même, le nouvel an chinois est une fête tres populaire, qui se traduit notamment par une période de congés et des célébrations en famille. Les Chinois y sont très attachés, et l’entrée dans l’année du rat, signe annonciateur de succès et d’un nouveau cycle, est perçue comme la promesse d’une année pleine de succès. Mais elle semble mal commencer, avec l’épidémie de coronavirus et la mise en quarantaine de la ville de Wuhan ou l’annulation de nombreuses festivités à Pékin. La réalité reprend ses droits.

Emmanuel Lincot : C'est un moment privilégié car les familles se retrouvent. On règle ses dettes (morales et financières) et c'est une façon bien sûr-d'après le calendrier lunaire-d'annoncer le retour du Printemps. D'une manière générale ce moment de l'année donne lieu à des festivités importantes. On préparera - surtout dans la Chine du nord - la consommation de raviolis, symboles de renaissance. On déclenchera des pétards pour repousser les mauvais esprits. Le Nouvel an est un passage dont la célébration dure quinze jours. Ce Nouvel an est malheureusement aujourd'hui mis à mal par l'expansion du virus parti de Wuhan. 56 millions de Chinois sont aujourd'hui assignés à résidence.

Le président chinois, Xi Jinping, du signe serpent se caractérise par une bonne relation avec le signe du chien de Donald Trump. Cela permet-il de voir une continuité dans la détente des relations sino-américaines ?

Barthélémy Courmont : À condition toutefois que les deux hommes soient encore à la tête de leurs pays respectifs à la fin de l’année lunaire qui commence, ce qui n’est pas assuré pour Donald Trump, qui devra pour y parvenir assurer sa réélection. Xi devrait de son côté vivre une année plus calme, quoi que riche en émotion si le coronavirus ne parvient pas à être maîtrisé rapidement. Plus sérieusement, la bonne relation entre les deux hommes, souvent mentionnée par le président américain, reste à démontrer et pourrait se limiter à une rhétorique assez peu convaincante. D’autre part, la relation sino-américaine sous le leadership des deux hommes ne s’est pas franchement, et c’est dommage, caractérisée par la détente, mais au contraire par des tensions, précisément provoquées par les dirigeants. Les guerres commerciales de Trump en étant la face la plus célèbre. Mais les discours anti-Occident de Xi ne sont pas moins apaisants. Comme quoi trop de croyance dans l’astrologie chinoise - ou autre d’ailleurs - ne s’avère pas une grille de lecture rigoureuse et moins encore pertinente des relations internationales.

Emmanuel Lincot : On aime symboliquement l'association des signes contraires. Chien et serpent dans le zodiac chinois sont aussi opposés que complémentaires, il est vrai.Faut-il y voir une allégorie de ces relations ? C'est porter un regard d'alchimiste de la Renaissance ou celui d'un astrologue taoïste et non celui d' une analyse d'universitaire...La trêve du 15 janvier dernier sur la guerre commerciale entre les deux Etats ne signifie en rien une amorce de détente. Cette rivalité va se traduire par une opposition réelle sur le plan stratégique.

Le rat est célébré comme un symbole de richesse et d’intelligence, cela est-il un signe de bonne augure pour l’économie chinoise en perte de vitesse ?

Barthélémy Courmont : Là où il y a des rats, il y a du grain... Compte-tenu de l’importance de l’économie chinoise et des conséquences planétaires d’un ralentissement de celle-ci, il faut espérer que l’on ne s’en remette pas à l’astrologie pour espérer une reprise de la croissance! Le rat est malin, mais il est surtout pragmatique et effectivement intelligent. D’ailleurs, n’est ce pas son intelligence qui le guida à monter sur le buffle dans la grande course des animaux organisée par le bouddha , et à bondir juste avant la ligne d’arrivée pour se hisser à la première place, devant des animaux pourtant beaucoup plus rapides que lui, buffle et tigre en tête? Retenons donc le meilleur, et l’invitation à faire preuve d’intelligence pour, pourquoi pas, relancer une économie dont la croissance s’est essoufflée.

Emmanuel Lincot : le rat annonce le début d'un cycle de 12 ans. Nous sommes de toute évidence entrain de changer de paradigme. La pleine croissance est bel et bien derrière nous au profit d'une restructuration de l'économie chinoise qui va se poursuivre au profit de domaines stratégiques: intelligence artificielle, développement de la 5 G, création d'un système de sécurité sociale...Ce sont là des enjeux essentiels de la Présidence Xi Jinping.L’année du rat est vu comme un signe de renouveau, le pays est en pleine transition énergétique. Les chinois vont-il mieux respirer demain ?  

L’année du rat est vu comme un signe de renouveau, le pays est en pleine transition énergétique. Les chinois vont-il mieux respirer demain ?  

Barthélémy Courmont : Avec des masques anti-pollution, et en espérant au passage ne pas être affectés par le coronavirus... Là encore, il convient de rester sérieux. L’année du rat marque l’entrée dans un nouveau cycle, puisqu’il s’agit du premier signe de l’astrologie chinoise. Là s’arrête l’appréciation de ce renouveau. En redevenant à nouveau sérieux, la Chine est en effet engagée dans un vaste chantier de transition écologique, dont il est encore difficile de mesurer les aboutissements. Et année du rat de métal ou pas, cette transition devrait se poursuivre puisqu’elle est inscrite dans les plans politiques et économiques du pays, ces derniers s’appuyant sur une autre astrologie, celle du Parti communiste, avec en ligne de mire le centenaire de la République populaire de Chine en 2049, qui accessoirement ne sera pas une année du rat de métal, mais du serpent de terre.

Emmanuel Lincot : C'est déjà le cas. La capitale en est la parfaite illustration. Le 'smog' des années passées y a disparu. Des efforts colossaux ont été réalisés dans le domaine de l'écodurable même si la Chine reste un Etat continent énergivore et est à ce jour le plus gros consommateur de pétrole. Dans le domaine de l'économie verte, la Chine peut nous étonner par ses innovations. A condition aussi que son gouvernement soit moins schizophrène et impose à ses entreprises basées à l'étranger les mêmes restrictions strictes qu'en Chine dans la lutte contre la prédation écologique et la pollution.

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