Chine : un virus mystérieux inquiète les autorités chinoises. Et désormais l'OMS<!-- --> | Atlantico.fr
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Cononavirus

Un virus mystérieux - jusqu'alors inconnu de la science - est à l'origine d'une grave maladie pulmonaire dans la ville chinoise de Wuhan. Plus de 50 personnes ont été infectées. Sept sont actuellement dans un état critique. Des échantillons viraux ont été prélevés sur des patients et analysés en laboratoire. Et les autorités chinoises et l'Organisation mondiale de la santé ont conclu que l'infection était due à un coronavirus

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Quels sont les principaux symptômes et les caractéristiques du coronavirus ? Quels sont les moyens de s’en prémunir ?

Stéphane Gayet : Avant d’être une maladie, c’est déjà un agent infectieux d’un type particulier : un virus. On trouvera ici des notions générales sur ces agents infectieux que sont les virus.

Pour la plupart des agents infectieux et plus particulièrement les virus, il existe une spécificité d’espèce. Cela signifie que certains virus sont propres au chien, d’autres au chat, d’autres au cheval, d’autres aux rongeurs, d’autres à l’Homme…
Cette spécificité d’espèce est liée à une barrière d’espèce : pour les virus, cela veut dire que le virus d’un animal -prenons le cas du chien- n’est pas reconnu par les cellules de l’Homme et ne peut donc pas déclencher une infection chez lui.
Cependant, cette barrière d'espèce n'est pas systématiquement infranchissable : parfois, elle n'est que relative. C'est ainsi que le virus de la rage est un virus vulpin (du renard) ; il peut accidentellement passer chez le chien ; à partir de ce dernier, il peut accidentellement passer chez l'Homme.
Pour qu'un virus franchisse une barrière d'espèce, il faut que des conditions inhabituelles soient réunies : un contact étroit entre un animal et un autre être vivant potentiellement réceptif.
Les virus du sida semblent provenir chimpanzés et de gorilles ; le virus Ebola -de l'épidémie de 2014- semble provenir de chauves-souris (frugivores ou peut-être insectivores) ; le virus Corona (coronavirus) du syndrome respiratoire aigu sévère du Moyen-Orient (MERS-CoV) semble provenir de dromadaires, etc. L'acronyme MERS signifie (en anglais) : le « syndrome respiratoire du Moyen-Orient ». Les virus animaux qui passent accidentellement à homme puis provoquent des épidémies sont qualifiés de virus émergents.

Les coronavirus

Les Coronavirus (CoV) forment une grande famille de virus ; leur génome est un ARN dont la longueur est très grande. Ce long génome à ARN est entouré d'une capside protéique en forme de couronne, d'où le nom de coronavirus. Ces virus sont répandus dans le monde animal et chez l'Homme. Les coronavirus fréquents de l'homme sont HCoV-229 et HCoV-OC43.
Les coronavirus habituels de l'homme sont des agents viraux responsables de rhumes et rhinopharyngites. Ils font partie des quelques virus souvent impliqués, avec les rhinovirus. Par ailleurs, c'est aussi un coronavirus qui est en cause dans la péritonite infectieuse féline (du chat) ou PIF, bien connue des vétérinaires et des éleveurs.
Or, depuis quelques années, apparaissent des foyers épidémiques d'infections à coronavirus respiratoires émergents. Ces virus émergents sont le SRAS-CoV et le MERS-CoV. L'acronyme SRAS signifie : « syndrome respiratoire aigu sévère ». Ces deux noms sont réservés aux deux types de coronavirus impliqués en Chine (SRAS-CoV) et au Moyen-Orient (MERS-CoV). Il n'en demeure pas moins vrai que le MERS-CoV donne également un syndrome respiratoire aigu sévère.

Le syndrome respiratoire aigu sévère se manifeste par un syndrome grippal (fièvre, frissons, malaise général, asthénie ou fatigue, céphalée ou mal de tête, myalgies ou douleurs musculaires, toux sèche) qui s'aggrave jusqu'à provoquer une forte gêne respiratoire ; son évolution est assez souvent mortelle.
La ville de Wuhan est au Centre-Est de la Chine, presque sur le même méridien que Pékin, c'est-à-dire environ à mi-chemin entre Pékin au Nord et Canton au Sud.
Il s'agit donc d'un foyer épidémique dû à un coronavirus, mais d'un type nouveau : les autorités chinoises ont annoncé que des tests de laboratoire excluaient le SRAS-CoV, le MERS-CoV, le virus grippal humain, le virus grippal aviaire, l'adénovirus ainsi que d'autres virus respiratoires humains courants.
Dans la mesure où il s'agit probablement d'un nouveau cas de contamination de l'animal à l'homme, la prévention consiste à éviter -dans la zone d'épidémie- tous les contacts rapprochés avec des animaux suspects d'êtres porteurs du virus.
Lors de la première épidémie d'infection à SRAS-CoV en Chine, le réservoir initial de virus était la civette. C'est un animal sauvage omnivore à tendance carnassière, de la taille d'un gros chat, et qui est recherché pour sa fourrure, sa viande mais aussi d'autres usages (excréments, huile provenant de sa chair grasse…). Les civettes sont souvent vendues vivantes sur les marchés chinois et les acheteurs sont donc exposés au risque de contamination.
Maintenant, quand il s'agit d'un foyer épidémique humain, la prévention repose sur le fait de se tenir à distance d'un sujet qui tousse (un mètre cinquante), de porter un masque quand on le peut et de se désinfecter ou se laver les mains après un contact suspect.

Quelles sont les spécificités de ce virus en Chine ? Quelle pourrait être l’importance de cette découverte sur le plan de la recherche médicale et dans le cadre de la lutte contre les épidémies et les virus ?

Stéphane Gayet : On sait encore peu de choses à ce jour. Il semble bien s'agir d'un coronavirus et d'un type que l'on ne connaît pas encore. Il est très hautement probable qu'il s'agisse encore d'un virus provenant de l'animal, comme c'est la règle pour les virus dits émergents.
Il importe d'élucider rapidement la source originelle de virus et la façon dont il a pu passer à l'Homme. Mais la contagiosité interhumaine de ces virus émergents -comme cela a été le cas pour le SRAS-CoV et le MERS-CoV- est relativement faible, ce qui contraste avec la gravité de l'infection respiratoire qu'ils provoquent (dissociation fréquente et c'est heureux).
Toutefois, il n'est pas du tout certain que les travaux sur le point d'être effectués sur ce coronavirus, nous soient très utiles dans la lutte contre les épidémies virales respiratoires, avant tout dues au virus grippal. Car les virus grippaux (Influenza virus) sont très différents des Coronavirus. En revanche, cette nouvelle émergence virale devrait nous aider à approfondir les facteurs qui prédisposent au passage chez l'Homme de virus animaux.
Ce sera un argument de plus pour légiférer et réglementer en Chine le commerce et l'exploitation d'animaux vivants et de viande dite de brousse.

Le système de santé en Chine est-il adapté et préparé pour faire face à ce nouveau virus après les peurs de pandémies de ces dernières décennies avec les virus H1N1, H5N1 ou le SRAS ? Faut-il craindre une pandémie ?

Stéphane Gayet : Le système de santé chinois est, comme tout le pays, très administré. Les autorités chinoises sont capables de prendre des mesures sanitaires très drastiques quand elles les jugent nécessaires. Mais, étant donné ce que nous avons vu supra, elles ne seront probablement pas indispensables. Une épidémie à grande échelle est peu probable, une pandémie improbable.

D'une façon plus générale, il est presque impossible d'anticiper l'apparition de nouvelles maladies virales chez l'homme. Même en sachant que leur réservoir originel est en général l'animal et le plus souvent un mammifère, il est bien utopique de croire que l'on pourrait, grâce à une étroite collaboration entre vétérinaires et médecins, prévoir le passage d'un virus de l'animal à l'homme. D'une part, dans bien des cas, l'animal n'est pas très atteint par l’infection virale, et quand il n’est pas carrément asymptomatique (aucun signe de maladie) ; d'autre part, comment explorer sur le plan microbiologique tous les mammifères susceptibles de rencontrer l’homme et soufrant d'infection ? Les prochains virus proviendront peut-être de souris, de rats, de chats, de fennecs, de genettes, de phacochères… La liste est longue.

Il est probable que d'autres maladies virales graves, et cette fois à fort potentiel épidémique, frapperont l'homme à partir d'un réservoir animal. Mais le savoir ne permet pas d'anticiper ce phénomène, dans l'état actuel de connaissances et nos moyens. Ce qu'il faut, en revanche, c'est une vigilance épidémiologique intense, déjà en place dans nombre de pays, mais énormément de progrès restent à faire, précisément dans les pays tropicaux où ces épidémies prennent naissance.
On le voit, nous devons nous attendre à la survenue de foyers épidémiques dus à de nouveaux virus émergents et sans que l'on ne puisse véritablement les prévenir. La réactivité efficace appartient à la prévention dite secondaire ; tandis que la vaccination appartient essentiellement au domaine de la prévention primaire. Nous aurons d'autres épidémies et toujours sans vaccin au préalable, c'est certain. Mais au prix de moyens très conséquents, on pourrait cependant espérer mettre au point un vaccin rapidement après le début d’une épidémie liée à un nouveau virus.

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