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"L’Omagate" et les inconséquences allemandes en matière d’écologie
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Bismarko scanner

Le "Omagate" est au coeur des débats, notamment sur les réseaux sociaux, en Allemagne depuis quelques jours. Une chanson satirique chantée par des jeunes critiquait l'attitude d'une grand-mère. En quelques jours, la vidéo a suscité une énorme polémique sur la cause environnementale.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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« Ma grand-mère est une ordure.... » 

Au moment des fêtes de Noël, un petit scandale médiatique a agité l’Allemagne. WDR, la radio-télévision régionale basée à Cologne, avait mis en ligne une vidéo où sa chorale de filles chantait une version réécrite d’une célèbre chanson pour enfants. La chanson originale dit dans le premier couplet : « Ma grand-mère roule en moto dans le poulailler. Ma grand-mère est une femme vraiment géniale! »; et ainsi de suite: les couplets suivants racontent que la grand-mère (« Oma ») a un poste radio dans une molaire, des rideaux pour ses lunettes ou un pistolet dans le porte-jarretelle. Ce n’est pas très raffiné mais fait rire les familles qui écoutent cela sur l’autoroute sur le chemin des vacances. Or, la version diffusée sur WDR, dit à la place que la grand-mère roule en SUV, mange des steacks parce qu’ils sont à prix discount et fait dix croisières par an, tout cela en se moquant éperdument de l’environnement. Et l’on entend vingt petites filles chanter un refrain difficile à traduire, « Meine Oma ist eine Umweltsau », que l’on peut essayer de rendre par:  « Ma grand-mère est une ordure qui pollue». 

Le buzz de l’Omagate

Emmanuel Todd saurait mieux expliquer que moi l’influence très spécifique de la mère ou de la grand-mère dans la structure familiale allemande. La chanson originale fait dans la transgression gentille vis-à-vis d’une figure tutélaire des familles allemandes. Mais cela dit bien que les mamies allemandes sont adulées par leurs petits enfants et respectées par leurs familles. Aussi la version transformée de la chanson a-t-elle aussitôt choqué et déclenché une polémique. Il n’est pas nécessaire de rentrer dans le détail mais le lecteur comprendra bien comment s’enchaîne la séquence: diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux; le « bourdonnement » devient suffisamment dangereux du point de vue de WDR pour que le média public régional retire la vidéo; un communiqué alambiqué explique que c’était à prendre au deuxième degré, pour donner à réfléchir aux enjeux des débats environnementaux; le président de WDR convoque une assemblée des salariés, au cours de laquelle il est bousculé par des journalistes lui demandant pourquoi il a ainsi cédé à la pression des climato-sceptiques; un des journalistes crée lui-même un nouveau « buzz » en écrivant que le problème de tous les critiques vient de ce que leurs grands-mères étaient des « ordures nazies ». Aussitôt l’AfD demande un débat au Landtag de Rhénanie du Nord/Westphalie, débat accepté par le Ministre-Président du Land, Armin Laschet, qui précise cependant qu’il n’y aura aucun vote à l’issue du débat. 

La transition énergétique allemande : Un fiasco signé Merkel. 

Lorsque l’on suit ce genre de débats, on se demande où est passé le « modèle allemand » si cher à nos dirigeants. « L’Omagate » est révélateur d’une forme de médiocrité ambiante dans l’Allemagne d’Angela Merkel. Mais le plus frappant est sans aucun doute le fait qu’une polémique de ce genre est menée très loin de ce qui devrait être un « Merkelgate »: le fiasco complet du tournant énergétique initié par la Chancelière en 2011, lorsqu’elle a décidé de la sortie de l’industrie nucléaire en 2022. Le prix de l’électricité a depuis lors considérablement augmenté: il est 45% supérieur à celui de la moyenne européenne pour les ménages, et deux fois supérieur si l’on compare au cas français. La fiscalité écologique, destinée à financer les énergies renouvelables, représente la moitié du prix de l’électricité. L’Allemagne émet 15% de plus de CO2 que ses objectifs, en particulier parce qu’elle est obligée d’utiliser des centrales au charbon pour compenser le déclin de l’énergie nucléaire et le retard dans la substitution des énergies renouvelables. Au nom de la préservation de l’environnement, les écologistes ralentissent le transfert d’électricité des installations d’éoliennes du nord du pays vers les centres industriels du sud. Enfin, pour boucler ce bilan provisoire, le pays est devenu plus dépendant de ses importations énergétiques: en particulier du gaz russe - mais la Chancelière la plus russophobe de l’histoire récente de l’Allemagne n’est pas à une contradiction près. Tous les experts sérieux redoutent le scénario d’une Allemagne sortie du nucléaire, arrêtant les centrales à charbon sous la pression des écologistes et devant augmenter ses importations d’électricité. 

Le contraste entre la futilité du débat sur « l’Omagate » et le bilan énergétique négatif de l’ère Merkel nous montre qu’il n’y a pas qu’en France que les débats majeurs sont escamotés. 

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