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Les trois locomotives de l’économie américaine qui avaient combattu Donald Trump s’allient désormais à lui pour sa réélection
©Brendan Smialowski / AFP

Retournement

La banque, le digital et l’Entertainment : les trois locomotives de l’économie américaine ont combattu Donald Trump à son arrivée, mais se sont laissées apprivoisées depuis, au point de le défendre. Ces trois industries ne le regrettent pas. Trump non plus !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’industrie de la banque, le secteur du digital et les entreprises du cinéma, de la musique et de la vidéo constituent désormais les trois secteurs clefs de l’économie américaine. Loin devant l’agro-alimentaire, la grande distribution, et l’industrie automobile et aéronautique. Une exception, le formidable dynamisme des secteurs producteurs de matières premières et d’énergie.

Mais ce qui est étonnant, c’est le poids, le dynamisme et la force d’entrainement de la banque, du digital et de l’Entertainment.

Ces trois secteurs représentent les 2/3 de la capitalisation boursière de l’Amérique du nord, et plus de la moitié du PIB, des emplois, et du commerce extérieur, des recettes fiscales publiques... Et ce qui est étonnant, c’est que ces secteurs-là n’ont pas supporté la campagne de Donald Trump, certains l’ont même combattu durement. Et pendant les premiers mois de son mandat, Donald Trump ne les a pas épargnés en les menaçant par tweets de démantèlement, de régulations et de contrôles fiscaux. Ces menaces impressionnaient beaucoup le cœur de son électorat et notamment les chômeurs de la ceinture de la rouille, mais sont restées à l’état de tweet.

La réalité, c’est que Donald Trump n’a rien fait pour freiner la croissance globale et surtout pas gêner les locomotives de cette croissance.

1er secteur gagnant, le digital avec les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Toutes ces grandes entreprises ont acquis une telle valeur (près de 1000 milliards de capitalisation pour au moins trois d’entre elles), qu‘elles sont capables d’acheter tout et n’importe quelle activité dans le monde, leur puissance mondiale leur permet d’imposer leur loi fiscale et sociale qui est la plus favorable au financement de leur développement. Leur force d‘entrainement se mesure au montant de leur investissement en recherche (les 2 /3 du montant de recherche américain). Elles ont la capacité d’installer un modèle économique fondé sur la gestion de l’information qui apporte les armes de la guerre commerciale moderne.  Cette puissance ruisselle d’ailleurs sur beaucoup d’entreprises plus modestes. Tesla, par exemple, a franchi la barre des 100 milliards de dollars de valeur boursière cette année. C’est dix fois moins d’Amazon ou Apple, mais presque dix fois plus que la valeur de chacun des grands groupes automobiles du monde.  Les rapports entre les acteurs de cette nouvelle économie et Donald Trump ont été difficiles au départ. Ils sont maintenant pacifiés. Sur le terrain fiscal par exemple ou la gestion des données personnelles, ces entreprises sont défendues par l’administration Trump. Le seul risque que ces entreprises courent aujourd’hui, c’est le risque de démantèlement compte tenu de leur position oligopolistique. Mais les seuls concurrents sont chinois. Politiquement, on a compris que l’intérêt américain était de protéger la capacité d’innovation des entreprises américaines. Les GAFAM sont désormais entrées dans le club très fermé des entreprises qui travaillent avec la défense nationale ou le spatial.

2e secteur gagnant, l’industrie bancaire et financière. Les banques américaines, qui sont quand même à l’origine de la crise des subprimes, ont bénéficié des générosités de la banque centrale et de l’assouplissement des réglementations. Barack Obama avait déjà fait preuve de bienveillance avec la banque de New York, mais Donald Trump a accéléré la dérégulation. Les grandes banques américaines et les sociétés de gestion d’actifs ont acquis des positions dominantes au niveau mondial. BlackRock gère plus de 7 000 milliards de dollars d’actifs, Goldman Sachs est devenu incontournable après la chute de Lehman Brothers et JP Morgan vaut désormais près de 500 milliards de dollars en capitalisation boursière.  C’est la banque la plus importante du monde en termes d’actifs gérés et de valorisation. Son bénéfice net dépasse les 36 milliards de dollars en 2019, en hausse de 12% avec une rentabilité sur capitaux investis de 20%. La première des banques en Europe, la BNP, ne vaut que 65 milliards d’euros. Presque dix fois moins que JP Morgan qui pourrait se la payer avec deux années de bénéfice.

Cette surpuissance de la banque américaine par rapport au reste du monde tient évidemment au dynamisme de l‘économie, mais aussi à des structures de taux qui la pénalise moins que les taux négatifs gênent les Européens. Mais la vraie raison du dynamisme, c’est que la banque américaine a le droit de prendre des risques. Elle est beaucoup moins contrôlée et régulée que les banques européennes soumises aux conditions de Bale 3.

La situation est assez impressionnante parce qu‘aucune autre banque mondiale ne pourra percer sur le marché américain. Cette situation est difficilement supportable dans la mesure où la banque américaine porte des risques systémiques comme en 2007 et 2008. Donald Trump a compris que le système irriguait son modèle, il n’a donc rien fait pour sécuriser les opérations bancaires. Pourvu que ça dure, disent les banquiers de New-York. L’Europe n’a pas les moyens de se défendre.

Les banques britanniques qui ont limité pour le Brexit, ce qui devrait leur permettre de s’affranchir des régulations européennes parviendront-elles à affronter leur cousin d’Amérique ? C’est peu probable.

3e secteur gagnant, l’Entertainment. Hollywood a régné sur le cinéma mondial pendant un demi-siècle. Depuis dix ans, Hollywood a investi les circuits de distribution vidéo. Le meilleur exemple, c’est la puissance de Netflix qui, par ses programmes, ses séries et ses documentaires et sa politique commerciale, a acquis des positions dominantes dans le monde entier. Cette industrie-là couvre la totalité du spectre de l’Entertainment, la musique, le cinéma, le spectacle live, la voix, le replay etc… Elle a bénéficié de l’impérialisme de la langue anglaise, mais aussi de la puissance des réseaux sociaux.

Quand on ramène l'économie américaine au cœur de son moteur, on trouve désormais ces trois locomotives, la banque, le digital et Hollywood avec le soutien des réserves énergétiques et agroalimentaires. Mais on constate également qu‘à terme, les seules entreprises capables de faire concurrence aux américaines sont les entreprises chinoises.

La classe dirigeante américaine, qui a assisté à l’arrivée de Donald Trump en se pinçant le nez, a pris conscience que la guerre commerciale qu‘il a engagée avec Pékin a surtout affaibli les Chinois. D’où l’acceptation de signer un armistice sous conditions très favorables aux Américains.

L’économie américaine n’a jamais été aussi puissante. Son potentiel de développement et sa visibilité n’ont jamais été aussi clairs. Le grand patronat américain n’a pas de solution alternative que d’accepter Donald Trump pour un second mandat. Ils resteront sans doute discrets dans leur engagement mais ils ne militeront pas contre lui.

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